La semaine passée fut placée sous le signe de la chaleur de l'été et les orages qui se préparent pour le lendemain n'ont rien de rassurant... Mais, ce soir, c'est encore une belle nuit étoilée qui se prépare à Fourvière avec, au loin, quelques nuages luttant pour s'imposer et des feux d'artifice tirés depuis quelques bourgades de Rhône-Alpes...
Beaucoup d'artistes ne dédaignent pas la lumière. Certains n'ont pas peur de l'ombre, non plus. Surexposé, illuminé et quasiment enluminé même après les années Blur, Damon Albarn se devait de changer d'air... Ce fut avec Gorillaz ou The Good, The Bad And The Queen qu'il put, enfin, sortir de la britpop, rasséréné pour se diriger vers un univers musical protéiforme et plus calme où le rock se mêle avec le rap, la pop avec le hip-hop et l'Europe avec l'Afrique. Après une escapade, ô combien importante au Congo et à Kinshassa, Damon Albarn n'entend plus la musique comme avant.
Juana Molina. Derrière ce nom assurant la première partie de Damon Albarn, quasi inconnu sous nos tropiques, se cache une artiste déjà bien aguerrie, née dans les années 60, en Argentine. Bluffant son monde sur scène dans un look de quasi teenager (et accompagnée par deux teenagers ; l'un au clavier et l'autre à la batterie et aux boites à rythme) Juana Molina est une sorcière des sons et des boucles. Entre électro folk et electronica, elle déroule des titres étranges dont les sons semblent s'envoler sur un tapis volant magique, pour ne jamais retomber. Collègue de travail de David Byrne, elle a souvent été comparée à une Björk d'Amérique du Sud... et comme Björk, elle déroute autant qu'elle surprend le public lyonnais.

Mais place à
Damon Albarn, réceptacle et médiateur de nombreux courants musicaux qu'il va mixer, arranger et diriger tel un chef d'orchestre sans frontières. Mêlant du Gorillaz, du The Good, The Bad And The Queen, des projets solos et même des reprises de Blur, la setlist de ce soir est un patchwork des multiples talents et casquettes du prodige altermondialiste du rock. Pour son quatrième passage aux Nuits de Fourvière, Damon Albarn est accompagné d'une formation classique (batterie, guitare rythmique, basse, clavier) interchangeable à souhait, suivant les titres. Après
Everyday Robots ou
Lonely Press Play tirés de son premier album solo, ce ne sont pas moins de trois titres de Gorillaz dont
Tomorrow Comes Today qu’interprètent Damon Albarn et son groupe. Le temps pour l'anglais de discuter avec le public d'un tambourin fétiche acheté quelques dollars et quelques semaines plus tôt en Caroline du Nord dans un « pawn shop »... « Non, pas un sex shop, mademoiselle ! » (rire général dans l'assistance).
Vient ensuite le tour du très jazzy titre de The Good, The Bad And The Queen,
Three Changes. Multi instrumentiste reconnu, Damon Albarn se pose au piano et berce l'assistance pour le très personnel
Photographs (You're Taking Now). Toujours au clavier, il fait résonner des accords clairs, accompagné de riffs éclairs et saturés sur le titre
Kingdom Of Doom. C'est sur la ballade
El Mañana qu'entrent en scène les choristes du groupe, au nombre de six. Un riche tableau impressionniste aux couleurs vives évolue maintenant sur la scène de Fourvière. Après deux réinterprétations de titres de Blur (
Out Of Time et
All Your Life), le rappel que sonnent avec frénésie et une volée de coussins les milliers de spectateurs enchantés du soir, Damon Albarn, jamais avare en communication avec son public, formule le vœu d'un cinquième passage à « Léon », la ville où il aime tant venir et où l'espace proposé résonne si bien sous sa musique...
Clint Eastwood est de la partie. Entonnant les premières mesures sur ce mélodica qu'il tient à la bouche, Damon Albarn surprend une partie du public avec le titre phare de Gorillaz, le groupe « virtuel » créé par Jemmy Hewlett et lui-même. M.anifest, le rappeur tenant le flow sur le morceau, est entré en scène et les ovations du public ne tardent pas ! Résigné à ne pas terminer un show déjà long, Damon Albarn enchaîne avec le très caribéen
Mr Tembo, sous un tapis de coussins lyonnais qui l’empêche presque d'accéder aux pédales de son piano et soutenu par tous les chœurs de son groupe et du public, debout pour la plupart. Debout il va le rester pour deux autres titres,
Don't Get Lost In Heaven et
Heavy Seas Of Love.
Quand un artiste rock, blanc et engagé oublie ses racines musicales et sa culture natale pour endosser celles du monde entier, cela donne Damon Albarn.