Pour sa première édition, le festival Black XS s'est offert ce week-end une programmation plutôt honnête, notamment pour les mordus de rock anglais qui ont pu assister à des représentations de Temples et Arthur Beatrice, accompagnés des américaines d'Au Revoir Simone et du néerlandais Thomas Azier.

C'est à
Arthur Beatrice qu'il incombe d'inaugurer cette première soirée de l'édition. Le quatuor anglais, fort méconnu par chez nous, a pourtant déjà sorti son premier album,
Working Out, en ce début d'année. Après être passé – inaperçu – par l'Hôtel de Ville en juillet pour le Festival FNAC Live, le groupe revient en France avec cette fois-ci une visibilité plus forte malgré les groupes importants qui l'accompagnent.
A 18h, dans un Trianon à moitié rempli, les quatre musiciens d'Arthur Beatrice font leur entrée sur scène. Résonnent aussitôt les premières notes de
Carter, un de leurs titres-phares, à la pop éclatante et où le timbre de voix cristallin d'Ella Girardot illumine la salle. Durant trente minutes, le groupe enchaîne ses meilleures compositions, de
Ornament & Safeguard à
More Scrapes, jusqu'à l'apothéose avec le majestueux
Grand Union qui voit Orlando Leopard s'approprier le chant. Vivement une date française en tête d'affiche où l'on pourra enfin les voir jouer la totalité de
Working Out !

Vingt minutes plus tard,
Au Revoir Simone prennent la relève. Les trois new-yorkaises délivrent ce soir une prestation faisant la part belle à leurs deux dernier opus. Tous synthés dehors, elles débutent le show avec
Gravitron, tiré de
Move In Spectrums, paru l'année dernière. Malgré les voix cristallines de ses interprètes, la dream pop d'Au Revoir Simone n'est pas aussi simple et naïve qu'il n'y paraît. Elles partagent avec Temples cette faculté à changer de tonalité en une fraction de seconde, comme sur le passage entre le couplet et le somptueux refrain de
Gravitron.
Les handclaps de
Just Like A Tree se font ensuite entendre, suivis de la mélodie dansante au clavier, imparable et reconnaissable entre mille. Les trois musiciennes poursuivent sur
Another Likely Story et
Tell Me, deux titres issus de leur précédent disque,
Still Night, Still Light. L'intro au piano de
Tell Me, douce et sublime, offre pendant une minute le passage le plus paisible de la soirée. S'ensuit son crescendo rythmique et les claviers qui peu à peu chauffent la salle, annonçant une suite plus dynamique.
Le groupe interprète en effet les deux premières plages de
Move In Spectrums, à l'approche et aux sonorités bien différentes. Le son menaçant et la boîte à rythmes virulente de
More Than embarquent ainsi le public dans son univers, avant que
The Lead Is Galloping ne convainque tout le monde, déballant sa pop à la fois sombre et dansante.
Retour à
Still Night, Still Light avec
Knight Of Wands. Entre claviers aliens et handclaps de circonstance, les trois new-yorkaises chantonnent leur
“Oh joy, I can see you” dans une symbiose folle. Puis elles enchaînent sur
Somebody Who et
Crazy, deux des compositions les plus décomplexées et dansantes de
Move In Spectrums, qui voient bouger une bonne partie de la salle remplie maintenant aux deux tiers.
« I hope it's worth it », plaisante une des musiciennes après avoir subi un léger problème technique durant trois minutes.
Shadows, dernier titre à être interprété, résonne alors. Avec ce dernier, une des compositions majeures de
Still Night, Still Light, le trio parvient à reproduire la rupture de ton entre le passage du couplet au refrain, difficile en live mais ici parfaitement maîtrisée, que ce soit au niveau du chant, limpide et éthéré, que des claviers à la touche funeste et poignante. Le refrain, qui sait se faire attendre, se dévoile dans son entièreté aux deux tiers de la chanson, prenant tout son sens en live tant il apporte une cohérence entre les musiciennes, avant de céder sa place à une longue instrumentation finale, aérienne et hypnotique. It was worth it.
Malgré une performance et une setlist impeccables (terminer sur
Shadows est osé mais parfait), les fans de la première heure pourront regretter l'absence de certains tubes illuminés de leurs premiers albums comme
A Violent Yet Flammable World,
Dark Halls et
The Disco Song.

On reste ensuite toujours dans l'électro pop avec
Thomas Azier, mais une électro pop à mille lieues d'Au Revoir Simone. Pompeuse et simpliste, la musique du jeune néerlandais ne s'adresse pas forcément aux spectateurs venus pour les autres groupes à l'affiche.
On doit toutefois lui reconnaître une identité visuelle forte et intéressante, la performance étant accompagnée de vidéos au style s'approchant fortement d'un Woodkid. Pas étonnant quand on sait que l'artiste a été révélé par plusieurs artistes dont ce dernier.
Ceux que l'on attend tous font enfin leur apparition à 21h.
Temples, l'une des révélations britanniques de l'année, ont sorti leur
debut album Sun Structures en février dernier et il reste malgré tout encore en tête près de dix mois plus tard. Encensés par la critique comme le public, les quatre anglais poursuivent dans la lignée des Tame Impala et Jagwar Ma tout en apposant leur sonorité propre, mêlant refrains pop et rock déstructuré.
Sun Structures débute les hostilités, déballant son rock infaillible sur sept minutes et terminant sur une instrumentation psychédélique comme l'on était en droit de s'attendre de la part du groupe. Il en sera ainsi tout au long du show, alternant pop spontanée et riffs saturés et dissonants.
Les quatre anglais enchaînent sur leurs deux compositions à la structure diamétralement opposée : tout d'abord l'ovni
A Question Isn't Answered dont la mélodie principale, répétée pendant plus de cinq minutes, reste en tête toute la nuit, puis l'affolante
The Golden Throne et ses trois chansons en une. A l'image du
Shadows d'Au Revoir Simone, les ruptures totales de ton entre les couplets/pré-refrains/refrains de cette dernière sont parfaitement retranscrites en live malgré la complexité des arrangements, tout comme sur
Colours To Life et son refrain imparable.

La totalité de
Sun Structures y passe, excepté
Test Of Time et son refrain
à la Kasabian, une de celles qui paraissaient pourtant les plus évidentes en live ! En revanche, en milieu de set, arrive une succession de deux faces-B qui font éclater le rock psyché du groupe, toutes deux déviant légèrement vers un genre différent. La première,
Prisms, b-side du single
Shelter Song, s'acoquine avec le blues rock des White Stripes, tandis que
Ankh, b-side de
Colours To Life, joue la carte du synthé sauveur du monde, à la fois putassier et jouissif, qui sait faire danser l'assistance sans grande difficulté.
S'ensuivent les classiques instantanés que sont
The Guesser et
Keep In The Dark, ainsi que le Bee Gees-esque
Move With The Season et le long rock psychédélique de
Sand Dance, bourré d'effets sonores et de riffs aliénés. Pas statiques comme bon nombre de formation anglaise de ce style peuvent l'être, Temples s'accaparent par moments la scène, notamment sur les passages instrumentaux.
Shelter Song termine le concert, laissant davantage de place au claviériste et au bassiste dont les chœurs accompagnent le chanteur tout du long.
« We're gonna need you to be pretty quiet for this one », déclare James Bagshaw lors du rappel, avant qu'il n'entame les premiers accords de la délicate
Fragment's Light. Le groupe conclut évidemment sur la dévastatrice
Mesmerise qui, sur près d'un quart d'heure fait de solos et de distorsions, définit la musique du groupe : malléable, hétéroclite, complexe, dissonante et folle. Le groupe sait s'émanciper de ses influences, titre après titre, jouant ainsi avec les ruptures de ton et la structure classique d'une chanson.
Malgré sa médiatisation en amont et une programmation solide, le festival Black XS n'aura malgré tout pas fait venir foule. La fosse n'était qu'aux trois quart remplie tandis que les balcons n'étaient occupés que par une trentaine de personnes. Les horaires ont pu être un frein, le festival ouvrant ses portes à 17h30 avant de se terminer à 22h20... un samedi soir. Espérons une seconde édition plus comble – et des horaires plus parisiens – l'année prochaine, car les efforts étaient clairement présents de la part des organisateurs pour passer une très belle soirée !