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Very Good Trip Festival

Bellocq, du 9 au 11 juin 2023

Live-report rédigé par Laetitia Mavrel le 15 juin 2023

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Après une courte nuit pour tous les courageux organisateurs qui, par la seule force de leurs petits bras, assurent toute la logistique à coup d’allers et retours incessants pour véhiculer artistes, matériels, nourritures et boissons, le plaisir est immense de retrouver pour cette deuxième soirée la forteresse avec en ce samedi au ciel encore plus radieux une programmation riche en intensité rock, et en mode globe-trotter. Comme le chantaient les Dafts Punk, le casque moche en moins, « Around The World » est notre crédo aujourd’hui et ce ne sont pas moins de six nationalités qui sont représentées ce soir, sur six groupes. Le compte est bon, merci Ariel. Au programme la saveur iodée bretonne d’Olivier Rocabois, les paysages bucoliques anglais de The Leisure Society, le piment espagnol de Melenas, les effluves pop suédoises de Les Big Byrd, la chaleur du désert américain d’El Perro et l’ambiance pub irlandais à son summum avec THUMPER.


Suite à ce petit tour du monde sur atlas ou Google Map, le public déjà nombreux dès l’ouverture des portes profite donc des très beaux rayons de soleil venant délicieusement dorer ses épaules, couché dans l’herbe fraiche avant de se lever prestement pour l’arrivée d’Olivier Rocabois, fier représentant de notre contrée en ce samedi. Accompagné de son comparse Jan Stumke au clavier, ce dernier la caution élégance de cette soirée, Olivier Rocabois, muni de sa guitare, nous offre pendant quarante-cinq minutes une bien belle entrée en matière avec sa pop chic et élégante, emplie des références des meilleurs songwriters anglo-saxons. Cet enfant du rock qui chante quasi exclusivement en anglais nous emmène de façon toute aussi poétique qu’énergique sur des sentiers vallonnés, avec quelques envolées baroques et fantaisistes du meilleur goût. Après un premier album en 2021 intitulé Olivier Rocabois Goes Too Far et un EP en 2022, The Pleasure Is Goldmine, on découvre un musicien qui déborde de bonne humeur, très propice à la discute avec son public. On retrouve dans High As High, Let Me Laugh Like A Drunk Witch ou I’d Like To Make My Exit With Panache tout le lyrisme et la malice qui font le régal des fans de pop intelligente mais jamais prétentieuse, et Olivier Rocabois s’en fait un parfait étendard.


A l’heure où le soleil s’apaise, le ciel d’un bleu limpide voit les anglais de The Leisure Society prendre place sur la scène du château avec un ravissement non feint. Entre deux albums, c’est une véritable visite amicale qui a lieu ici, le groupe s’étant déjà produit dans le château de Viven pour le plus grand bonheur des fidèles du Pingouin Alternatif. Toujours menés par Nick Hemming et Christian Hardy, The Leisure Society continuent de nous servir sur un plateau d’argent une pop folk d’une beauté assez rare ces derniers temps. C’est une setlist sans aucune contrainte de promotion qui permet au groupe de se balader amplement dans sa riche discographie, mettant en exergue les compositions les plus mélodieuses et enjouées, avec la guitare acoustique de Nick Hemming qui domine ce set lui apportant toute la douceur et la majestuosité qui sied au répertoire du groupe.
Les plus belles ballades sont ainsi présentes avec Another Sunday Psalm, The Last Of The Melting Snow, We Were Wasted, également les deux singles les plus profonds du dernier album en date Arrivals & Departures que sont A Bird, A Bee, Humanity et God Has Taken A Vacation. Tout au long du set, Nick Hemming passera de la guitare acoustique à l’électrique en passant par la mini, interprétant toujours avec autant de puissance mélancolique ses compositions. On ne pouvait trouver meilleur écrin à la pop soyeuse de The Leisure society et le set se déroule bien trop rapidement, le final nous réservant le titre Bona Fide interprété en acoustique, aux pieds de la scène et a cappella, pour mieux communier avec le public ravi et totalement sous le charme du groupe, que l’on a hâte de retrouver avec un nouveau disque et en tournée.


Il est ainsi l’heure de passer à quelques mets un peu plus corsés avec l’arrivée du trio espagnol Melenas, en provenance de Pampelune. Avec leur indie pop aux accents synth-wave, les quatre jeunes femmes rayonnent et offrent un set festif et solide, les influences 80s étant totalement assimilées et un charme un peu mystérieux voire mystique se dégageant de leur concert. Avec leurs deux albums Melenas et Dias Raros sortis en 2018 et 2020, les Melenas sont en passe de revenir fort dans nos bacs à disques et profitent des derniers rayons du soleil, décidément très ardent ce soir, pour terminer de chauffer à bloc le public pour la suite de la soirée qui prend indéniablement des accents plus « burnés », comme le disait feu notre cher Bernard Tapie, ou du moins sa marionnette en latex.


La nuit est tombée sur le château, les stands buvettes et sandwichs font le plein, et se voient épaulés par l’arrivée des crêpes au Basquella (chaque région se doit d’avoir sa version clean et goûteuse de la pâte à tartiner qui déboise la forêt amazonienne depuis tant d’années). C’est donc un festivalier bien nourri et suffisamment hydraté qui se presse à nouveau devant la scène pour entrer dans le monde du rock garage un brin déjanté des Suédois de Les Big Byrd. Tout droit venus de Stockholm, mais laissant derrière eux la fraîcheur caractéristique de leur pays, c’est bien une grosse vague brulante de guitares qui se déverse sur le château, et on retrouve la rage du rock poussif et poisseux de Primal Scream, teinté de ces dérives psychédéliques qui propulsent le public dans d’autre sphères étoilées, de celles qui nécessitent quelques artifices pour y accéder.
Bien que quasi inconnus pour les présents, c’est bien l’intégralité du public qui se laisse guider dans le répertoire des rockeurs venus du froid. Les guitares percutantes et les boucles de synthés envoutantes issues en partie du dernier album Eternal Light Brigade finissent de séduire le château de Bellocq, qui verra à ce moment là un défilé de jeux d’ombres chinoises projetées sur les grandes tourelles pour le plus grand plaisir des photographes amateurs.


Il est minuit, la programmation a déjà commencé à déborder par rapport au timing initial, mais c’est là tout l’avantage d’être parmi les petits. Le temps de dévaliser la réserve de chipolatas du taulier, le public fait enfin connaissance avec les Américains d’El Perro, menés par le frontman du groupe Radio Moscow Parker Griggs. Ici, la plongée dans le rock psychédélique est des plus totales et El Perro vont ainsi mener les festivaliers au plus profond des déserts rougeoyants californiens. Ayant sorti leur premier essai Hair Off en 2022, El Perro continuent ainsi de roder leur répertoire et le mélange atypique de ce rock transpirant à souhait et de la grâce du château offre un moment réellement unique. Les guitares rugissent, les percussions et la batterie sont lourdes, le chant de Parker Griggs digne d’un fumeur de plus de trente ans apportent le souffre nécessaire à cette fin de soirée qui en laissera pas mal sur le carreau.


Et pourtant, ça n’est pas le moment de faillir car arrive enfin le clou de la soirée et les six membres survoltés de THUMPER. L’impatience est réelle pour votre chroniqueuse qui a eu la chance d’assister au tout premier concert parisien du groupe au Supersonic à Paris en septembre dernier et de s’être pris une bonne grosse claque à l’écoute de cette nouvelle bombe venue tout droit de Dublin, ville pourvoyeuse de talents post-punk dont je pense que nous n’avons pas besoin de vous citer ses plus emblématiques représentants.
Sachez tout de même que THUMPER sont issus des mêmes bancs d’écoles que leur amis Fontaines D.C. et The Murder Captal (finalement, nous les citons) et sont aussi bons élèves que leurs célèbres camarades de classe. Avec leur premier album Delusions Of Grandeur qui a décroché tous les éloges possibles au sein de la rédaction, mais qui étonnamment n’est toujours pas distribué en Europe, THUMPER n’ont eu de cesse depuis ce mois de mars 2022 de parcourir clubs, salles et festivals partout où l’on veut bien les accueillir pour laisser exploser leur rage sur scène.

Signe de haute qualité, la présence de deux batteurs, de moustaches qui montent haut dans notre grille d’évaluation (je vous renvoie à mes précédentes chroniques, fidèles lecteurs que vous êtes !) et surtout d’une pratique post-punk intelligente, c’est à dire avec force mais sans aucune animosité, car le chant et les harmonies font la différence avec d’autres groupes bien plus bas de front qui ne viennent que pour la bagarre. Les titres les plus cinglés sont évidement présents malgré que le groupe soit obligé d’écourter sa prestation mais sans pour autant économiser son énergie. Topher Grace, 25, The Loser et le sexy Greedy Dust rappellent à l’ordre les festivaliers tentés de quitter le site tant leur pouvoir d‘attraction est énorme.
Oisìn Leahy Furlong, le leader du groupe, va vite ramener les brebis égarées à ses pieds et littéralement les maintenir sous sa coupe ne quittant pas le devant de la scène, se hissant tant bien que mal sur la haie de buissons qui sépare les musiciens du public, faisant fi de toutes les lois de la gravité. Généreux et increvables, THUMPER ont ainsi donné la prestation la plus intense de tout le festival, en retournant comme une crêpe au Basquella la poignée d’irréductibles que les horaires très tardives ou plutôt extrêmement matinales n’ont pas découragé. L’Irlande est une fière contrée et peut se vanter de fournir en ce moment le meilleur de la scène post-punk.

Une dernière Clouque et au lit pour ce qui sera la dernière journée du festival, tournée vers les talents locaux.
artistes
    Olivier Rocabois
    The Leisure Society
    Melenas
    Les Big Byrd
    El Perro
    THUMPER
photos du festival