Suede

Pour leur septième album, Suede ont décidé de faire les choses différemment. Pour la première fois ils sortent un concept album accompagné d'un film de Roger Sargent, Night Thoughts. Un premier extrait, Outsiders, est paru en septembre, et deux mois avant sa sortie le groupe le présente en public lors de deux soirées au Roundhouse de Londres.

Cette deuxième soirée, se passe dans un contexte particulier, c'est le lendemain de l'attaque du Bataclan à Paris, une salle dans laquelle le groupe a eu l'occasion de jouer. Je me rappelle très bien de leur passage en novembre 2002, Brett s'était blessé la cheville quelques jours avant et avait du assurer le concert assis sur un tabouret de bar, ce qui l'avait passablement frustré. Aujourd'hui, il faut faire face à plus qu'une cheville blessée.
Quand je découvre la salle après une heure d'attente liés aux mesures de sécurité exceptionnelles, je découvre le drapeau français projeté sur l'écran qui recouvre l'intégralité de la scène et les piliers du Roundhouse sont éclairés de bleu-blanc-rouge. C'est beau et touchant.



Le groupe monte sur scène avec quarante-cinq minutes de retard, mais la salle est calme, l'attente compréhensible. Il joue derrière l'écran et pendant les passages plus lumineux on peut l'apercevoir plus clairement. Ils doivent se synchroniser avec les images, pas de temps pour les pauses ou pour saluer le public, les morceaux s'enchaînent comme sur un album. Richard Oakes, qui avait commencé le concert assis sur son ampli, se lève après deux morceaux et Brett Anderson finit par complètement se lâcher après quelques titres également.
La distance imposée entre les musiciens et le public par cet écran ne fait que renforcer la tension et la communion. Leur performance est tout sauf froide, le film tout sauf léger. Les images accompagnent l'album et non l'inverse, les acteurs parlent, s'engueulent à l'écran, mais il faut deviner leurs dialogues. Comme dans un clip les images sont là pour soutenir la musique et non l'inverse. Les morceaux que je découvre pour la première fois sont dans la ligné d'Outsiders, avec un son très rock et beaucoup moins glam que ce à quoi le groupe nous a habitué.

Après avoir révélé son album dans son intégralité, le groupe quitte la scène. Il revient quinze minutes plus tard pour un set de classiques appelé « hit and treats ». La salle est déjà chauffée à blanc et le set démarre au quart de tour par This Hollywood Life, extrait de leur deuxième album. Les guitares seront particulièrement en avant dans ce concert, dans une forme beaucoup plus dure que d'habitude, loin des solos de Bernard Butler du début. C'est peut-être moi qui l'interprète comme un défoulement face à l'horreur, mais j'ai besoin de ce défoulement, de ce son. Pendant Trash, le light show reprend les éclairages bleu blanc rouge, décuplant la tension dramatique du refrain.



Même s'ils n'ont plus la contrainte du timing du film le groupe échange peu avec le public entre les morceaux, ce qui me surprend de la part de Suede, dans leur ville de Londres. La communication passe par les chansons qui s'enchaînent à un rythme dingue, comme si le groupe voulait rattraper son retard avant le couvre-feu. Ce qui n'empêche pas les musiciens de placer deux morceaux de plus dans la setlist par rapport à la veille.
< S'étant « débarassés » de toutes les nouvelles chansons pendant la première partie du concert, Suede ne jouent que des tubes que tout le public connait, et la Roundhouse est à fond. Brett taquine le public, descend plusieurs fois dans le photo pit, se déhanche, tape du pied alors que les musiciens se donnent à fond. Les interprétations ne sont pas toujours parfaites, les morceaux ne sont pas forcément bien répétés, mais c'est agréable de voir un groupe plutôt raffiné lâcher prise sur scène.

Après quinze titres, le groupe quitte la scène et revient pour un rappel. Celui-ci est dédié aux victimes du Bataclan et commence par The 2 Of Us qui finit de me bouleverser. Après The Asphalt World, Still Life est la conclusion parfaite pour cette soirée, un morceau puissant tout en progression qui se termine en apothéose.