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George Ezra

Paris, Boule Noire - 28 mai 2014

Live-report par Olivier Kalousdian

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Tenir un public et un set d'une heure quinze, seul à la guitare et au centre d'une scène trop grande quand on a à peine vingt ans et que l'on n'use ni de machines ni de loop pour épaissir sa sauce, cela tient presque de la performance, de nos jours.

À une époque où les formations électro pop tiennent le haut du panier anglais, Georges Ezra impose un style totalement épuré, bluesy et folk rock qui pourrait s'avérer risqués si le talent de songwriter et de compositeur ne débordaient de sa guitare et sa voix grave et assurée. En quelques mois à peine – son premier passage remarqué datant de l'été 2013 sur la scène découverte du Glastonbury Festival – cet Anglais à l'innocente mais très bien faite tête blonde s'est creusé un nom et un sillon bien à lui, entre Bob Dylan, Woody Guthrie et Johnny Cash. Pas de demi-mesure dans les références ; ce garçon est un phénomène dans son genre.

C'est le groupe romantique nantais, A Singer Must Die qui ouvre la soirée. Avec des mélodies délicates et des accompagnements au xylophone sur la majorité des titres, les Français ont réussi le tour de force de se faire programmer sur les ondes anglaises, depuis quelques mois. Il faut dire que leur prochain album sera produit par Ian Caple (Tindersticks, The Divine Comedy...) et que le sextet fut rapidement découvert et chaudement recommandé en France par le très regretté Gilles Verlant.

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Avec trente minutes de retard sur l'horaire prévu, Georges Ezra, arrivé un peu plus tôt avec un cadreur vidéo dans ses pas (un futur documentaire sur l'artiste anglais ?) est attendu comme la nouvelle star intimiste du blues à l'Anglaise par une salle à l'age bigarré. Le public à beau être clairsemé en cette soirée froide et pluvieuse – il s'agit là d'un concert initialement prévu le 15 mai et finalement reporté – il chauffe et manifeste sa présence comme une foule bien plus massive. Rarement artiste débutant aura eu un tel accueil ; composé d'une bonne partie d'anglo-saxons, il est vrai.
La première fois que nous avions vu jouer Georges Ezra, au Café de la Danse en 2013, la sensation de l'enregistrement automatique et irréfléchi de certaines de ses mélodies s'imposait dans nos cerveaux. Mais, ce soir, sans avoir encore eu la chance de répéter en boucle un premier album qui se fait attendre (Wanted On Voyage, sortie prévu le 30 juin), ce sont la quasi totalié de ses titres qui semblent déjà familiers au cœur d'une mémoire vive musicale pourtant très sollicitée.

Cassy O et sa mélodie digne des plus belles heures du label de Memphis, Sun Records (mais sur un thème bien plus moderne, l'infidélité), Did You Hear The Rain et sa lourde guitare, remontant le feu des entrailles de la terre, la ballade folk de Benjamin Twine, son meilleur ami dont la sœur irrésistible finira couchée à ses cotés, ou encore un Budapest de grande tenue, déjà repris en choeur et qui, à lui seul, devrait imposer Georges Ezra dans les prochains festivals. Conclusion d'un set qui aura duré le temps d'égrener les dix titres disponibles de cet artiste au physique de membre de boy's band et au potentiel énorme.

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Avec, comme unique compagne de scène sa Gibson ES-335 dotée de micros et d'une reverb à faire pleurer Les Paul, Georges Ezra remplit l'espace et le spectre sonore de son timbre de voix définitivement profond et mature pour son jeune age. Des chansons gravées à l'eau forte dans nos esprits et dans lesquelles le Mississipi et Mark Twain rencontrent, de façon inattendue, la Tamise et Charles Dickens dans des complaintes de blues d'une qualité rarement entendue ces dernières années.

Georges est décidément un prénom très en vue outre-manche en ce moment.