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Very Good Trip Festival

Bellocq, du 9 au 11 juin 2023

Live-report rédigé par Laetitia Mavrel le 13 juin 2023

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Il était une fois dans les vertes vallées du Béarn, une bande d'irréductibles fans de musique indé qui décidèrent que leur musique préférée ne devait pas rester le privilège des grandes agglomérations alentours. Pas facile dans une région qui, malgré un cadre idyllique et une population si accueillante, reste à l'écart des tendances musicales axées sur le rock indépendant international, faute de structures culturelles souhaitant l'accueillir. C'était sans compter sur un grand gaillard du coin nommé Mathieu qui, après avoir repris le bar sportif d'Arthez-de-Béarn, a eu la belle idée de transformer le lieu en café-concert.
Il s'agit du Pingouin Alternatif et parce que les concerts c'est bien mais c'est encore mieux à l'extérieur, ce jeune homme des plus sympathiques a monté de toute pièce avec son association C.A.C 64 le premier festival indé béarnais : le Very Good Trip Festival. Oui, vos oreilles aguerries de profs de lettres auditeurs de France Inter ont bien reconnu le nom de l'émission du grand Michka Assayas, le parrain de cœur de cette belle aventure.

Ici, point de champs ni de parkings, on fait les choses en grand en logeant tout ce petit monde au sein d'une forteresse classée datant du XIIIème siècle avec tourelles et meurtrières, surplombant les vignes, villages et pâturages voisins. Situé à Bellocq dans les Pyrénées Atlantiques, le festival voit ainsi sa deuxième édition se dérouler avec trois jours de rock garage, pop veloutée, électro rock groovy, soul majestueuse, psyché rock allumé sans oublier le sacro-saint post-punk, le principe étant de faire tenir tout son matériel sur l'unique scène nichée aux pieds des tourelles. Mission réussie pour cette seconde année qui voit son line-up s'étoffer en quantité et surtout en qualité, avec toujours un focus dédié aux groupes britanniques tout en allant se promener en Europe (Italie, Suède, Irlande, Espagne et bien sûr la France) ainsi qu'aux Etats-Unis. En ce début d'été, il est donc temps de réviser sa géographie et son histoire au son de tout un tas de guitares.


La première journée offre une programmation 100% anglaise et débute à 19h sous un soleil encore radieux avec la soul délicieusement envoûtante de MT JONES. Sur scène, le jeune trio de Liverpool, à savoir Mike, Adam et Benjamin, propose un retour aux sources des plus séduisants avec un groove raffiné, nourri des classiques de la Motown comme des grands noms du smooth jazz, le tout porté par le timbre de voix juste ce qu'il faut de profond de Mike au chant, élégamment vêtu de noir. C'est l'éclosion d'une bien belle pousse à laquelle nous assistons en exclusivité, le festival accueillant le trio pour ce qui sera son tout premier concert en dehors du Royaume-Uni. Avec déjà quatre singles disponibles sur les plateformes de streaming et sur Bandcamp, on découvre ainsi ce qui sera dans quelques mois le premier EP de MT JONES et cet astucieux assemblage de soul porté par une rythmique flirtant avec le RnB sur les titres les plus sensuels comme sur I Wont Ever Say Goodbye et In My Arms, nous annonce que ces jeunes musiciens vont décemment tirer leur épingle du jeu, prenant le pari osé de se distinguer parmi cette foisonnante scène post-punk du moment. Ouvrir un festival n'est jamais chose aisée et pourtant MT JONES a relevé le défi haut la main, le final avec Feeling Lonely mettant tout le monde en condition pour la suite de la soirée.


Après les premiers verres de bière et thé glacé artisanaux et locaux, il est temps de se mettre au boulot avec la venue de Ghost Car. Les quatre filles du groupe basé à Londres mais issu entre autres de Manchester et d'Irlande, mené par la pétillante Maeve, continuent de porter haut et surtout fort leur punk féministe, provocateur et incroyablement fun dans l'hexagone après un premier passage remarqué sur la scène du Supersonic à Bastille quelques jours plus tôt. Avec leur premier album Truely Trash sorti en octobre dernier, les quatre filles partent en croisade contre tous les clichés malheureusement toujours présents sur les filles à guitares et surtout maquillent avec beaucoup de subtilité et de malice des paroles fortes aux thèmes souvent grave. On y évoque comme chez beaucoup de musiciens de la jeune scène british les politiciens véreux à moumoute blonde, le sexisme, le machisme et les discriminations sexuelles, tout ce que les jeunes générations refusent en bloc tout en se jouant des codes bien archaïques de nos civilisations judéo chrétiennes.
Les titres s'enchainent, les festivaliers arrivés tôt commencent déjà à gigoter sévère et, malgré un soleil encore un peu aveuglant, entrent sans aucune difficulté dans le rock débridé mais très intelligent de ces quatre jeunes filles qui savent en plus étoffer leur son avec l'aide de claviers venant ajouter ce qu'il faut de dansant aux titres « fusées » tels que Sushi Addict et Terrible Feelings. Comme bien souvent chez nos amis d'outre-Manche, les musiciens plutôt timides entre deux chansons se métamorphosent une fois les premières notes jouées et les premiers râles évacués, et les Ghost Car n'échappent pas à la règle en nous offrant quarante-cinq minutes de ce qui sera la première, mais loin d'être la dernière, grosse dose d'adrénaline du festival.


On continue de profiter du site qui avec le soleil déclinant offre ainsi une lumière somptueuse. Pourtant touchés par de très grosses intempéries les jours précédents, le dieu du rock (poste tenu depuis 2018 par un certain David Jones) nous accorde ses faveurs et permet ainsi à The Rills de prendre place au coucher du soleil. Ces derniers ont fait le bonheur de votre chroniqueuse à deux reprises avec leurs très bons premiers EP Do It Differently et After Taste, sortis en mai 2022 et février 2023. Formé de Mitchell Spencer au chant et à la guitare, Callum Warner-Webb à la basse et Mason Cassar à la batterie, les jeunes issus des Midlands se veulent les fiers représentant de ces petites villes qui passent toujours sous les radars. On retrouve alors chez les musiciens une incroyable intelligence qui leur permet d'aborder leur relation à la musique de façon extrêmement mature pour de si jeunes lads. Le fun, rien que le fun nous ont-ils confié backstage, se détournant de tous les artifices dont on peut jouir dans le petit monde du showbiz.
L'énergie est le maître mot des Anglais qui, sourires vissés aux lèvres tout du long, vont être les premiers à faire chavirer l'intégralité de la foule présente avec un premier rang composé des plus jeunes spectateurs qui se formera naturellement à leurs pieds, lançant la machine à pogoter pour ce vendredi soir. Spit Me Out, I Don't Wanna Be Anybody et les tonitruants Landslide et Falling Appart, tous les premiers tubes de The Rills sont présents et prennent encore plus d'ampleur une fois sur scène. L'interaction avec le public est réelle, et l'enthousiasme si communicatif des trois anglais rend cette petite heure incroyablement festive. Le premier album de The Rills est alors attendu impatiemment !

Comment ça, il est déjà 23h ? Avec ce ciel lumineux à souhait et la fraîcheur divine que nous offrent les remparts en pierres taillées, on se dirige alors vers les stands où les tauliers nous proposent, fait sur place avec des produits tous locaux, des sandwichs baguettes pour les carnivores, les végétariens et les végans (le houmous de compétition de l'an passé nous avait manqué !). On n'oublie personne car tout le monde se doit de faire le plein d'énergie pour les deux sets à venir qui montent le cran encore plus haut sur l'échelle du très bon son.


Retour aux pieds de la scène pour l'arrivée de The Family Rain. Ollie, William et Timothy Walter sont trois frères en provenance de Bath ayant fait des débuts fracassants avec leur premier album Under The Volcano en 2014, qui avait alors obtenu les éloges de la rédaction. Avec leur blues rock puissant sans aucune fioriture, les frangins Walter déploient une puissance de feu assez incroyable et le chant imposant mais très fluide de William multiplie par dix le charisme d'un répertoire déjà très solide. C'est une tornade qui s'empare alors de The Family Rain, les propulsant sur les plus prestigieuses scènes des festivals anglais tels Hyde Park, Reading et plus loin en Europe jusqu'en Asie à Shangaï.
Immergés dans un succès des plus mérités, les jeunes musiciens ont cependant fait le choix de faire un break dès 2018 et devaient alors revenir en force si ce n'était un certain virus ayant mis le monde sous cloche durant plus de deux ans. Ainsi, c'est revigorés et avides de reconquérir les foules que The Family Rain, très humblement car épargnés par le virus de la grosse tête, reviennent aux essentiels et se donnent à fond pour trois-cent spectateurs comme ils le feraient pour trois-mille. Les tubes tels Gazoline, Don't Waste Your Time On Me et l'énorme Trust Me... I'm A Genius se succèdent, et l'élégance naturelle ainsi que l'énorme sympathie des frangins font des merveilles. C'est avec ravissement que le groupe nous donne rendez-vous le 3 août au Supersonic de Paris pour égayer notre été, avec la promesse d'un nouvel album on l'espère en début d'année prochaine.


Dernière ligne droite et pas des moindres avec l'entrée en scène de Fujiya & Miyagi dont la majestuosité du set viendra voler la vedette à nos deux tourelles arborant fièrement les couleurs roses et jaunes vives du logo du festival. Fujiya & Miyagi sont pour les plus néophytes d'entre vous des vétérans de l'electro rock, de ceux qui allient de la façon la plus habile les guitares sexy et les samples disco, les beats entêtants de la dance et le groove de la basse, permettant de réunir tous les profils sur le dancefloor et mettant un terme à la sempiternelle guéguerre entre clubbeurs et rockeurs. La liste des références du quatuor basé à Brighton toujours constitué de David Best à la guitare et au chant, Stephen Lewis aux synthés, Ed Chivers à la batterie et Ben Adamo à la basse, ne saurait être exhaustive si nous la dressions, les musiciens étant chacun des puits sans fond s'abreuvant des classiques rock comme des dernières innovations électro. L'incroyable érudition du groupe permet un champ des possibles des plus vastes mais toujours sous le joug de cette electro pop aux mélodies imparables portée par des beats funky ou la ligne de basse apporte cette patine hyper distinguée et vintage à souhait.
Le dernier album Slight Variations sorti en septembre dernier perpétue la tradition de cet alliage subtile et si habilement maitrisé par Fujiya & Miyagi, et le public du château ne s'y trompe pas car ce dernier set de la soirée remporte tous les suffrages, preuve en est la désertion des buvettes ou autres spots de repos du site. Une heure et dix minutes de tubes qui se suivent, entre les dangereusement sexy Sweat et Personal Space, l'hypnotique Freudian Slips, le cosmique Extended Dance Mix et les excellents derniers singles que sont les groovy Slight Variations et New Body Language où la basse de Ben Adamo fait tout simplement des ravages. On sera ravis du petit mash-up improvisé qui viendra rendre hommage aux énormissimes Sparks avec quelques bribes de Beat The Clock, choix des plus judicieux dont on espère qu'il restera dans les futures setlists de ces brillants musiciens. Venus entre deux tournées, c'est donc une belle exclusivité qu'on nous propose ce soir et le bonheur est ainsi partagé entre festivaliers et musiciens, tous charmés par ce cadre de conte de fées.

Fin de la première journée du Very Good Trip Festival qui, en plus de retrouver avec bonheur tous les bénévoles aux petits soins pour les festivaliers, a offert une programmation pêchue, stylée et surtout de très haut niveau. Ça n'est jamais une question de taille, vous le savez tous, alors rendez-vous pour la seconde journée qui s'annonce encore plus pointue.
artistes
    MT JONES
    Ghost Car
    The Rills
    The Family Rain
    Fujiya & Miyagi
photos du festival