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Eagulls

Paris, Espace B - 28 novembre 2013

Live-report par Baptiste Elman

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Jeudi 28 Novembre. 20h30. L’ambiance plutôt morose qui règne à l’entrée de l’Espace B pourrait presque rivaliser avec l’humidité glaciale qui semble s’être emparée de la capitale depuis quelques jours. Et pour cause : il y a à peine quelques heures une sombre nouvelle s’abattait sur le sympathique café-concert à tendance rock garage du nord-est parisien. Sous le coup d’un arrêté préfectoral, le lieu écope, à la suite de la plainte d’un voisin rabat-joie, d’une fermeture administrative d’une semaine, à compter du lendemain soir, pour « nuisances sonores ». Ainsi, voilà les deux formations de la soirée, Youth Avoiders et Eagulls, transformées en rescapées de la chasse aux musiques amplifiées... Un statut de survivant qu’il va s’agir de défendre becs et ongles toute la soirée en hommage à la dizaine de concerts reportés, déplacés ou tout bonnement annulés des prochains jours !

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21h30 : début du concert avec une bonne heure de retard pour les français de Youh Avoiders qui semblent, justement, avoir à cœur de compenser la semaine sans décibels à venir. Malgré le public plus que clairsemé, malgré des réglages plus que chaotiques, malgré plusieurs démarrages avortés pour cause de pépins techniques, le groupe de hardcore français démarre son set effarant à la vitesse de la lumière. Prenez un groupe de punk rock qui se respecte, rajoutez-y quelques pincées de rock british pour le côté mélodique, ainsi qu’un chanteur possédé aux éructations incompréhensibles, accélérez le tout jusqu’à l’inconcevable... Et bien vous obtiendrez une anomalie musicale étonnamment jouissive qui pourrait battre Usain Bold à plate couture dans toutes les épreuves de rapidité.
Avec un paquet de grenades sonores dégoupillées à l’image des terrifiantes Grit Your Teeth, Cold Mines ou Wild Ones, le groupe n’a peur de rien. Du chanteur à ressorts, qui n’hésite pas à se jeter au milieu d’un public hébété, après quinze secondes de concert, pour provoquer un pogo en solo, jusqu’au batteur qui semble être tombé dans la potion magique quand il était petit, la machine infernale s’en sort contre toute attente admirablement bien. Pour les tympans, c’est une autre histoire... Mais ce n’est vraiment pas le moment de flancher, Eagulls, ancien protégé du fameux Label punk Deranged Records, est déjà dans les starting blocks !

22h30 : En cette ambiance de fin du monde, dans une salle légèrement plus remplie, voilà maintenant venu le tour pour les cinq mercenaires british d’achever les derniers survivants à grand coup de chansons garages punk à tendance très fortement gothique.

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Dans la plus pure tradition des rockers dépressifs, le blondinet au regard glacial qui débarque derrière le microphone en titubant semble greffé à la bouteille de vin rouge qu’il trimballe et qu’il ne lâchera pas avant la fin du show. En place, ils balancent dès l’ouverture le grinçant récent single Nerve Endings. En un clin d’œil, les nappes de saturations oppressantes et le fracas des cymbales s’emparent de la salle et se chargent de parfaire l’impression de veillée funèbre qui plane sur l’Espace B depuis le début de la soirée. La basse, très présente dans la balance des instruments, renforce encore la lourdeur macabre de l’ensemble. Et par-dessus ce tonnerre des dieux, il ne reste plus qu’à rajouter les incantations déchirantes du chanteur à la voix rauque, étrange, improbable croisement entre un Kurt Cobain enrhumé et un Ian Curtis sous amphétamines...
Pas le temps pour le public de reprendre ses esprits que retentit l’implacable roulement de toms qui amorce Moulting. Explosif et un peu plus enjoué que le précédent, le morceau semble embarquer avec lui la trentaine de personnes qui a fait le déplacement. Le riff de guitare corrosif et la rythmique sauvage lorgnent vers ce que le grunge a produit de plus jouissif dans les années 90. Et, quitte à ce que cette soirée soit la dernière des six prochains jours à l’Espace B, autant qu’elle sente le rock'n'roll... Même si pour le moment elle sentirait plutôt le gros rouge qui tache (la faute à la bouteille posée par le guitariste sur une des baffles et qui, brinquebalant dangereusement depuis le début du show, n’a pas résisté aux vibrations cataclysmiques des deux premières chansons et vient d’exploser sur la scène) !
Comme pour se faire, pardonner le musicien chevelu s’empresse dès lors, avec la tête du petit garçon qui a fait une bêtise, de balancer la sauce avec une énergie sans cesse renouvelée jusqu’à la fin du concert. Les classiques du groupe, tous potentiels hymnes noisy, défilent en emportant tout sur leur passage, pour le plus grand bonheur des spectateurs qui, au vu des hochements de tête extatiques, semblent avoir trouvé leurs marques.

Après avoir joué une dizaine de morceaux, transpirant la grisaille de leur Leeds natal et de ses industries lourdes, le groupe tire sa révérence et clôture un set d’une noirceur bien à propos. 23h30 : Concert terminé. Voilà déjà venu le moment pour l’Espace B de baisser son triste rideau métallique...