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George Ezra

Paris, Café de la Danse - 28 janvier 2014

Live-report par Olivier Kalousdian

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De nos jours, de plus en plus d’artistes proposent des sets en solo, une guitare en bandoulière, accompagnés à l’extrême limite d’une loop machine pour remplacer un ou deux solistes supplémentaires. Désormais, le moins n’est plus l’ennemi du bien !

Avec des « torch-songs amochées », comme le disait notre confrère des Inrocks, JD Beauvallet, en décembre dernier, et avec une maturité artistique bien supérieure à celle que son jeune âge confère généralement à ses collègues de la scène Anglaise, Georges Ezra est un pur ovni de la scène UK. Sous intraveineuse de blues torturé à la Johnny Cash et bercé dès sa plus jeune enfance par les compositions cinémascope de Ry Cooder, Georges enchaîne des titres d’un gravité qui, même pour les ingénieurs du CERN à Genève, reste certainement un mystère. Mais d’où diable sort il une telle profondeur de voix ?

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Seul à la guitare devant un parterre de gens sagement assis, comme de coutume au Café de la Danse, son set ne souffre d’aucun des défauts qui accompagnent parfois les chanteurs à texte, obligés de compenser dans le look ou les boucles leur manque d’assurance et de sensibilité. Ses titres, aussi dépouillés que caverneux, auraient tout aussi bien pu agrémenter le Mystery Train de Jim Jarmush, aux cotés d’un Joe Strummer et d’un Tom Waits tant la voix et le son acoustique de ce gamin de dix neuf ans sonnent grand écran.
Depuis son passage très remarqué au festival de Glastonbury pendant l’été 2013, la BBC (ndlr : Georges Ezra figure dans la sélection du BBC Sound Of 2014) comme le NME se sont intéressés de prés à ce nouveau phénomène issu de la prestigieuse école de musique BIMM de Bristol. Le soir de son audition de sortie, quatre cent cinquante personne ont observé un silence complet pendant qu’il interprétait le titre Angry Hill.

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Une intrigante ressemblance avec le chanteur de Drenge, un physique résolument nordique et une gueule résolument angélique... Georges Ezra a déjà la maîtrise de son public et les derniers rangs du Café de la Danse, de langue Anglaise, lui sont résolument acquis. Nul doute que quelques-unes des filles placées là joueraient avec joie les groupies de fin de concert version Rolling Stones période années soixante dix. De Benjamin Twine, contant sa relation avec son meilleur ami, au titre Budapest qui a lancé sa carrière sur Internet, en passant par le très country, Cassy 'O, il est la preuve vivante que de bonnes chansons peuvent captiver, même tout seul en scène.
Clôturant le set sur l’inquiétant et désormais reconnu Did You Hear The Rain?, lequel est proposé sur Internet dans une parfaite version orchestrée, naviguant entre les complaintes joyeuses d’un Jeff Buckley et les ballades meurtrières d’un Nick Cave, Georges Ezra explose les codes du rock Anglais actuel. Ce titre, dont l’intensité enivre longtemps après la fin du set, lègue à l’assistance un sentiment de frustration après un set trop court. Pressé par un agenda chargé, il quitte rapidement le Café de la Danse sous les ovations pour aller retrouver une deuxième scène parisienne où l’attend une autre centaine de fans. Inconnu et déjà attendu ? La marque des futurs grands !

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Avec la tête d’affiche de la soirée, David Lemaitre, l’ambiance du Café de la Danse prend une toute autre tournure. Délaissant les contrées du middle-west et les faubourg de Memphis explorés par son prédécesseur, la pop cinématographique de David Lemaitre nous entraîne de La Paz (sa ville natale, comme son nom ne l’indique pas) à Berlin (où il vit) pour une heure de set en mode Nova like. Fort de son titre acidulé Megalomania, les mélodies douces amer qu’affectionne David Lemaitre renvoient automatiquement à cette génération pop folk rêveuse limite new age dont Darwin Deez fut le maître absolu pendant l’année 2010. De là à dire que l’introduction de ce même titre est partiellement pompée sur l’introduction du hit Constellations de Darwin Deez... Il y a là un pas que le lecteur franchira ou non en comparant les deux titres de ces deux artistes de talent. Si Georges Ezra joue la carte de la simplicité, David Lemaitre affectionne les arrangements complexes, le musicien bruiteur aux pieds nus (Sébastien, son contrebassiste, violoniste, touche-à-tout) et le percussionniste multi-tâches, tapant aussi bien sur des fûts, un xylophone ou des bambous...

Forts de quatre passages dans la capitale en 2013, David Lemaitre se révèle être un compositeur touche à tout de talent dont les créations électro-folk mélancoliques tourneront sûrement encore longtemps sur les platines de l’Hôtel Costes et dans les fêtes les plus courues de la capitale aux cotés des disques de Metronomy ou Nick Drake.