La soirée commence avec un groupe de folk français,
Orouni. Assez classique, sans grande inventivité mais plutôt bien troussé. Le genre de groupe qui joue ce qu’il est censé jouer, car cette musique est inscrite dans son ADN. Il y a quelque chose de Bill Callahan dans la voix du chanteur, peut-être moins profonde et désabusée que celle de l’Américain.

On entend parfois certains dire que la folk n’est pas de la musique faite pour les violents, que c’est un truc un peu chiant pour trentenaires bobos fanatique de fixies, de bouffe écolo dégueulasse estampillée « commerce équitable », et de tout ce qui pourrait toucher de près ou de loin les pays nordiques, comme les bagels ou les meubles Ikea. Eh bien même si je ne suis pas du tout d’accord avec ce constat-là qui suinte l’ignorance crasse, il faut bien rendre à César ce qui appartient à César : à force de trop parler entre chaque chanson, de se ré-accorder – passons encore ce détail là – on en arrive à devenir chiant.
Cette première partie a tout d’un long tunnel sans fin duquel vous ne réussiriez à sortir qu’au prix d’une lutte à mort avec vos paupières et la lente, très lente, fuite du temps. Les chansons de leur dernier album
Grand Tour, racontent chacune un pays, un lieu qu’ils ont visité. Une invitation au voyage que les membres du groupe ont érigé en philosophie de vie. Il n’est donc pas anormal de penser que leurs chansons ressemblent à de belles cartes postales desquelles s’échapperaient les effluves d’un printemps chaud et ensoleillé.
Avec sa voix angélique, la Galloise
Cate Le Bon prolonge cette douce sensation de fraîcheur. Il y a chez elle un paradoxe tout à fait charmant. Vêtue de noir, des pieds à la tête, lookée façon post-punk-Joy-Division renvoyant une image assez froide et dure, elle laisse finalement apparaître au travers de ses chansons et de cette candeur partagée par la chanteuse britannique Beth Jeans Houghton, une fragilité que l’on dirait enfantine.

Appuyée par un guitariste, un batteur sosie de Frédéric Beigbeder, et un bassiste sosie de Francis Bacon, Cate Le Bon distille tout au long de la soirée une pop-folk-électrique des plus nerveuses : riffs de guitare déstructurés lorgnant parfois du côté du Velvet Underground ou des Beatles période Double Blanc,
Helter Skelter en particulier, riffs tendus jusqu’à la cassure, nourris d’une énergie froide et très noisy qu’elle canalise, ou libère en se balançant de droite et de gauche, mais surtout de gauche, avec sa guitare.
Dressée sur ses bottines noires, Cate Le Bon ne joue pas de la pop sucrée dégoulinante de niaiseries et de clichés insupportables que l'on croiserait dans un roman de Marc Levy. Son truc, c'est de la pop élégante, emplie de noirceur, comme elle l’a déjà déclaré : « je fais une fixation anormale par rapport à la mort. »