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MONEY

Paris, Point Éphémère - 25 février 2016

Live-report par Cassandre Gouillaud

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« Cet album s'appelle Suicide Songs, et c'est la plus belle chose que j'aie entendue ces derniers mois ». A en juger les regards perplexes que ce commentaire peut attirer, il semblerait effectivement que l'accroche soit à retravailler. Pour autant, le propos n'en est pas moins vrai. Il y a cette année un bijou qui a émergé de la nuit hivernale, complexe puzzle d'émotions qui heurte et frappe toujours en plein coeur malgré les multiples écoutes. Une nouvelle fois, MONEY nous ont gratifié d'un effort qui résonne comme un éclatant tourbillon de sentiments, troublant de par sa brute honnêteté.

Il fallait jeudi dernier se frayer un chemin le long du canal Saint-Martin pour partir à la rencontre de ces Mancuniens, dont le retour n'était à rater sous aucun prétexte. Découvrir, aussi, que sous des apparences quelques peu négatives, Jamie Lee n'a rien d'un triste personnage, et se plaît plutôt à manquer de nous arracher des larmes vainement retenues pour mieux s'aventurer dans des discours absurdes entre deux chansons. Parce que MONEY c'est aussi cela, passer de pleurs ravalés aux rires sincères d'un instant à l'autre. Suicide Songs est en cela un album qui ne pouvait pas mieux leur ressembler, assumant cette ambivalence entre tourments déchirés et une poignée de fragments de paix retrouvée.

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Les échos retentissants de la voix éraillée de Jamie Lee cisaillent l'air sur You Look Like A Sad Painting On Both Sides Of The Sky et réduisent la salle au plus religieux des silences. Oublié ce chant chétif qui était venu se poser sur The Shadow Of Heaven. Si elle nous apparaît tout autant fragile, perpétuellement sur le point de se briser, cette voix rauque est d'autant plus bouleversante qu'elle matérialise cette déchirure qui est au coeur même des albums de MONEY, comme un long cri plaintif, dernier soupir avant l'agonie. De quoi faire mentir le principal intéressé qui aura pris la précaution de nous avertir qu'il ne « sait pas chanter » - car si l'on peut convenir que ce n'est pas la plus conventionnelle, sa voix n'en est pas moins belle et outrageusement expressive.

A côté de cela, pour cette tournée européenne dont le point de départ est donné au Point Éphémère, le groupe s'est entouré d'un violoncelliste et d'une violoniste, dont les cordes s'entremêlent dans un jeu lumineux sur Hopeless World puis sur I'll Be The Night, entretenant une presque paradoxale aura de sérénité dans un univers qui avait semblé si noir. Les guitares réverbérées prennent la suite sur Bluebell Fields et Night Came, laissant ensuite la basse au premier plan de l'une des rares survivantes de The Shadow Of Heaven, la hantée Letter To Yesterday, dont on garde le souvenir de la progression harmonique lancinante.

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Les lumières se rallument bien vite après A Cocaine Christmas and An Alcholic's New Year, au bout d'une petite heure passée à atteindre sans cesse de nouveaux pics émotionnels. Trop vite peut-être, à en juger les applaudissements qui amènent Jamie Lee à revenir seul sur scène et à s'installer derrière le piano. Suite à une requête venue des premiers rangs, il entame un Black dont il s'excusera finalement d'oublier les paroles, avant de quitter, une dernière fois, cette scène sur laquelle on aurait sans doute bien voulu le garder un peu plus.

Certains diront que la turbulence difficilement tempérée de Jamie porte atteinte à la qualité du live, d'autres n'auront pas apprécié le doigt qui leur aura été adressé d'un ton mi-provocateur pour avoir applaudi avant la fin d'une chanson plus tôt dans le set. Mais, à y réfléchir, il serait tout aussi possible, et bien préférable, d'ajouter que cela faisait aussi bien trop longtemps que l'on avait pas vécu une soirée d'une telle sincérité.