A peine deux mois après leur performance au Nouveau Casino, Wild Beasts revenaient à Paris ce 16 avril pour la toute dernière date de leur tournée européenne : un show tout aussi fiévreux et riche en émotions, où la quasi-totalité de
Present Tense fut interprétée devant un public venu nombreux au Trabendo.

Après leur avoir réservé un accueil chaleureux à leur arrivée sur scène, le show débute tranquillement sur deux titres tirés du quatrième album paru en février dernier.
Mecca prend dans un premier temps le pouls de la salle, porté par le chant lyrique de Hayden Norman Thorpe, avant que
Sweet Spot ne prenne la relève, déballant ses chœurs accrocheurs et sa pop synthétique menaçante. Le groupe, heureux d'être ici pour cette dernière date, reste pour le moment relativement statique, se concentrant sur sa musique.
On passe ensuite aux choses sérieuses avec
The Fun Powder Plot, première plage de
Two Dancers, qui fait monter la température de quelques degrés, notamment sur un
« I'll be left dumfound as a donkey » où la voix de tête de Thorpe prend toute son ampleur, le groupe s'appropriant davantage l'espace.
The Devil's Crayon, seule composition issue du premier album
Limbo, Panto jouée ce soir-là, laisse la place à la voix de baryton de Tom Flemming qui à son tour envahit toute la salle, profonde et résonnante, se concluant dans un capharnaüm maitrisé de haut vol. La scène est à présent entièrement la leur.
Retour dans le
Present Tense avec trois titres plus posés, à commencer par
Pregnant Pause où l'on se laisse bercer par les cordes vocales de Thorpe. Prend ensuite le relai
A Simple Beautiful Truth et son somptueux refrain sur lequel viennent se marier parfaitement les voix des deux chanteurs, avant que la dense
Daughters fasse son entrée en scène, captivant l'audience avec sa batterie tendue et, en son dernier tiers, son
beat électronique halluciné qui chauffe une salle à présent fébrile.

Les cris fusent dès les premières fractions de seconde de
Hooting & Howling, titre majeur de
Two Dancers. Tout ce qui fait la recette de Wild Beasts est là : le chant cristallin et maîtrisé de Thorpe dans une montée en puissance euphorisante, une rythmique sobre mais singulière et convulsive, et une mélodie simple et efficace qui ne cesse de se renouveler, que ce soit sur un riff de guitare que dans l'imparable refrain.
S'ensuit
Reach A Bit Further, tiré du troisième album de la formation anglaise,
Smother, plus assagi mais dont les percussions tribales et les arrangements discrets sur disque prennent sur scène davantage de place, magnifiant les voix de Thorpe et Flemming qui, une nouvelle fois, parviennent à porter une audience de plus en plus brûlante et agitée.
Le dernier tiers est lui aussi dédié à
Present Tense, du quelque peu dispensable
Palace à
A Dog's Life et ses effets de guitare inquiétants, en passant par le non moins menaçant
Nature Boy, dont la rythmique et le clavier démangent les jambes et dérangent la tête dès les premières secondes. Entre temps, l'affolant
Bed Of Nails s'est immiscé dans la
setlist, durant lequel la synergie entre les musiciens n'a jamais été aussi forte en ce mercredi soir, Flemming distillant ses chœurs poignants et Thorpe sublimant sur le pont son
« it's alive, it's alive, it's ali-i-i-ive ».
Moins percutantes que celles des albums précédents, les compositions de
Present Tense n'ont également pas la même aura en live que ces dernières, n'ayant pas encore atteint la maturité scénique d'un
Hooting & Howling ou d'un
Bed Of Nails. Le groupe semble d'ailleurs prendre bien plus de plaisir sur les anciens morceaux, se déplaçant sur la scène du Trabendo et communiquant davantage entre eux et avec le public.
Celui-ci, clairement enthousiaste, ne se fait pas attendre pour demander un rappel qui ne tarde pas à arriver. Le meilleur est bien évidemment gardé pour la fin, ce qui est étonnamment possible comme le prouve le groupe qui revient sur un rappel dantesque constitué notamment du triptyque
Wanderlust,
All The King's Men et
Lion's Share. Rien que ça.
Wanderlust, premier single de
Present Tense, et de loin la meilleure piste de l'album, débute les hostilités sans plus attendre. La mélodie alien mêlée aux percussions directes de Chris Talbot se charge de faire transpirer les derniers réticents. Le clavier s'assagit en fin de parcours, illuminé et changeant de tonalité, tandis que la batterie s'alourdit :
Wanderlust dévoile son pont que l'on n'imaginait pas d'une intensité aussi grande en live, où le
« don't confuse me with someone who gives a fuck » et sa répétitivité hypnotique à la Fuck Buttons, rare chez Wild Beasts – ce qui très certainement en fait un moment d'autant plus unique et saisissant –, embarque le public sur une minute psychédélique incandescente.
Après qu'une personne braille quelque chose d'incompréhensible, Hayden Norman Thorpe lance sur le ton de la plaisanterie
« if we need a new singer, you may have your chance ». Et pour détendre encore davantage l'atmosphère, vient ensuite le grand
All The King's Men de
Two Dancers. Les c(h)œurs s'emballent, les langues se délient. Bien que l'on puisse croire que c'est Thorpe qui chante
« Watch Me ! Watch Me ! », il s'agit en fait de Tom Flemming qui, habité et dans une tessiture à mille lieues de ce qu'il sait faire, s'élance vers le micro pour déverser tout ce qu'il peut, inondant joyeusement la salle de cris inimaginables, avant de reprendre sa voix « normale ».
Alors que l'on pense en avoir fini avec ce qui est là une performance mémorable d'un des groupes britanniques contemporains les plus majeurs, il passe rapidement à la suite en révélant les premières notes de
Lion's Share, titre phare de
Smother. Thorpe et Flemming montrent une dernière fois leurs talents de vocalistes, et notamment ce dernier sur les
« boy whatcha running from » en plein milieu du morceau, quasiment
a capella, venant de nouveau envahir la salle comme jamais.
Le show se conclut finalement sur le magnifique et terriblement approprié
End Come Too Soon, aux arrangements aériens sur lesquels vient se poser une dernière fois la voix de Thorpe. Oui, Wild Beats ont donné un concert d'une durée plus qu'honnête, composé de dix-sept chansons, et qui n'aura fait que monter crescendo dans les émotions et la performance vocale des deux chanteurs. Mais on aurait pourtant tellement voulu voir le groupe jouer jusqu'au bout de la nuit et interpréter d'autres compositions de son répertoire laissées de côté, dont quelques-unes de leurs deux premiers albums (où sont donc passées
She Purred, While I Grrred, Please, Sir, This Is Our Lot et
We Still Got The Taste Dancin' On Our Tongues ?) ! A quand la prochaine tournée ?