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Interview : Maude Paley et Joël Bovy présentent le Nox Orae 2017

Dossier réalisé par Amandine le 8 août 2017

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A l'aube d'une édition 2017 devant notamment accueillir Slowdive ou The Jesus And Mary Chain, nous avons posé quelques questions à Maude Paley et Joël Bovy, les deux fondateurs du Nox Orae, festival romand qui propose chaque année une affiche plus qu'alléchante !

Bonjour, pour commencer, pourriez-vous nous présenter l'équipe derrière Nox Orae ? Combien y a-t-il de personnes et qui s'occupe de quoi ?

Maude & Joël : Nous sommes un peu la maman et le papa de la Nox Orae, nous occupons de la programmation depuis la première édition. Notre responsable technique, Nicola Frediani, est aussi présent depuis le début, ainsi que son équipe technique. Le graphiste de cette édition, Emy Amstein (Amstein Graphics - Vevey), avait déjà créé la toute première affiche en 2010 et celle de 2015.
Depuis 2012, le festival est dirigé par l'association Nox Orae. Elle compte à ce jour un comité bénévole de cinq personnes, présentes en majorité depuis le début de l'aventure. Le comité mandate neuf professionnels pour s'occuper des différents secteurs (production, coordination, recherche de fonds et sponsoring, communication, gestion des bénévoles, technique, infrastructures, gestion des bars, graphisme, webmaster, cuisine et catering, etc...).

Quelle a été la genèse du festival ? Comment vous est venue l'idée de créer Nox Orae ?

Maude & Joël : Nox Orae s'est créée par un coup du sort en 2010. Nous étions alors co-programmateurs de la salle du Rocking Chair à Vevey et avions très envie d'inviter Yeasayer. Ces derniers n'étant pas disponibles sur les dates d'ouverture du club, nous avons consulté l'équipe de la salle et nous sommes décidés à monter une scène pour eux, un mercredi soir d'août. Nous avons alors ajouté trois autres groupes à l'affiche afin que pouvoir créer un petit festival.
Au vu du succès de celui-ci, nous avons naturellement décidé de récidiver l'année suivante en ajoutant une deuxième soirée (un dimanche...) afin d'accueillir Electrelane ! L'association Nox Orae a été créée en 2012 pour permettre au festival d'être indépendant du Rocking Chair.

Le lieu s'est-il imposé à vous ou est-ce un peu le fruit du hasard ? Il participe beaucoup à l'ambiance du festival à mon sens...

Maude & Joël : À la base, l'événement aurait dû avoir lieu au Jardin du Rivage à Vevey. C'est d'ailleurs pour cette raison que nous l'avions appelé Nox Orae, traduction latine pour "Nuit du Rivage". Malheureusement, à cause d'une surdose d'événements déjà programmés en 2010 à cet emplacement cher aux Veveysans, nous nous sommes vu refuser la possibilité d'y installer notre scène. Nous avons donc contacté la ville de La Tour-de-Peilz pour savoir si nous pouvions investir pourvoir le Jardin Roussy - lieu que nous avions déjà exploité auparavant pour la Fête de la Musique - et ils ont dit oui. Le cadre étant parfaitement dans l'esprit que nous voulions créer pour le festival, nous avons décidé, avec l'accord de La Tour-de-Peilz, d'y installer l'événement pour les éditions suivantes.

Comment définiriez-vous l'esprit du Nox Orae, son credo par rapport à ses frères comme le Kilbi ?

Maude : Nous ne nous comparons pas aux autres car nous sommes différents (en tout cas en Suisse Romande).
Nous avons une petite capacité, peu de groupes, une seule scène et une programmation faites de découvertes et de petites têtes d'affiches. Nous essayons d'offrir d'excellentes qualités humaines et techniques. Nous avons envie que les gens se sentent bien, comme s'ils allaient à une soirée dans le joli jardin d'amis proches qui joueraient des vinyles du monde entier.
Nous avons vraiment envie que chacun se sente le bienvenu et ressente du plaisir à découvrir notre petit festival. On s'aime bien comme ça !
Si un artiste comme Ty Segall revient en exclusivité suisse, c'est aussi parce qu'il a apprécié cette ambiance chaleureuse lors de sa venue avec Fuzz en 2015. Évidemment, nous admirons la programmation ambitieuse de Kilbi, qui reste le seul festival que nous citons comme influence.

Comment expliquez-vous le succès des festivals indépendants, notamment en Suisse ?

Joël : En Suisse, il y a énormément de festivals mais ceux-ci proposent un peu tous la même chose : une programmation populaire pour attirer un maximum de monde. Les petits festivals proposent souvent des affiches plus pointues et indépendantes et je crois que les mélomanes s'y retrouvent parfois mieux.

Justement, face à ces nombreux festivals, n'est-il pas difficile d'encore réussir à avoir une affiche cohérente ET attirante ? On a vu avec le For Noise que parfois, malgré tous les efforts d'une équipe, il n'est pas possible de continuer...

Joël : La cohérence dans une programmation est très importante mais je ne pense pas que ce soit si difficile pour y arriver. Il faut garder en tête que l'affiche proposée reste surprenante car le but est tout de même d'attirer l'attention du public ! Ensuite, le gros du travail est de fidéliser celui-ci en faisant extrêmement attention de ne pas le décevoir.
Maude : En effet, je ne pense pas que la difficulté soit dans la cohérence, surtout si nous ne nous enfermons pas dans un style et que nous restons curieux. Le plus difficile est souvent d'obtenir des artistes de renom demandant des cachets abordables, pour pouvoir séduire un large public. Idéalement, c'est aussi bien si les groupe proposés ne sont pas déjà programmés dans de gros festivals. La concurrence se joue souvent à ce niveau-là. Pour moi, il est nécessaire de se forger une identité tout en restant original.

Comment se fait la sélection de la programmation ?

Joël : Maude et moi avons l'habitude de faire un listing d'artistes que nous aimerions programmer. La plupart du temps, ça ne correspond que très peu à l'affiche finale de l'édition mais ça nous fait un fil conducteur - et nous persévérons les années suivantes - ! Ce qui est sûr, c'est que nous ne programmons pas un groupe s'il ne fait pas l'unanimité entre nous.
Maude : C'est en effet notre première règle de sélection ! Nous sommes plutôt complémentaires et aimons des styles de musiques variés. On peut donc partir sur des groupes africains peu connus ou des gros noms américains qui nous font rêver. Certains sont déjà venus et d'autres reviennent chaque année sur le listing.
Nous faisons aussi attention à ce que la programmation soit adaptée à une scène extérieure et à un public hétéroclite : même si on adore Swans, il ne nous viendrait pas à l'idée de les proposer dans le cadre de Nox Orae.

La programmation est pointue mais finalement, on trouve un fil conducteur autour du garage et du rock psyché : c'est une réelle volonté de garder chaque année cette marque de fabrique ?

Joël : Absolument pas. En fait, je n'aime pas qu'on nous réduise depuis deux ans à un festival de psyché. Le fil directeur de notre programmation est notre passion pour la musique et celle-ci est très large ! Ce sont un peu les hasards du calendrier et des offres qui font que ces dernières années, nous avons plus de groupes à connotation psychédélique. Ce n'est vraiment pas figé : en 2012, nous avons proposé une édition plus orientée pop-folk avec des artistes tels que Fanfarlo, Gravenhurst, Jonquils ou encore The Mondrians (bien loin, à mon sens, du garage ou du rock psyché).
Maude : Le festival a été créé pour accueillir Yeasayer qui est plutôt pop, puis a continué avec Electrelane, plutôt indie. Après, tout est toujours question de point de vue! pour moi, Warpaint, Deerhoof, The Horrors, Omar Souleyman, Goat, Bombino, Imahran ou Unknown Mortal Orchestra ne rentrent pas - ou pas uniquement - dans les cases garage ou psyché. On peut aussi supposer que tout est psychédélique du moment que la musique éveille les sens...

Comment définiriez-vous la programmation de cette année et pourquoi avoir choisi ces groupes en particulier ?

Joël : La programmation de cette année me comble tout particulièrement car nous sommes arrivés à proposer des groupes qui parlent à plusieurs générations. Les jeunes se sentiront proches de Ty Segall ou Foxygen et les "plus anciens" retrouveront avec plaisir des formations comme Slowdive et The Jesus & Mary Chain. C'est vraiment cool de pouvoir se dire que malgré l'écart qui existe entre ces deux générations, chacun sera en mesure d'apprécier chacun des groupes de l'affiche. Le choix, comme je l'ai dit précédemment, se fait selon notre passion pour la musique. The Jesus & Mary Chain font par exemple clairement partie des formations que j'ai découvertes dans mon adolescence et que j'écoute encore actuellement. Il était donc évident pour moi, en apprenant que ces derniers allaient sortir un nouveau disque, de tenter de les faire venir à Nox Orae.
Maude : C'est toujours compliqué de définir la programmation car il y en a plusieurs. Cette année, on peut remarquer que nous ne nous enfermons pas dans un style: on passe de la pop au garage, du shoegaze à l'indie rock et du psyché ou au punk. On peut donc nous mettre plusieurs étiquettes ! À titre personnel, je me réjouis d'accueillir Foxygen ! Ça va swinguer et il y aura des cordes et des cuivres sur scène. Comme le veut la tradition, c'est un groupe local qui ouvrira les hostilités : Service Fun. Ils proposent une fusion entre jazz, pop, afro-beat et "rock dansant". Le festival sera clôturé le samedi par les Français de Faire, qui font une sorte d'électro punk à sauter dans tous les sens. On espère vraiment que cette affiche fera voyager le public et que chaque concert sera un moment particulier.

Quelle est la fréquentation attendue pour cette année ?

Joël : Nous avons élevé la capacité de l'événement à 3000 festivaliers sur le week-end. Évidemment, nous aimerions atteindre ce chiffre pour fêter comme il se doit cette belle programmation.

Pour ces prochaines années, quelles sont les nouveautés ? Une volonté de s'agrandir peut-être ?

Joël : Nous avons déjà pas mal de nouveautés cette année ! La capacité passe de 1200 à 1500 par soir, ce qui est déjà super ! Nous n'envisageons d'ailleurs pas de l'augmenter les prochaines années car nous avons à cœur que Nox Orae reste un festival à taille humaine. Nous avons pu aussi prolonger les horaires d'ouverture jusqu'à 4 heures du matin, ce qui permettra au public de pouvoir profiter du site après la fin des concerts (des DJs locaux proches du festival ambianceront le Jardin Roussy dès la fin des live). Et sinon, au rayon des nouveautés : des bars plus grands, un espace de vente de tabacs, goodies et sucreries, plus d'espaces pour que le public puisse se poser tranquillement et d'autres cool aménagements qui seront à découvrir dès le vendredi 25 août.

Question plus personnelle pour terminer, quels ont été vos meilleurs souvenirs concerts du Nox Orae depuis sa création ?

Joël : Le concert d'Electrelane qui est, à ce jour, le dernier de leur carrière. Le groupe Goat en costume de bain, un verre de blanc à la main qui chante joyeux anniversaire en suédois à Anton Newcombe sur un bateau à moteur.
Maude : Electrelane également et le concert de Unknown Mortal Orchestra sous une pluie tropicale. Mais aussi et surtout des moments de rencontres au-delà de la scène, comme les sessions de déconne avec Deerhoof, Connan Mockasin qui ne décolle pas des backstages, regarder les Brian Jonestown Massacre en compagnie de deux musiciens de Kikagaku Moyo serrés sur un flight case, la passion de Goat pour le Gruyère, les coups de soleil, le vin blanc sur les bateaux, le calme de Thurston Moore en train de lire son journal au milieu des loges, la femme d'Anton Newcombe qui anime les backstages, etc. On imagine qu'avec des personnages comme Ty Segall, Foxygen ou Faire, on risque d'avoir pas mal de nouvelles histoires à raconter cette année !