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Mumford And Sons
Mystery Jets

Paris, Trianon - 26 mars 2013

Live-report par François Freundlich

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Auréolés de leurs diverses récompenses aux Grammy ou Brit Awards, et après avoir sorti l'album de l'année 2012 d'après les charts américains, les quatre folkmens de Mumford And Sons débarquent enfin en France. On sent que le public les attendait depuis des lustres car l'excitation parait immense à l'approche du concert. Le groupe, lui, doit se demander comment il va être accueilli dans le seul pays occidental ou leur album s'est mal vendu. En attendant, deux groupes sont chargés de chauffer le public après quelques heures d'attente sur le glacial Boulevard de Rochechouart, pour les plus courageux.

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Une partie du public du Trianon découvre les Montréalais de Half Moon Run tandis que d'autres ont déjà été séduits par un premier album salué comme celui de newcomers indie pop à suivre. Le quatuor déploie ses compositions aux guitares atmosphériques mais essentiellement basées sur une rythmique omniprésente et souvent exécutée à deux batteries. La voix nasillarde du grand leader à chignon peut parfois faire penser à Tom McRae. Les canadiens n'hésitent pas à libérer leurs guitares électriques sur She Wants to Know. Certains moments plus calmes le sont parfois trop mais leur titre phare Call Me In The Afternoon est chaleureusement acclamé par un public qui reste néanmoins dans l'attente de la suite.

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Cette suite est assurée par les anglais de Mystery Jets, lesquels ont sorti leur veste à frange pour se donner un look de cow-boy. Hommage à Mumford And Sons qui ont souvent été raillés pour leur look un tantinet kitsch ? Ces derniers ont en tout cas précisé que les Mystery Jets furent une grande source d'inspiration pour eux lors de leur formation. Ils existent en effet depuis un peu plus longtemps puisqu'on se rappelle de leur première partie des jeunes Arctic Monkeys lors de leur première date en France en 2006. Ils n'ont malheureusement pas encore connu la même explosion qu'ils mériteraient étant donné la qualité de leurs morceaux.
La soirée prend ainsi une tournure beaucoup plus rock dès lors que les trois guitares s'énervent sur des titres plus efficaces les uns que les autres et ayant le potentiel de tubes en puissance. Ils sont portés par la voix juvénile du chevelu Blaine Harrison, assis pour raisons médicales, qui s'éloigne de ce phrasé en vogue chez les groupes anglais actuels, pour se rapprocher de celui de Rivers Cuomo. La bluesy Radlands, extrait du dernier album, calme un peu le jeu et permet de profiter de tous les arrangements des claviers ou de la guitare acoustique. L'influence de la folk 60's est présente et nous fait remuer bien plus que la tête. Voilà un groupe que l'on espérerait voir autant en avant que, par exemple, The Maccabees, tant ils sont la pépite oubliée de la brit-pop.

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Après avoir patienté plusieurs mois, voire années pour certains, Mumford And Sons entrent enfin sur la scène du Trianon sous les cris et acclamations hystériques d'un public qui les attendait comme des messies. On a rarement vu une telle ferveur et une telle unanimité avant même le début du concert. Les premiers accords de Babel résonnent et la lumière éclaire subitement les quatre londoniens alignés à l'avant de la scène. Marcus Mumford donne de la voix, de sa position arquée si particulière alors que la foule reprend chaque texte comme si elle les avait écrit elle-même, tant ces mots peuvent s'approprier universellement. Cette impression perdurera sur chaque chanson, toutes déclamées sans fausse note.
Winston Marshall prend quand a lui sa position de banjo hero, jambes écartées et headbanging en règle. Un premier frisson nous parcourt lorsque l'instrumentation stoppe et que la foule reprend « Tear them down ». On n'aura pas attendu bien longtemps pour vibrer et sauter. La tension ne retombe pas puisque le tube Little Lion Man s'enchaine directement alors que les ampoules qui parsèment l'intégralité des plafonds de la salle s'éclairent. La fosse saute comme un seul homme puis se calme pour murmurer l'introduction de White Blank Page en suivant la voix de Marcus dans un moment de communion, sans aucune instrumentation. Ben Lovett fait s'envoler les notes de piano jusqu'au final tourbillonnant. Les chœurs du refrain sont ensuite prolongés par les voix du public bien après la fin du morceau : les Mumford surpris prennent ici conscience qu'ils étaient bien attendus, même à Paris.

Le trio de cuivres et le violoniste entrent finalement en piste pour Holland Road, titre héroïque qui libère toute sa force en live tandis que le son de Mumford And Sons prend de l'épaisseur avec ces trompettes et trombones sonnant des envolées survoltées. Après ces débuts explosifs, le quatuor calme le jeu en débranchant complètement ses instruments pour jouer Timshel sur le devant de la scène. Ils parviennent à obtenir un silence total, exploit remarquable pour ce public néo-hipster parisien dissipé à fedora. Marcus, Winston, Ben et Ted mélangent leurs quatre voix dans une complainte aussi émouvante qu'attendrissante, sans aucune amplification et accompagnés d'une simple guitare sèche : un moment d'une rare intensité.
On se remet à peine d'une telle beauté que les quatre premières notes de The Cave résonnent, immédiatement recouverte par des cris saluant cette grande chanson qui fût leur premier hymne fédérateur. La joie est indescriptible dans le public et le sol-trampoline vit des moments quelque peu agités. C'est tout une salle qui vit ce titre en reprenant « It's empty in the valley of your heart » puis « I will hold on hope » pour une de ces chansons qui n'appartiennent plus à leur auteur et dont l'énergie qu'elles engendrent ne peuvent que les dépasser. Marcus s'installe à la batterie, instrument assez peu utilisé par le groupe mais dont il a tendance à se servir de plus en plus, pour Lover Of The Light. La version est de fait plus pop et dansante, en amont de trois titres plus intimistes. Une introduction de cuivres divagant sur un piano cabaret annonce Thistle & Weeds, évoluant dans une atmosphère grave et pesante pour s'échapper dans un final enlevé et électrique.
Autre moment acoustique du set, cette fabuleuse version de The Ghosts That We Knew où les solos de violon s'envolent au dessus d'une voix haletante et frissonnante, dans un silence qui humidifie les yeux. Le premier rang réclame alors de Winston qu'il joue quelques notes de The Banjolin Song : un ancien morceau de leur premier EP. Marcus nargue le banjo-man pour qu'il la joue, sachant pertinemment qu'il ne la connaissait plus. Winston donne l'excuse du temps limité alors que Marcus lance un sondage pour savoir qui est vraiment français dans l'assistance. Impressionné par l'accueil, il s'imaginait en effet que seuls des anglais avaient fait le déplacement, mais force est de constater que les français sont en majorité. Il semble réaliser qu'il aime le public hexagonal et que le groupe y reviendra plus souvent : enfin !

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C'est finalement Awake My Soul qui retentit dans un moment de calme comblé par un public connaissant chaque strophe et reprenant joliment « In these bodies we will live, in these bodies we will die ». Même sans être adepte d'un public participatif, il faut reconnaître que ces chansons fédératrices s'en trouvent sublimées. Quelques pas de danse flamenco sont improvisés par le groupe avant d'entamer Roll Away Your Stone, leur titre le plus country qui n'est définitivement pas leur meilleur, tandis que Ted Wayne porte sa contrebasse dans les hauteurs de la salle. La première partie du concert se termine sur Dust Bowl Dance, curieux choix quand on sait que Winter Winds sera malheureusement sacrifiée sur l'autel du couvre-feu et de la double première partie.
La part-belle est donc fait à la seconde moitié de l'album Sigh No More, le piano reprenant ses droits alors que la batterie de Marcus excite la partie finale du morceau. Le rappel débute avec l'un des morceaux bonus du dernier album Babel : Where Are You Now. Ce titre initialement non prévu a probablement été ajouté pour revivre un moment de plénitude acoustique prolongeant celui de Timshel. Le public répond présent même pour cette chanson un peu moins connue alors que les harmonies de quatre voix se mélangent une dernière fois pour nous laisser le corps et l'âme rassasiés. Leur tube mondial, France excepté, conclut magistralement le concert : I Will Wait et son banjo up-tempo sur-vitaminé. On lance ses dernières forces dans la bataille pour un dernier moment d'excitation collective permettant d'achever ses cordes vocales en s'écriant « I will wait, I will wait for you ». La déshydratation n'est plus très loin dans la chaleur du Trianon mais les envolées de cuivres sont trop belles pour ne pas décoller ses pieds du sol. Mumford And Sons s'échappent, acclamés par une foule aussi excitée qu'à leur entrée en scène : pour tout le monde, il sera difficile de s'endormir après ça.

Pour le fan qui n'a jamais vu Mumford And Sons sur scène, il est difficile d'enchainer toutes ces chansons et de tenir le choc. C'est néanmoins un réel plaisir de voir enfin ce groupe majeur de la scène folk-rock britannique en France, malgré un concert raccourci pour des impératifs de temps : on aurait aimé entendre Winter Winds ou Hopeless Wanderer en plus de l'enchainement de tubes dont les Mumford nous ont gratifiés. Peut-être ont-il préféré jouer des morceaux plus calmes du fait qu'ils ont de moins en moins l'occasion de jouer dans de petites salles plus intimistes comme le Trianon ? On espère donc revoir leurs morceaux plus rythmés lors des festivals d'été, et notamment en tête d'affiche du festival de Glastonbury.
setlist
    MYSTERY JETS
    Someone Purer
    Sister Everett
    Hale Bop
    Radlands
    Alice Springs
    Luminescence

    MUMFORD AND SONS
    Babel
    Little Lion Man
    Whispers In The Dark
    White Blank Page
    Holland Road
    Timshel
    The Cave
    Lover Of The Light
    Thistle & Weeds
    Ghosts That We Knew
    Awake My Soul
    Roll Away Your Stone
    Dust Bowl Dance
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    Where Are You Now?
    I Will Wait
photos du concert
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