Après deux soirées de folie aux pieds des majestueuses tourelles du château de Bellocq, le festivalier serait tenté de passer son dimanche au lit afin de récupérer de cette avalanche de gros sons qu'il s'est prise sur le coin de la tête. Mais cela serait sans compter les ressources des béarnais qui décident plutôt d'atterrir en douceur en ce dimanche radieux sur la belle pelouse du château pour une après-midi qui fait la part belle au rock français, à la pop italienne et, fête oblige, à un petit DJ set en guise d'apéro final.

Cet alléchant programme débute dès 15h avec le groupe
Frikun, pur produit made in Pays basque. Fondé en 2016, nous y retrouvons Niko Perret, Xabi Leon, Jon Erviti et Paul Vernhéres qui ouvrent le dimanche avec leur afro rock rythmé et très dansant. Le chant est tenu par Niko et est, de toute évidence, 100% en basque. Les oreilles non aguerries se laissent charmer par cette langue qui nous parait venir d'un autre temps mais qui est pourtant largement pratiquée par la population basque, fière de son héritage historique, culturel et linguistique.
Ça bouge sérieux au son de
Botere Afera,
Ez eten ez opilo,
Gure Almadia ou
Ezerezko Herria, ce dernier le titre de l'album de Frikun sorti en 2022 qui signifie « le pays du vide ». Poésie et chant militant, une belle invitation à danser qui convainc les curieux ayant décidément bien fait de résister à l'appel de la couette tardive.

Dimanche signifie aussi jour des enfants, ce pourquoi le Very Good Trip Festival accueille depuis son ouverture tous les moins de quinze ans gratuitement, et cet après-midi permet ainsi aux familles de profiter pleinement de la beauté du site pour un moment de détente et de profiter de cette programmation qui maintenant fait place aux acidulés
Foudre du Bengale. Le groupe ayant accepté de remplacer au pied levé The Allergies dont les membres semblaient s'être dispersés dans la nature à quelque jour des festivités, nous les en remercions vivement car leur pop vitaminée et locale inspirée des plus grands noms du rock indé anglais et américain sied parfaitement à cette après-midi ensoleillée.
Nous rencontrons quatre énergumènes en combinaisons colorées et lunettes de soleil très stylées. La moustache est présente (et hop, quelques points de charisme en plus) mais surtout c'est la bonne humeur qui règne sur la belle pelouse du site grâce à nos Bioman du rock alias Loïc à la guitare et au chant (Force Jaune), Etienne à la basse (Force Verte), Julien à la batterie (Force Bleue) et Thibault au clavier (Force Noire). L'entrée sur scène se fait sous un début de pluie fine, dont on se demande si cela ne cache pas un loup mais Sainte Evelyne Dhéliat, la patronne des prédictions météorologiques nous ayant épargnés jusque-là, nous croyons en notre bonne étoile.
Ainsi, nos super-héros de l'après-midi nous interprètent ce qui constituera en exclusivité leur nouvel EP à paraitre le 30 juin et nous nous laissons à nouveau prendre par le démon de la danse à l'écoute de
Jerry,
G String,
Conspirachrist,
Anger Sweet Anger et du single qui a méchamment tapé dans l'oreille de votre chroniqueuse, l'addictif
Lockdown Sound. Les influences sont power-pop, la ligne de basse est groovy à souhait, les percussions viennent donner encore plus de piment au tout, et le set défile bien trop vite à notre goût. Le single
Jerry sortant ce vendredi 16 juin sur toute les plateformes, tout est réuni pour que nous aussi nous rejoignions le rang des forces colorées et pétillantes de Foudre du Bengale, bande son idéale pour ce lumineux été qui s'annonce.

Nous voilà à l'heure du goûter, et nos amis bénévoles champions de la crêpe sont évidements présents. Le stand fait son plein, les jeux de ballon et de frisbee se prolongent au fond du site, et les lève-tard de la veille arrivent enfin pour le set d'
Aquarama, groupe pop en provenance d'Italie. Nous pénétrons ici dans un tout autre univers : leur pop atmosphérique, à base de guitare smooth, de basse langoureuse et de percussions funky offre une parenthèse presque intemporelle tant les influences nous baladent loin aux confins de la dream pop de haute qualité. On y retrouve la touche des maîtres tels Brian Wilson ou John Lennon, le set se voit parsemé de medleys pop années 60 dont le génialissime
Pet Sounds, on chante anglais comme italien et on découvre pour la première fois ce que le groupe lui-même nomme la « spaghetti soundtrack » avec des extraits des BO du Parain ou des compositions mythiques de Sergio Morricone.
L'ambiance est vintage à souhait, mais aussi moderne car les guitares savent se faire entendre et les morceaux tel
Aquarama,
Summer's Gone,
Hit The Wave,
Vietnam ou
Africa démontrent la belle érudition musicale dont font preuve Dario au chant et à la guitare, Guglielmo à la batterie, Giacomo à la guitare et aux claviers et Léonardo à la basse. Le set d'une heure fait l'unanimité et c'est avec beaucoup de plaisir que nous irons jeter une oreille sur les albums de nos charmants milanais, le dernier en date étant
Telescop sorti en 2019 et plus récemment le dernier single
In Orbita qui semble annoncer un troisième opus. Que la pop italienne est belle (et ce ne sont pas mes 50% de gènes italiens qui parlent ici, seulement mes oreilles objectives de mélomane) et Aquarama en sont de parfaits représentants.

Mais dites-moi, que font ces nuages sombres et lourds dans notre ciel ? Oseraient-ils venir menacer notre dernière prestation du week-end ? Il semblerait que notre patronne des cartes météo ait pris une pause café car elle semble avoir laissé échapper ses sbires qui viennent alors se planter au-dessus de nos têtes. C'est ainsi que la pluie commence à tomber au premier son de
DJ Moule, qui fait depuis de nombreuses années la joie des teuffeurs partout en France et surtout dans le monde. En toute modestie, nous reconnaissons notre statut de total néophyte s'agissant de ce petit monde, et ce ne sont pas les DJ superstars aux coupes de cheveux gominés remplissant des stades et au cachet digne d'un champion du monde de football qui nous font réellement rêver.
Ici, DJ Moule rend le moment accessible et festif en nous proposant des mixes à base de classiques tels Daft Punk, Michael Jackson, INXS, Depeche Mode (le point de charisme grimpe très haut) ou AC/DC... Il n'en fallait pas plus pour faire sortir de dessous les chapiteaux les derniers courageux au moment où les averses débutent. On se retrouve donc parmi un joli défilé de cirés et de K-Way qui ondulent de tous leur corps face à un DJ Moule souriant qui semble apprécier de clôturer ce festival tellement atypique.
C'est donc sur les coups de 20h que le Very Good Trip tire sa révérence, au moment où des trombes d'eau se déversent sur le château de Bellocq, et les plus cartésiens d'entre nous commencent à penser que peut être le karma aura eu son petit rôle à jouer durant ces trois journées qui nous ont offert une incroyable sélection indie-rock dans un cadre idyllique et surtout dans une ambiance amicale et familiale, où la priorité est l'accueil réservé tant au public qu'aux musiciens, le tout à taille humaine.
Dans ce déluge de raouts musicaux montés de toute pièce par les géants de l'entertainment, qui nous ont délibérément dépouillés des affiches rock faisant toujours la part belle aux festivals, on retrouve quelques irréductibles qui luttent contre la mainstreamisation (oui, nous ne craignons pas le barbarisme) et se mettent littéralement en quatre pour continuer d'offrir une vitrine aux musiques alternatives de tous bords, avec leurs petits moyens.
Un mot de remerciement à tous les bénévoles et adhérents de l'association qui ont encore permis à cette incroyable aventure d'avoir lieu, aux artistes qui ont embrassé le principe de cette initiative DIY, au taulier Mathieu et son époustouflante rage de vivre ainsi qu'aux festivaliers, qui ont su faire le choix éclairé du rock en ce week-end béarnais de rêve. Le retour à Paris se fait avec le sourire aux lèvres et le rendez-vous est déjà pris pour la troisième édition du Very Good Trip Festival.