The Veils

Finies les comparaisons avec Jeff Buckley, Starsailor et autres Radiohead : The Veils se sont découverts un univers bien à eux, à mille lieues de l'insouciante naïveté que renfermait The Runaway Found.

Comme pour le premier album, Nux Vomica hésite entre agressivité et sérénité, mais cette fois au sein même des morceaux. Ainsi, la chanson titre débute calmement : quelques notes précèdent la rythmique régulière et le chant écorché de Finn Andrews, pour monter progressivement en intensité. À mi-chemin, une guitare virulente prend le contrôle, la voix avance en équilibre sur six cordes avant que chacune d'elles ne se rompent réellement que dans la dernière minute, emportant inévitablement dans leur chute le chanteur qui tente tant bien que mal de s'agripper à du concret sans y parvenir et plonge – et nous avec – dans un abyme de frustration maîtrisée avant de terminer abruptement sur le sol.

Nux Vomica aurait pu être la pièce maîtresse tant elle est parfaite, mais l'album contient d'autres perles dans la même veine que Jesus For The Jugular dont on ressent véritablement le crescendo progresser au fil des secondes, et Not Yet qui reprend la même structure tout en élargissant le fossé entre l'impétuosité et le sang-froid, notamment grâce à la voix trafiquée en fin de course, entraînant dès lors la frustration à son paroxysme.

Les autres plages sont également dans la même veine que celles de l'album précédent tout en la faisant ressortir davantage jusqu'à ce que le sang ne tienne plus en place et en jaillisse par à-coups : la mélodie radieuse de Calliope! s'achève sur un violon agressif, tandis que Pan alterne entre un chant posé et éraillé à la manière d'un Devendra Banhart sous acide, jusqu'à se laisser emporter sans retenue par la densité du morceau. À l'inverse, le somptueux Under The Folding Branches auquel on s'abandonne corps et âme fait mieux circuler la circulation, le chant de Finn Andrews n'a jamais été aussi fluide et ouvert. Il en est de même sur Advice For Young Mothers To Be et House Where We All Live où le génie exaltant de Bright Eyes s'étend l'espace de quelques accords affranchis et fulgurants.

Nux Vomica est un album vivant et excitant, la plupart des chansons qui le composent ne suivent pas une ligne directrice bien précise mais se développent au fur et à mesure de l'instant, comme si les morceaux se composaient directement sous nos oreilles. Les mélodies se complexifient, le chant indiscernable se précise, l'album se diversifie à partir de structures musicales qui définissent définintivement le style des Veils : la voix de Finn Andrews, a fortiori du groupe, est désormais toute tracée.