Il règne une ambiance obscure à la Maroquinerie en ce samedi soir. C'est le retour de The Veils à Paris.
Qui est en première partie ? « Support » est inscrit sur la timetable accrochée au bar. Personne ne sait. Surprise ! A l'arrivée, un groupe français. Un nom étrange,
Øllebirde. Une formation récente : 2015. Le style ? Impression de déjà vu, Daughter-isme à fond. Des titres qui inspirent du vécu, entre
With You et
Trouble, rien de plus.
Passons aux choses sérieuses.
The Veils s'imposent sur scène, telle une chimère venue d'orient. Figures et costumes nous renvoient au Only lovers Left Alive de Jim Jarmusch avec longues chevelures, sauvages et indomptables, chemises larges et douces aux motifs orientaux. Finn Andrews, le chanteur, n'a pourtant jamais vu le film. Le groupe connait cependant un grand cinéaste et artiste pluridisciplinaire : David Lynch. Ils se connaissent si bien que The Veils ont enregistré des chansons du dernier album dans son studio de L.A., et Finn jouerait l'acteur dans un futur épisode de la série Twin Peaks. Le dernier album,
Total Depravity, est la bande son du péché originel.

Le groupe débute une performance nocturne par les formules incantatoires de
Here Come The Dead (« You'll want to laugh, but you'll cry instead ») et voilà, le rythme intriguant lancé, notre âme n'est plus consciente mais possédée (« Blood and guts on your knees », « Here come the dead », « The sky is black, the moon is red »). Ambiance apocalyptique dans la Maroquinerie. Des riffs énergisants se mêlent, regards ténébreux, violents coups de batterie. Une dynamique s'accorde sur les voix envoutantes. Danse diabolique.
Sur
Do Your Bones Glow At Night?, on voit la souffrance de l'artiste, visage et corps en torture. La musique, chez The Veils, est un effort physique (« I'm like a man without a candle », « Love guide me out of this harsh, ungrateful land of the damned », «Just dance me to forever, dance me to forever, love », « You know I love you alright », « Oh my god »...).
Le tube du dernier album,
Low Lays The Devil, le blues-rock en majesté avec « Mad as the world it moves on » ou « Low lays the devil in me ». Un chanteur expressif, des chevelures qui se balancent, visages cachés, grunge. The Veils, ce sont des créatures androgynes, des créations empathiques. « Thank you, it's really nice to be here » : entre chaque chanson, Finn Andrews remercie chaleureusement le public, et n'hésite pas à exprimer sa joie d'être sur scène, lieu de prédilection. Nous sommes projetés au Costa Rica, nageant dans un lac de crocodiles via la ballade
Swimming With The Crocodiles qui fait la part belle à la batterie.

Un live si agité, peut, par moments, vous laisser dans l'incompréhension, la confusion. C'est le crépuscule de
Total Depravity (« I try to look away and I fail I try to look away and I fail », « asked my mother what went wrong She said : it's been bad all along »).
La douceur du soir,
Iodine & Iron, des sonorités Black Keys, une flèche d'or qui vous atteint et fait vibrer tout votre corps. Des paroles écrites il y a sept ans par Finn, des mots intemporels (« So you wait for me I who've only time Yeah you wait for me », « soon i'll die »). The Veils, un ensemble entre grâce et crasse.
Sur
King Of Chrome, ça saute, ça vibre. La musique, une telle bête ! Une force chimérique. Le corps en sueur, les doigts en sang. L'histoire d'un camionneur psychopathe (« He aint seen his own mother since 1984... but he ain't never going home », « Truck driver oh truck driver », « in the night on and on »). Ça frappe, ça gratte, ça nous bouscule.
Instant d'intimité entre le chanteur et son public, les solos de Finn Andrews. Faisant plaisir à ses fans qui n'hésitaient pas à demander leur chanson,
Lavinia !. Cette chanson d'amour, qui renvoie l'artiste à ses quatorze ans (« I felt 14 again », « That I don't want to live in your side », « Oh my sweet Lavinia », « oh love »). « One more ! » crie gentiment l'audience « I've forgotten the first line ! » plaisante Finn, toujours le mot juste pour détendre l'atmosphère. Sur
Sun Gangs de 2009, on apprécie pleinement la voix claire et grave, profonde et masculine du chanteur (« You dont want me », « I love you so just let me go »).
Le groupe finit par
Jesus For The Jugular, de l'album
Nux Vomica, très demandée par le public (« Jesus for the jugular - one at a time. Ain't nobody ever gonna ever have to die »). La gorge sèche, rêche, raclée. Ultime performance, preuve que la musique atteint The Veils, comme un coup de fouet à la jugulaire. Ce samedi soir à la Maroquinerie, avait lieu un vrai concert de rock.