Âgé de dix-neuf ans seulement, l'anglais Archy Marshall a déjà plusieurs projets à son actif : Zoo Kid, Edgar The Beatmaker, DJ JD Sports ou encore King Krule. C'est sous ce dernier pseudonyme qu'il a sorti son premier album,
Six Feet Beneath The Moon. Le mot qui décrirait le mieux la musique du jeune rouquin à l'accent cockney est simplement... indescriptible. Un savant mélange de jazz, de surf, de rock, de rap et de hip-hop, le tout noyé sous des nappes de reverb. En ce 11 Octobre, le Trabendo à Paris fait salle comble. King Krule est attendu de pied ferme par ses fans.
Ce sont les londoniens de
Filthy Boy qui assurent la première partie du héros du jour. Pétris d'expérience (ils ont déjà ouverts pour TOY, The Vaccines et Palma Violet) les quatre musiciens dévoilent un set entièrement tiré de leur premier album. La base rythmique est excellente, la voix assurée, les guitares tranchantes et les paroles d'une noirceur assumée. On ne peut s'empêcher de penser fortement à Nick Cave en écoutant leur micro tube
Jimmy Jamies retentir entre les quatre murs de la salle du 19ème arrondissement. Le public parisien applaudit fortement la prestation du groupe. On retrouvera un peu plus tard les deux frères Morissey (respectivement bassiste et guitariste/chanteur) en train de fumer leur cigarette sur la terrasse du Trabendo, rougissant devant les compliments adressés à leur encontre.

Les lumières s'éteignent à nouveau et voilà que débarquent
King Krule et ses trois musiciens (basse/boîte à rythmes/samples, guitare et batterie). Tous les quatre sont vêtus de costumes plus ou moins bien taillés. Tandis que le frontman a choisi le tweed, ses comparses font dans le sobre et arborent costumes noirs et chemises blanches. Les souffles se font courts tandis que retentit
Has This Hit, extraite de son premier album. La voix d'Archy Marshall aurait pu décevoir, mais il n'en est rien. Tantôt éraillée, tantôt douce, tantôt sombre, tantôt dansante, le charme opère dès les premières notes.
Le Trabendo frissonne alors que le groupe enchaîne sur
The Ceiling. Sur un
Bleak Blake, tiré de son premier EP, au tempo accéléré, l'anglais empoigne son microphone et détache les syllabes consciencieusement, rappelant ainsi au monde sa passion du rap. Il répètera ce geste plusieurs fois, notamment sur
The Krocadile, où sa voix se fait plus que jamais reflet d'une rage adolescente d'actualité.
Après un
Baby Blue de sept minutes vient le moment de
Rock Bottom. King Krule touche cette fois au sublime. Le base rythmique et les guitares s'entremêlent douloureusement tandis que surnage une voix puissante et écorchée. La chanson se termine et laisse derrière elle un public hébété. Quelques secondes se passent avant que chacun retrouve l'usage de ses membres et réussisse enfin à applaudir. Et voilà le batteur (oui, le batteur, King Krule n'étant apparemment pas d'humeur à échanger des banalités avec le public) qui annonce le premier single de l'album
Easy Easy. Là encore, c'est un sans-faute. Puis
Out Getting Ribs est annoncée comme la dernière chanson du concert. Le temps pour Archy Marshall de désaccorder sa Telecaster blanche et le voilà qui lance les premières notes de la chanson autrefois enregistrée sous le patronyme de Zoo Kid, et remise au gout du jour pour son album. Là encore, le style incomparable du chanteur fait mouche. Infiniment touchant, il nous fait comprendre que la musique est pour lui un exutoire.

Les pieds martèlent le parquet de la salle, les mâchoires se crispent, les yeux s'embrument. Puis d'un silence respectueux surgit la clameur d'un public sous le choc. King Krule revient donc pour un unique rappel et joue un inédit intitulé
Balloon, toujours dans la même veine que ses chansons précédentes.
Nous sortons donc du Trabendo avec l'impression d'avoir vécu un moment privilégié. Nul doute que chaque spectateur a ce soir-là vu l'éclosion d'une future idole, dont l'avènement prochain ne fait aucun doute.