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The Stranglers

Paris, Olympia - 9 octobre 2024

Live-report par Jean-Christophe Gé

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Il pleut sans discontinuer sur Paris depuis plus de vingt-quatre heures, des mares se forment sur les trottoirs, les caniveaux sont engorgés. Sale temps pour les cyclistes, les motards, les conducteurs, les piétons... et bien sûr pour les rats, l'animal fétiche des Stranglers. Peu importe que l'on doive attendre quelques minutes pour les contrôles de sécurité, tout le monde est trempé. Certains sont allés acheter un t-shirt sec au merchandising, ils font bien, à voir l'état impeccable de quelques-uns à l'effigie de la tournée des 40 ans. Le groupe de pré-punk, punk, post-punk ne mégote pas sur la qualité car ce soir ce sont déjà les cinq décennies de The Stranglers que nous sommes venus célébrer.

L'Olympia ce n'est pas rien, alors il n'est guère étonnant d'entendre La Vie En Rose avant l'extinction des lumières. Nori Kajio vient en voisine ouvrir seule sur un gigantesque Kaito vertical placé au milieu de la scène, baigné dans une lumière rouge. La démonstration dure quelques minutes, puis après une salutation, un petit ballet s'opère entre les roadies très dignes qui emportent l'énorme percussion et le quatuor qui prend possession de l'espace. Trois grand lustres apportent un peu plus de lumière pour apprécier l'élégance des musiciens, tous en costume noir. Le guitariste et chanteur a une pochette, le batteur une cravate, le claviériste un foulard jaune, alors que Jean-Jacques Burnel à la basse prend des airs plus bad boy, jouant le cou en avant comme un punk qui guette la bagarre. La batterie et les claviers sont sur une haute estrade, il y a un grand rideau en arrière-plan, un light show précis et sobre, et rien d'autre sur la scène. Les amplis sont planqués ou dématérialisés, les retours directement dans l'oreillette, ajoutant un peu plus d'élégance zen au set.


Le concert s'ouvre pas deux morceaux tirés de The Gospel According To The Meninblack, de l'avis de Jean-Jacques Brunel, seul membre permanent des Stranglers, et de leur chanteur initial, le meilleur de leurs albums. C'est loin d'être leur plus populaire et ces morceaux n'ont pas été joués depuis quarante ans, mais l'intention est là. Pour The Raven, le bassiste prend la parole en français, la langue de ses parents partis émigrer au Royaume-Uni, avant sa naissance. Il nous annonce de bonne humeur que le concert sera en deux parties avec un entracte de vingt minutes, qu'il pleut dehors et, plus important, que la mort c'est la vie, un rappel important alors que le groupe a perdu récemment son claviériste Dave Greenfield et son batteur Jet Black.

Le son est parfait, les voix nettes et posées, le groupe en grande forme et les quatre caméras qui captent le concert vont immortaliser une prestation qui s'annonce fantastique pour un voyage dans le temps dans une salle qui se prête particulièrement bien à la nostalgie. Avec une seule guitare, les claviers jouent souvent le rôle de lead mélodique, adoucissant l'ensemble brut de leur post-punk, le vrai, puisque que leurs débuts rock'n'roll ont évolué avec le passage de la vague punk. Sur ces parties psychédélique à l'orgue, on sent également l'influence de la musique des années 70. Depuis 1977, Princess Of The Streets a d'ailleurs pas mal évolué sans rien perdre en sincérité, son interprétation est magnifique avec un synthé qui fait la rythmique et laisse le lead à la guitare.


Le concert monte alors d'un cran en intensité, enchaînant Breathe et Hanging Around. Ne laissant pas le temps de souffler, à peine le morceau terminé que le batteur donne la mesure pour Down In The Sewer, les rats vont retourner dans leur caniveau. Pendant le long final de la chanson, Jean-Jacques Burnel et Baz Warne, chanteur-guitariste qui a rejoint le groupe en 2000, entament une petite danse et changent de côté sur la scène comme pour profiter de la vue avant de disparaître. Les instrumentaux occupent une part importante de leur musique et on ne peut pas dire que le groupe soit bavard.
Le final est un sublime dialogue entre la guitare, la basse et le synthé. La batterie finit par s'accélérer pour le bouquet final. C'est quand le groupe est le plus chaud qu'arrive le break, mais qui mieux que les Stranglers pour faire la première partie des Stranglers ? Les vingt prochaines minutes seront longues.

Quand les lumières s'éteignent à nouveau, l'enregistrement de Waltzinblack résonne dans la salle, redémarrant finalement le set comme l'album The Gospel According To The Meninblack. Les vestes sont tombées, l'ambiance est plus festive mais pas moins mordante avec Who Wants The World?. On a l'impression d'assister à une fête, le groupe et le public sont joyeux, Jean-Jacques Burnel et Toby Hounsham, aux claviers, sont presque hilares en faisant les chœurs de Duchess. Sur les airs ska et dub de Peaches, le groupe prend une allure de cadors conduisant une Mustang sur le front de mer de Brighton, avec un groove sonnant tout de même très anglais.
On est embarqué dans un voyage dans le temps, on a l'impression d'être à l'Olympia dans la première moitié années 80, les lumières ont des couleurs franches, rouge, bleu, vert, blanc ou violet. Pas de vidéos ou de lasers, le son est brut. J'idéalise certainement le passé, et la technologie est ici au service de la musique sans ajouter d'artifices qui étaient inutiles il y a quelques décennies, tout comme ils le sont toujours ce soir.


Pas la peine non plus de faire des blagues ou d'introduire les morceaux, la communication passe exclusivement par la musique. Skin Deep donne le signal de la séquence tubes du concert. S'ensuit Always The Sun qui crée une petite tension dans le public dès les premières notes de synthé. Les projecteurs sont passés au rouge sur le rideau, et en jaune sur les côtés comme un couché de soleil que l'on voudrait retenir. Après Golden Brown, le groupe éprouve quand même le besoin de s'exprimer, le bassiste et le guitariste tombent dans les bras l'un de l'autre et nous gratifient de remerciements qui viennent du fond du coeur, comme si nous avions fait l'effort de venir jusqu'à eux pour fêter ce demi siècle de musique.

Le groupe joue toute tripes dehors jusqu'au bout de la soirée. Vient alors le rappel classique des Stranglers : Go Buddy Go, le premier morceau très rock'n'roll qu'ils aient écrit et avec lequel ils ont écumé les pubs en 1974 avant de gagner en notoriété, et No More Heroes, un autre hymne du groupe. Même si le rappel est toujours le même, l'absence de surprise n'empêche pas le plaisir ! Jean-Jacques Burnel nous donne rendez-vous dans cinquante ans, pas sûr que ce sera le même Olympe.
setlist
    Just Like Nothing On Earth
    Hallow To Our Men
    The Raven
    Baroque Bordello
    North Winds
    Genetix
    Princess Of The Streets
    Breathe
    Hanging Around
    Down In The Sewer
    ---
    Who Wants The World?
    Dagenham Dave
    Duchess
    Time To Die
    Ships That Pass In The Night
    Peaches
    Threatened
    Skin Deep
    Always The Sun
    Golden Brown
    Relentless
    5 Minutes
    Lost Control
    White Stallion
    Something Better Change
    Tank
    ---
    Go Buddy Go
    No More Heroes
photos du concert
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