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Hommage à David Bowie

Dossier réalisé par Amandine le 22 janvier 2016

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Le 10 janvier, le monde de la musique et bien au-delà s'est arrêté de tourner : David Bowie n'est plus et c'est avec toujours autant de classe et d'humilité qu'il a quitté ce monde. A la rédaction de Sound of Violence, certains collaborateurs ont voulu écrire quelques mots sur leur Bowie, celui qu'il incarnait pour chacun de nous.

AMANDINE
Bowie est mort ; il y a quelques jours, ces trois mots étaient encore pour moi inconcevables ; non pas qu’on le croyait immortel, notre dandy de Brixton, mais la sortie de Blackstar, ultime écrin face à l’éternel, nous le rendait encore plus présent dans nos vies et dans nos oreilles qu’à l’accoutumée. Ce 10 janvier, j’ai eu l’impression de perdre un parent qui m’était pourtant inconnu ; ses chansons sont autant de souvenirs qui ont accompagné les vingt dernières années de ma vie et chacun me rappelle à une nostalgie incontrôlable et c’est probablement la raison pour laquelle je me sens si proche de l’œuvre de Bowie. Le personnage, LES personnages, la classe, la culture, le bon goût, l'attitude toujours un brin rebelle, le faciès du parfait beau gosse, les mélodies belles à en pleurer, Bowie avait tout pour me séduire et au fil des ans, ses différentes facettes se sont révélées à moi.
Sa carrière et ses compositions sont un monument, et sa vie, jusqu’à sa mort, une œuvre d’art. Aujourd’hui à l’écoute de Aladdin Sane et de cette voix fantomatique scandant « Who’ll love Aladdin Sane ? We’ll love Aladdin Sane ! » sur fond de piano dissonant, on ferme les yeux en pensant aux dernières images du clip de Lazarus, où David entre, tremblant, dans cette armoire. Le bougre, jusqu’au bout il aura usé de la mise en scène !

Le monde te pleure et moi, depuis dix jours, je passe mes journées à réécouter les perles que tu nous as laissées, à jouir de Blackstar, ce dernier joyau incandescent. Allez, je t'aime tellement que même Let's Dance je ne la zapperai pas, promis !

Look up here, you’re in heaven...



CASSANDRE
L’homme aux innombrables visages. A vivre autant de vies, on avait bêtement fini par le penser immortel. David Bowie n’est plus, mais cette semaine, plus que jamais, les vies qu’il a influencées lui ont survécu, comme autant d’histoires singulières et irremplaçables. Il fallait au moins cet homme, à la fois héros de tous et de chacun, pour en inspirer autant. La mienne restera celle d’une rare fascination pour un personnage unique, et d’une étrange, interminable obsession pour cette chanson. Merci pour tout ça David, et comme le courage de dire adieu me manque un peu, je resterai sur un au revoir.



EMMANUEL
La première fois que j’ai dû entendre David Bowie, ou tout au moins prêter attention à sa musique, c’est en 1980. Je devais avoir dix ans. A l’époque ma cousine écoutait Ashes To Ashes et j’avais vu le vidéo clip de cette chanson à la télévision. Je me souviens avoir été marqué par celui-ci. Ce clown me terrorisait et me fascinait en même temps. David Bowie semblait venir d’une autre planète. Comme souvent dans ces moments-là, on essaye d’affronter ses peurs, de les apprivoiser et j’ai tout doucement commencé à écouter sa musique. Il y a eu Let’s Dance, plus funky avec surtout son image beaucoup plus rassurante pour moi. Bowie m’a beaucoup marqué dans les années 80 avec ses vidéo clips. Ashes To Ashes, Let’s Dance, mais aussi China Girl, forcément. Starman reste ma chanson préférée, même si je l’ai découverte bien des années plus tard. Elle reste incroyablement moderne et indémodable.



FRANÇOIS
Comment se confronter à David Bowie ? Comment lui dédier un hommage tant il est à l’origine d’à peu près tout ce qu’on apprécie dans la musique depuis... cinquante ans ! David Bowie avait le même âge que mon père et on peut dire qu’il a enfanté cette passion pour l’exigence musicale à travers ses albums parfaits, évoluant d’époque en époque, toujours avant-gardiste, toujours en recherche. Et si l’adolescent qui n’en avait entendu parler qu’en découvrant des reprises du Starman lors des concerts de ses groupes préférés, l’adulte a su remonter les ères et découvrir une à une toutes ces pépites. Se mettre à gigoter dès que Let’s Dance retentit dans le club, frissonner quand un réalisateur choisit Space Oddity pour illustrer le moment de magie de son film, sourire lorsque son groupe préféré choisit de reprendre Modern Love ou lever les yeux au ciel lorsqu'un hurluberlu crie subitement DAVID BOWIE dans un silence entre deux chansons. Encore mieux lorsque le groupe en question relève le défi et revient sur scène avec un masque à son effigie qu’il avait par hasard dans ses affaires... C’est sûr, tous les groupes ont cette envie d’être David Bowie, de composer la perfection à chaque sortie, d’avoir cette aisance en mixant toutes les formes d’arts. Si je devais symboliser cette convergence, je choisirais Modern Love, titre précurseur de la new wave mais qui contient cette universalité que Bowie exprimait déjà dans les 60’s. Et ces textes qui raisonnent toujours de manière semblable aujourd’hui.

(Church on time) terrifies me
(Church on time) makes me party
(Church on time) puts my trust in God and man
(God and man) no confessions
(God and man) no religion
(God and man) don't believe in modern love




JC
Bowie est un artiste complet qui ne s'arrête jamais. Il a toujours fait partie de mon paysage musical, sortant des albums ambitieux qui me plaisaient beaucoup ou pas du tout. Je reste admiratif autant de son énergie créatrice que de son humanité. Depuis quelques jours les hommages et les petits souvenirs font surface, mais voilà longtemps que les artistes que j'aime disent dans leurs interviews qu'ils ont un jour reçu un coup de téléphone de David Bowie (Bauhaus, TV On The Radio, Arcade Fire pour en citer quelques-uns). Non content d'être un classique vivant, Bowie aimait rester en contact avec son monde, celui du rock qui fait remuer les hanches autant que les tripes.



JOHAN
« You're face to face / ...

David Bowie ne nous a pas quittés. Seul David Robert Jones est parti. Restent encore ses alter egos (Bowie en tête), ses œuvres (oui, même Let’s Dance), son dernier testament (le méta Blackstar), les mômes qu’il a accompagnés, aidés, éduqués, créés (nous).
Et il reste un dernier personnage. Cet unique personnage que chacun de nous voit, celui qui prévaut sur tous les autres et en fait une des raisons pour lesquelles David Robert Jones a pu affecter à ce point. Pour moi ?
Il est et restera The Man Who Sold The World.
Il est et restera cette œuvre, immédiate et invincible, jamais vaincue des décennies plus tard, toujours debout et ce pour toujours.
Il est et restera cette pochette subjuguante, que j’ai pu observer des heures durant, le casque sur les oreilles, m’endormant sur l’épaule de mon père.
Il est mon second père, à la posture troublante, féminine, solennelle ; des représentations de lui plein les étagères, plein les murs adolescents, m’invitant à essayer les robes bariolées de ma mère, à danser comme un alien (lui) quand personne ne me regarde (moi), à me passer en boucle la musique pour réinterpréter la ligne de basse indomptable de The Man Who Sold The World.
Il restera mon père, à l’expression bouleversante, bienveillante, réconfortante ; des représentations de lui plein mon portefeuille, plein les murs adulescents, prenant le pas sur les souvenirs pour me voir m’endormir sur son épaule, pour aller me susurrer les chœurs fantasmés de The Man Who Sold the World, pour venir me confier ces quelques mots qui sont et resteront « I must have died alone / A long, long time ago ».
Il est et restera en moi (à l'âme insaisissable) ; dans mes esprits (à la folie floue) ; dans mon cœur (aux chœurs fantomatiques).
Il est (lui) et restera (moi). David Robert Jones ne nous a pas quittés. « I thought you died alone / A long, long time ago ».
Il est (l'immortel) et restera (la mémoire).
Il est et restera.

... With the man who sold the world. »



MARC
Pour moi, Bowie c'est d'abord une ombre tutélaire, à la fois chaleureuse et menaçante, séduisante et impressionnante. Sans que je le sache forcément, il s'immisçait déjà quand je découvrais le rock à l'adolescence, d'abord chez les Américains (Nirvana, Smashing Pumpkins) puis chez les Anglais (Blur, Pulp, Suede, Divine Comedy...). Il se rapprochait un peu plus via les conseils avisés d'un ami qui me prêta dans la foulée Hunky Dory et Ziggy Stardust. Il se présentait enfin devant nous deux, un soir glacé d'octobre 99, dans une salle parisienne devant laquelle nous avions campé des heures durant pour obtenir une parcelle volatile de rêve. Les souvenirs de ce concert se sont brouillés avec le temps mais reste l'empreinte auditive et visuelle du Duc Blanc, ce soir-là vêtu de bleu, interprétant un Life On Mars fantomatique devant nos mines incrédules. Un moment en suspension, un peu comme les 4 minutes de ce chef-d'oeuvre pop qu'il avait composé en réponse à My Way de Sinatra. « And he did it, his way... »



MAXIME
En terme d’initiation à la musique, on ne peut pas dire que mes parents m’aient spécialement encouragé à aller voir du côté du rock. A la maison, radio classique régnait en maître absolu, et sur la route des vacances, la même compilation de Joe Dassin berçait inlassablement nos trajets en Renault Espace. C’est qu’il en fallait de la place pour les trois enfants.
Mais il se trouve que mes sœurs ont toujours eu à cœur d’aller à contre-courant des suggestions parentales. Une idée des plus censées, car c’est grâce à elles que j’ai été encouragé à aller découvrir nombre de piliers du rock et à me forger au fil des ans une véritable passion qui s’est transformée en une partie de mon identité. Parmi les suggestions les plus réfléchies, un Best Of de Bowie. Je crois qu’il doit s’agir du double album que j’ai le plus écouté et qui n’a jamais cessé d’être une véritable redécouverte, écoute après écoute.
L’an dernier, l’exposition qui lui était consacré à la Philharmonie de Paris, en plus d’être l’occasion de réunir la fratrie, m’a permis de redécouvrir les mille couleurs différentes du caméléon Bowie. Cette multitude de facettes, cette agilité à développer de nombreuses personnalités et à parfois provoquer sans jamais choquer m’ont spécialement bluffé. Sans pour autant m’avoir transformé en un grand anarchiste, Bowie aura toujours su m’encourager à cultiver ce côté un peu Rebel Rebel et à garder sur le monde, un œil aussi ouvert que mon oreille. Merci pour ça et pour tout le reste David.

SANDRA
Nous sommes en 1983, à la télé un David Bowie peroxydé chante une chanson à propos d'une paire d'escarpins rouges. J'ai huit ans et je ne comprends pas trop ce qu'il raconte mais je suis fascinée. Le personnage, la musique, je n'arrive pas à détacher mes yeux de l'écran. J'ai huit ans et je viens de découvrir David Bowie. A compter de ce jour sa musique m'accompagnera toujours, je passerai des jours et des semaines à l'écouter en boucle. Et puis parfois des années à ne plus l'écouter du tout. Comme une histoire d'amour un peu compliquée. David Bowie, c'est cette figure à la fois flamboyante et rassurante, celle qui a toujours accompagné ma vie musicale, et qui le fera toujours.

XAVIER
Onze ans. L'âge que j'avais quand j'ai entendu cette chanson pour la première fois. Et ce cri, « you're not alone », d'une sincérité déchirante, belle à en pleurer. J'ai tout de suite su que je me souviendrai de cette chanson toute ma vie, et que ce hurlement ne me quitterait jamais.