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Squid

Interview publiée par Laetitia Mavrel le 3 mai 2021

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L'arrivée du premier album de Squid, formation sortant un brin des sentiers battus quant à son approche expérimentale et très orchestrée du rock, tombe à point nommé en ce printemps toujours sans musique live. De quoi nous intriguer, nous convaincre et nous donner espoir. Laurie Nankivell et Anton Pearson, respectivement bassiste et guitariste, ont accepté de nous livrer la genèse de l'album et leur motivation pour la suite.

Vous êtes de retour avec votre premier album Bright Green Field. Nous vous avions découvert en septembre 2019 avec le très bon EP Town Centre qui déjà faisait apparaitre un large panel de références musicales. On sent à nouveau une évolution dans votre style. Pouvez-vous décrire votre musique telle qu'elle est aujourd'hui ?

Laurie : Une musique ouverte sur le monde !
Anton : Ce qui définit la musique de Squid est le fait que nous n'avons aucune idée de ce à quoi va ressembler le prochain morceau et c'est génial, jamais de cadre précis. Parfois ça marche, parfois non !

C'est une remarque intéressante car en effet, aucune chanson ne se ressemble dans l'album. Mais le tout est pourtant cohérent. Y'a-t-il eu à un moment dans vos esprits la volonté d'instiguer une quelconque ligne directrice dans cette multiplicité de sons ?

Anton : Tout à fait ! On souhaitait dès le départ célébrer cette forme d'éclectisme dans l'album, on a conçu le disque comme une petite œuvre artistique. Chaque chanson devait avoir sa propre identité, tout en appartenant au même univers. D'ailleurs on a beaucoup parlé de l'album comme un univers en lui-même avec des frontières physiques, mais complètement imaginaire.

De plus, certains titres durent entre six et huit minutes, ce qui est un choix plutôt audacieux. Vous n'avez pas un peu peur que cela soit compliqué pour l'auditeur de s'immerger et surtout de rester concentré durant huit minutes sur un titre alors que globalement, la dissipation règne dans les esprits ?

Laurie : Nos anciens morceaux ont généralement été pensés pour le live, d'où un format plus court. Mais ici, nous avons eu l'opportunité de travailler plus intensément en studio, ce qui nous a permis d'étoffer les genres. C'est beaucoup plus varié.

Justement, je me posais la question du rendu en live en me demandant comment vous alliez l'adapter sur scène tant sa structuration est atypique...

Laurie : C'est toujours très excitant de configurer des titres pour les jouer sur scène. Pour être honnête ça ne me parait pas trop difficile de les adapter au live, on va surtout jouer de façon intuitive et trouver des solutions si en effet on hésite.

Quel était le dernier concert que Squid a donné ?

Anton : C'était en Suisse, en août 2020. On a profité d'une toute petite fenêtre où le pays autorisait encore les concerts debout et on commençait à bien parler de nous là-bas à ce moment.

Vous pensez que vos fans vont vous trouver changés de retour sur scène ? Après cette longue période de disette ?

Laurie : C'est une question intéressante ! Évidemment, avec le nouveau disque ça sera différent et en effet, nous évoluons perpétuellement musicalement, l'attente sera des deux côtés. J'espère que le public s'attend à ce que nous le surprenions.

S'agissant de l'album, je trouve la production très sophistiquée. Connaissant les difficultés de beaucoup pour boucler leur travail cette dernière année, comment s'est passé l'enregistrement ? A-t-il été affecté par les différents confinements ?

Laurie : On s'est retrouvés bloqués sans rien faire durant quatre mois, c'était la première fois que ça arrivait en cinq ans. Ça a définitivement impacté notre façon de faire de la musique, à devoir chacun de notre côté réfléchir puis échanger sur des idées de thèmes par internet... Lorsque que l'on s'est retrouvés en studio ça a été jubilatoire car on a pu enfin concrétiser toutes ces idées.

La ligne musicale de Squid se démarque réellement de ce que l'on trouve actuellement parmi la jeune scène rock british, plus tournée vers le post-punk débridé. C'est une volonté de votre part de ne pas coller à la tendance ? Ou bien cela se fait intuitivement ?

Anton : Oui, on ne compose pas dans l'idée de faire ce qu'il se fait en ce moment, et en même temps on n'est pas particulièrement exclusifs, je pense qu'on arrive à retranscrire tout un tas d'idées et qu'inconsciemment cela donne un résultat toujours assez particulier.

On trouve de très nombreuses références musicales dans le disque, quelle est votre formation ?

Laurie : C'est très varié ! Mon père est musicien et il m'a initié à énormément de genres différents. On a tous commencé plutôt jeunes, avec des instruments classiques comme le violoncelle. Cette formation plutôt classique amène vraiment des bases et ça permet de sortir plus facilement du cadre. Par exemple je n'ai pas été formé à jouer de la basse, mais du coup je m'approprie son jeu de façon très personnelle. Quand on entre en studio, on a tous des approches tellement différentes mais on arrive toujours à les mettre en commun.

Ça vous arrive de poser des vétos ?

Anton : Oui, ça arrive, mais l'idée est d'exploiter au maximum les idées de chacun. On garde à l'esprit l'intérêt du disque, et si une idée est écartée elle est à un moment ou un autre ressortie et retravaillée. On est souvent d'accord !

Pour nos lecteurs que ne vous connaitraient pas encore, racontez-nous comment Squid a débuté...

Anton : On est avant tout une bande d'amis, on s'est rencontrés à l'université (ndlr : Squid est composé de Ollie Judge au chant et à la batterie, Louis Borlase et Anton Pearson à la guitare, Arthur Leadbetter aux claviers et Laurie Nankivell à la basse, plus de nombreux instruments classiques selon les titres) . On a commencé à jouer ensemble pour s'amuser puis on a commencé à se produire localement à Brighton, sans réellement se voir comme un groupe d'ailleurs. On a été chanceux de trouver un public dès le début.

Brighton est un terrain fertile pour la musique rock anglaise, tant de groupes s'y sont formés. Comment expliquez-vous cette effervescence ?

Laurie : Sa taille, sa proximité d'avec Londres, l'atmosphère générale est vraiment accueillante et bienveillante, très ouverte s'agissant de nouvelles musiques...

Nous avions évoqué avec Sydney de Working Men's Club le fait qu'il existe toujours un gap entre le nord et le sud s'agissant des possibilités d'accéder au monde de la musique, tout semble encore concentré à Londres selon lui. Vous êtes d'accord ?

Laurie : C'est vrai, je connais quelques groupes de York, ou ailleurs dans le Yorkshire, qui ne trouvent pas autant de possibilités que ce qu'on a à Brighton ou Bristol. Encore une fois, la proximité avec Londres fait toute la différence, c'est là-bas que se trouve l'industrie de la musique. Par contre, le vivier de talents et les sources d'inspirations sont énormes dans le nord.
Anton : C'est difficile pour nous de juger réellement car on est basés dans le sud depuis le début. Il y a beaucoup de particularités propres à chacune des régions culturellement parlant, et c'est vrai que le gouvernement n'agit pas de la même façon selon où l'on se trouve.

A propos des concerts, beaucoup de groupes évoquent les difficultés à venir pour pouvoir jouer dans l'union européenne, le risque de ne plus pouvoir faire ses classes pour de nombreuses formations, surtout débutantes. Vous pensez être limités dans vos plans de tournées à cause des visas ?

Laurie : On est chanceux d'avoir déjà déjà tourné en Europe, joué dans des festivals et en conséquence pouvoir payer des visas. Ça sera diffèrent pour beaucoup de groupes récents qui ne sont pas encore venus en Europe, le prix des voyages sera trop élevé.
Anton : Et au-delà des soucis financiers, c'est surtout l'incapacité pour eux de rencontrer de nouveaux publics avec de nouvelles cultures, ça fait partie des éléments qui nous font progresser, nous fait évoluer.

Vous êtes déjà venus en France, quel est votre avis sur le public ici ?

Anton : Le public est génial, mais ce qui est encore mieux c'est la façon dont on nous accueille, la nourriture est absolument délicieuse, on n'a pas l‘habitude ici.
Laurie : Le Mont D'or ! Un régal.