Rouges sang, les lettres Stranglers s'étalent sur la façade sombre de l'Olympia, contrastant avec la nuit tombante. Au sol, les mêmes couleurs dominent. Doc Martens et tee shirts noirs floqués au nom des idoles punk sont de sortie et habillent un public majoritairement composé de cinquantenaires. Une forêt de cheveux blancs se masse devant la salle parisienne, trépignant d'impatience à l'idée de fêter le quarantième anniversaire des inclassables rockeurs. Inclassables, c'est le mot. Oscillant entre punk, post-punk, new wave et pop, la musique des Stranglers a traversé et marqué toutes les générations en redonnant notamment leurs lettres de noblesse à la basse et au synthétiseur, instruments tant dénigrés et injustement mis de coté au moment de la révolution artistique de 77.
The Tanks, jeune groupe toulousain, accompagne les Stranglers sur toute cette tournée d'anniversaire. Et le trio livre aux spectateurs une power pop sympathique très inspirée par le blues. On regrettera surtout le son un peu faiblard et écrasé par la batterie. La guitare totalement dénuée d'effet rend le tout un peu plat, ce qui est plutôt dommage, l'énergie étant au rendez-vous. Le chanteur, en costume de tweed, ne s'économise pas et demande même au public de scander « I Feel Love » avec lui. Après une demi-heure de concert, les Tanks s'éclipsent en lançant : « On laisse la place aux géants ! ».

Et voilà les
Stranglers qui arrivent sur scène le temps d'un changement de plateau de vingt minutes. Le groupe a désormais la forme d'un quatuor qui ne contient que deux membres originels : le bassiste/chanteur Jean-Jacques Burnel et le claviériste Dave Greenfield. Car on remarque d'emblée l'absence de Jet Black qui, d'après les dires du même chanteur, était « trop fatigué par sa nuit ». Le visage du batteur, hospitalisé pour cause d'abus il y a quelques années, figure tout de même sur les quatre écrans disposé derrière la scène. Le concert débute sur un
Toiler On The Sea joué à toute vitesse. La longue introduction fait mouche et chauffe directement le public au fer rouge. Les poings se dressent, les têtes battent le rythme et les bouches s'entrouvrent, muettes devant tant de puissance. Le jeu des musiciens n'a pas perdu de sa superbe et Baz Warne (ancien Toy Dolls), qui a pris la place de chanteur guitariste anciennement occupée par Hugh Cornwell, tire parfaitement son épingle du jeu, son timbre rauque rappelant par moments son illustre prédécesseur. Dave Greenfield, planqué derrière une armée de claviers, fait le job malgré quelques fausses notes. Sur
No More Heroes, reprise en choeurs par le public, défilent des photos de fans tatoués au nom des Stranglers. Burnel martyrise les cordes de sa basse noire et arpente furieusement la scène.
Retentissent ensuite successivement la très punk
Peaches, l'ode à l'amour
La Folie, une version parfaite de
Golden Brown et l'hymne
Always The Sun. Enchainement parfait, si l'on fait abstraction des bugs techniques au synthé. Vient le tour des chansons en mid-tempo, en particulier les très new wave/sythpop
Thrown Away et
Never Look Back.
Le point culminant du concert étant atteint, le public commence à moins réagir aux chansons, et c'est à ce moment là que Jean Jacques Burnel s'amuse à lancer des chaussures dans les travées supérieures de l'Olympia en haranguant la foule.

L'humour et le charisme du bassiste suffisent à revigorer une audience déjà un peu fatiguée. Le temps d'un
5 Minutes surplombé par l'image d'un décompte sur les écrans, puis d'un
Hanging Around tonitruant et voilà les musiciens qui quittent la scène sous les applaudissements du public. Ce sont des Stranglers triomphants qui reprennent possession des lieux quelques minutes plus tard, jouant
Norfolk Coast, illustrée par des extraits du film du même nom, puis enchainant sur une reprise des Kinks,
All Day And All Of The Night. Une nouvelle sortie et un dernier rappel sous la forme de
Tank et voilà le quatuor qui s'éclipse devant une mer de mains tendues en signe de respect.
Avec ce 40ème anniversaire des plus réussi, les Stranglers auront une fois de plus démontré qu'ils étaient un des groupes les plus novateurs et les plus inspirants de la scène punk, prouvant par la même occasion que leur réputation de « groupe de scène » n'était pas usurpée.