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Dry The River

Paris, Espace B - 25 février 2012

Live-report par Julien Soullière

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Il est des groupes que l’on aime, et que l’on aime tellement que les garder pour soi n’est plus une option. On n’en reste pas moins égoïste : le bonheur que l’on retire d’une supposée exclusivité est outrepassé et remplacé par celui que l’on éprouve à se dire que celles et ceux qui nous entourent, et qui rient, et qui baragouine, là, à nos côtés, passent une excellente soirée grâce à nous.
Grâce à message de rien du tout, à cette invitation, à l’insistance dont il a parfois fallu faire preuve pour les convaincre d’être de la partie. Et alors, on les observe, on les écoute, et on les sait contents d’être à l’endroit où ils se trouvent, au moment précis où ils s’y trouvent, et on s’aime alors plus qu’on ne les aime eux. Ce soir, j’ai emmené des amis à l’Espace B pour assister au concert de Dry The River.

C’est la première date en tête d’affiche du groupe en France, bien qu’il soit déjà passé par Paris à de nombreuses occasions. Leur puissance scénique ayant su faire son œuvre partout où leurs pieds se sont posés, on voyait déjà nos petits anglais investir la Maroquinerie, voire, pourquoi pas, le 112b rue de Bagnolet. Que nenni, ce soir, ce sera donc l’espace B, dans une ambiance à la croisée du troquet PMU et de la MJC. La classe.
« Désolé, on n'prend pas la carte ! », c’est du moins ce que je crois entendre. Rapide vérification auprès de la dame.... oui, c’est bien ça. Comme la salle n’a pas encore ouvert ses portes, ou plutôt, sa porte, je fais un saut jusqu’au distributeur le plus proche, histoire de retirer suffisamment pour me sustenter, et n’être redevable de personne en fin de soirée. A mon retour, je prends commande auprès des mes compagnons, fais la liste de leurs doléances au barman, et termine en demandant ma pinte de bière. Soudain, c’est le mouvement de foule (le terme étant sans doute exagéré) : il est l’heure pour Diego Zavatarelli de s’installer dans l’arrière salle, et d’ouvrir le feu.

S’endormir debout n’est pas chose aisée, ce qui ne veut pas dire que c’est impossible. Et dont acte. J’ai, honnêtement, beaucoup de respect pour l’Argentine, même sans jamais y avoir mis un seul de mes pieds. Quoiqu’il y avait quand même ce restaurant, là, l’autre soir, qui me semblait bien retranscrire l’atmosphère qui règne dans le pays. Et puis, j’aime beaucoup la confiture de lait, le café aussi. Si je dis cela, c’est parce que Zavatarelli est Argentin. Il est seul sur scène, sa guitare dans les mains, et il donne dans la chanson mignonette, mais ô combien ennuyeuse. Aucune passion, aucune fougue, aucune originalité (si ce n’est dans la manière qu’il a d’articuler en anglais). Rien de passionnant à l’horizon, et j’ai la tête qui commence à reluquer de plus en plus souvent le parquet, comme si son poids n’avait cesse d’augmenter.
Entre deux piquages de nez, je m’efforce de prendre la température du lieu, et c’est à l’occasion de l’un de ces rares moments de prospection que j’aperçois, au fond de la salle, derrière la table qui sert de comptoir au vendeur de t-shirts, les membres de Dry The River, avachis dans des canapés de seconde main. Eux aussi sont à deux doigts de s’endormir. Avec tout ça, on n’aura même pas pu prendre pleine mesure de la qualité de la sonorisation. Parce qu’à bien regarder la salle, véritable ode au bricolage, j’appréhende assez le passage des londoniens. Pas ce soir, mes amis sont là, je veux m’aimer.

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Heureusement, plus de peur que de mal pour nos oreilles. Quelques petits problèmes techniques sont certes à déplorer lors du morceau d’ouverture, mais passé No Rest, et son final tout en puissance, le sourire revient et les doutes s’évaporent. Si le groupe est aussi en forme que dans mes souvenirs, rien n’empêchera le public tout entier de sortir acquis à la cause des auteurs du prochain Shallow Bed.
Ce qu’il y a, c’est que Dry The River n’ont pas l’air dans leur assiette en début de set. Ce que j'entends par là, c’est qu’ils ne semblent pas très enclins à la discussion, aux remerciements (alors qu’à la fin du deuxième morceau, les applaudissements sont déjà des plus chaleureux...) ou à la blague. Subitement, après la technique, c’est leur manque possible de motivation du groupe qui commence à m’inquiéter. Non pas que ce soit là la raison qui les avait poussés à ne jouer que quatre titres lors de leur passage au Nouveau Casino, en première partie de The Antlers, mais le malheureux souvenir ne peut s’empêcher de revenir.

Bien heureusement, le groupe, s’il n’en reste pas moins timide vis-à-vis de l’assistance, parvient à prendre ses aises à mesure que les minutes s’égrènent, et l’énergie dont il fait preuve lors de titres comme Weight & Measures, ou encore Lion's Den, au final dantesque, n’a pas de communicative que son seul nom. Durant une heure par définition trop courte quand il s’agit d’une formation de ce calibre, Dry The River vont faire ce qu’ils font le mieux : jongler entre fougue et délicatesse. Joué de leurs mains, chanté de leurs voix (les timbres de Pete Liddle et de ses petits camarades, préposés aux chœurs, se marient divinement bien), chaque morceau devient alors un nouvel instant de grâce, comme pour mieux trancher avec l’aspect général de la pièce, cave glauque, sombre, et à forte connotation grunge. Le beau, décidément, sait naître n’importe où.

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Dommage que leur Shallow Bed n’ait pas été proposé à le vente ce soir, car nombreux auraient été celles et ceux, en fin de set, à se ruer vers la petite échoppe de fortune, dans l’espoir de goûter à nouveau et au plus vite, quitte à écourter leur soirée, à la new folk de Dry The River. Une musique facile d’accès, grandiloquente à ses heures (l’usage du violon n’y est pas étranger), et qui donne tout autant envie de l’écouter que de vivre sa vie. En attendant de déguster l’album, les fans de la première heure, comme les nouveaux adeptes d’ailleurs, pourront se réconforter d'une fort belle manière : disponible, le groupe n'hésitera pas à converser avec qui le veut bien, et à se plier, pendant de longues minutes, au jeu de la photo-souvenir.

Dire que l'on attend la prochaine date de Dry The River est un euphémisme, mais on le dit quand même. Car le plus important maintenant, c'est de parler de ce groupe, encore et encore. Longue vie à lui.
setlist
    Demons
    No Rest
    New Ceremony
    History Book
    Shield Your Eyes
    Night Owls
    The Chambers & The Valves
    Shaker Hymns
    Bible Belt
    Weights & Measures
    Family Tree
    Lion's Den
photos du concert
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