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Eagulls

Lyon, Nuits de Fourvière - 5 juillet 2016

Live-report par Hugues Saby

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Oui, Dexter Holland a pris un sacré coup de vieux. Oui, The Offspring est un groupe d'adolescents devenus attardés. Non, le refrain sautillant au synthé et piano de Hit That ne casse pas des briques. Voilà quelques unes des remarques que vous aurez certainement lues ou entendues à propos des récents concerts de The Offspring. « Haters gonna hate », comme on dit là-bas. Autrement dit : bla bla bla. Mais commençons par le commencement.

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Bien avant que ne résonnent les refrains tonitruants et ensoleillés de la bande d'Orange County, c'est une tout autre ambiance qui s'installe dans les gradins du théâtre antique de Fourvière ce soir-là. Étrange atmosphère que celle dégagée par les Loiner d'Eagulls. Porté par un chanteur au charisme chétif et maladif, sorte de version fluette et blonde de Robert Smith, le quintet tisse au fil de ses compositions une toile envoutante et vénéneuse dont il sera bien difficile de sortir. La batterie ténébreuse et implacable, la basse ronflante, les guitares psychédéliques lourdes et saturées façon Deftones, le chant habité de George Mitchell, tout cela s'imbrique en une parfaite alchimie, noire et pénétrante, qui donne une idée de ce que pouvait être un concert de The Cure à la grande époque. La perfection de chaque morceau ne dispense pourtant pas de ressentir une légère lassitude au fur et à mesure que le groupe déploie son répertoire. Tout cela est très intense et très maîtrisé, mais un rien patibulaire et finalement un peu lassant. Trop d'écho tue l'écho, peut-être. L'impression générale reste néanmoins excellente, et la prestation fantomatique et menaçante de la formation, tout en tension et en malaise, fait forte impression, longtemps encore après la fin du set.

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Bien différente, certes, mais la tension monte encore d'un cran à la fin de la première partie. Un je-ne-sais-quoi dans l'air, sur la tronche et les t-shirts de tournée d'époque de ces trentenaires à quinquagénaires venus en masse qui dit : nom de dieu, je vais voir mes idoles de jeunesse en concert. Ben oui, The Offspring, c'est avant tout un immense public de fans, pressés de retrouver les sensations fortes que leur procurait le groupe quand ils avaient à peine l'âge de prendre leur première cuite. Alors oui, bien sûr, il y a un petit fond de vérité dans ce que vous diront tous les pisse-vinaigre pour qui The Offspring est un groupe has-been qui aurait dû s'arrêter après Ixnay On The Hombre. Mais il y a un grand fond de vérité dans l'assertion qui va suivre : ces gens-là sont des emmerdeurs qui ne savent pas ce qui est bon. Et qui ne connaitront donc jamais l'extase électrique qui remonte le long de la colonne vertébrale lorsque retentissent, seulement cinq minutes après le début du set, la batterie sèche et le riff reptilien de Come Out And Play. Nous, si. Et quel putain de kiff.

Le public n'est qu'un, saute et chante d'une seule voix les tubes monstrueux et innombrables qui suivront. Tout y passe : Staring At The Sun, Gone Away (version un peu pompière mais plutôt émouvante au piano), Bad Habit, All I Want, What Happened To You?, Why Don't You Get A Job, et bien sûr The Kids Aren't Alright et Pretty Fly (For A White Guy) qui déclenchent l'hystérie d'un public qui trouve là exactement ce qu'il était venu chercher : un Best Of du groupe qu'il adorait quand il avait quinze piges. Et il faut bien le dire : le style Offspring, dans la plus pure tradition pop punk californien, et avec ses refrains inimitables, est resté intact. Comme si rien n'avait bougé. Alors évidemment, Noodles saute un peu moins haut, Dexter monte un peu moins bien dans les aigus, et à l'exception de Greg K, sur qui le temps ne semble avoir aucune prise, l'ensemble a pris un bon coup de vieux. Bla bla bla, vous dis-je. Car quand résonne enfin le jouissif et régressif « la la lalalala la » de Self Esteem, dernier morceau du set, tout le monde s'en cogne et chante en chœur comme s'il avait vingt ans de moins et qu'il était bourré après son deuxième demi. À part bien sûr les quelques pénibles qui sont définitivement devenus trop vieux pour ces conneries, et qui déverseront leur bile sur Twitter à peine les lumières rallumées.

« The more you suffer, the more it shows you really care ». Right ?