Juin et l'approche des grands festivals de l'été commencent à créer de sacrés embouteillages dans les salles de concert parisiennes. Les agendas débordent, les dates se chevauchent et les choix se font cornéliens. Parmi les talentueuses nouvelles pouces et autres légendes sur le retour, mes yeux et mes oreilles se sont décidés ce soir pour The Veils, établis à Londres. Ils sortent tout juste leur quatrième album
Time Stays We Go. La renommée du groupe est toujours ici bien inférieure à leur talent. Neuf ans après leur première prestation dans cette même salle du Divan du Monde, le guichet n'affiche pas complet mais l'affluence n'est cependant pas ridicule non plus.

Peu avant 20h00, devant une salle, pour le moment, à moitié remplie, les cinq français de
Match prennent place derrière leurs instruments. Sur le premier morceau, le son est plus qu'approximatif, les retours ne semblent pas au top non plus puisque les garçons demanderont quelques réajustements. Leur musique faite de synthés, de basse, de batterie et de chant choral fait gigoter les premiers rangs. Quand le chanteur demande si nous allons bien, après le traditionnel "oui", il répond que pour eux ça va aussi, tout en ayant l'air de reconnaître quelques visages familiers dans l'assistance. Sur un des titres, ils font des "ouh, ouh", parce que c'est toujours bien de faire des "ouh, ouh". Sur un autre morceau, le chanteur rejoint le batteur, s'empare de baguettes et frappe avec lui sur les fûts. Cela dynamise un peu l'ensemble mais ne va pas beaucoup plus loin. Les têtes autour de moi remuent en cadence, la température commence à monter et la fin du set approche me laissant avec l'impression que le groupe n'est pas mauvais mais pas extraordinaire, juste un groupe que l'on ne rechignera pas à revoir mais après lequel on ne courra pas non plus.
Après de longues minutes d'attente, vient ensuite le tour de Finn Andrews et de ses acolytes de
The Veils de faire leur apparition sur l'estrade. De fausses mains en plastique ornent les amplis. Finn, toujours impeccablement habillé et chapeauté, est tout sourire à son arrivée mais semble un peu tendu. Il est accompagné ce soir de six musiciens comprenant un guitariste, une bassiste, un clavier, un batteur et deux cuivres. Le silence gagne l'assemblée et l'entame se fait sur le nouveau titre
Train With No Name, son rythme de basse saccadé, ses nappes de synthé planantes et la voix écorchée de Finn. Son visage se fait grimaçant donnant l'impression d'être possédé, de souffrir et d'avoir lui-même pris place dans ce train sans retour dont il parle dans les paroles. Sur la fin de la chanson, il aide le batteur d'une baguette pour décupler les attaques contre la batterie.

La setlist n'oublie pas le second album
Nux Vomica avec des titres comme
Calliope! ou
Not Yet que le renfort des cuivres vient magnifier. Un peu d'esprit jazz dans ce monde de rock surtout pour le premier des deux alors que le second vient nous rappeler pourquoi l'on parle de prestations habitées quand on cite le groupe. Finn apparaît comme rongé par les mots qui sortent de sa bouche, comme si ces derniers cherchaient à s'échapper de lui avec violence, son chant alterne avec des cris. La musique suit le mouvement, tous les instruments s'y mettent et c'est ainsi que déferle sur nos oreilles une vague d'intenses décibels.
Turn From The Rain calme un peu le jeu avec son introduction au saxophone et à la trompette mais n'empêchera pas les doigts du chanteur de casser une corde sur la partie finale un peu plus agitée. L'inquiétante
Birds ne manque pas de nous glacer un peu le sang avec ses étranges paroles. Le public très attentif communie. Les tout débuts du groupe ne sont pas négligés avec
Vicious Traditions, un titre diablement efficace, construit tout en crescendo. Un démarrage doux à la guitare, une voix envoûtante qui se superpose sous forme d'incantations. Des paroles qui se répètent jusqu'à nous étourdir puis une seconde partie où les couches sonores s'entrecroisent, s'entrechoquent pour aboutir à une explosion libératrice soutenue avec force par la batterie. Comme sur le nouvel album, les morceaux
The Pearl et
Sign Of Your Love sont enchaînés quasiment sans pause pouvant laisser croire qu'ils ne forment les deux faces d'une seule et même pièce. Sur la seconde, les cuivres se font plus présents que sur la version studio lui apportant un nouveau souffle. Le seul extrait de
Sun Gangs sera ce soir
Sit Down By The Fire, une balade qui apporte une légère respiration comme une transition avant la suite.
Avant de plonger dans la série de classiques que de nombreux fans attendent avec impatience, le groupe choisit de terminer avec le titre de clôture puis celui d'ouverture du nouveau disque.
Out From The Valley & Into The Stars est encore une fois tout en montée et porté par les cuivres qui viennent soutenir la voix de Finn pour un résultat qui prend aux tripes avec son final allongé d'entremêlement de râles de trompettes et de guitares affûtées. Mais le meilleur est encore à venir avec le tonitruant
Through The Deep, Dark Wood qui laisse latitude à tous les instruments de se défouler et plus encore avec le progressif et expansif
Nux Vomica donnant l'impression d'être pris en pleine tempête, prisonnier d'un navire en perdition qui s'échoue. Chaque choc contre les récifs libère son fracas sonore mis en exergue par les cordes de guitare qui crissent et rugissent de plus belle.

Car qui n'a jamais vu The Veils en concert, ne sait certainement pas que le groupe forge une bonne partie (justifiée) de sa réputation de ses prestations endiablées. Le temps de retourner en coulisses pour le rappel et Finn réapparaît pour deux titres en solo acoustique qui viendront prouver que The Veils n'est pas qu'un groupe de fureur mais sait aussi baisser les armes pour un résultat tout aussi émouvant surtout à l'heure d'interpréter l'attendue et poignante
Lavinia écrite alors qu'il n'avait que seize ans. L'apocalyptique
Jesus For The Regular verra tous les musiciens revenir sur scène pour conclure la soirée le potentiomètre dans le rouge.
The Veils nous ont encore apporté la preuve de leur savoir faire et de leur application à donner le meilleur d'eux-mêmes dans l'exécution de concerts intenses et passionnés. Il serait bien injuste que le public ne se masse pas plus en nombre lors de leur prochaine venue prévue à l'automne.