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The Good, The Bad And The Queen

Marseille, Jazz des Cinq Continents - 24 juillet 2019

Live-report par Louise Beliaeff

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Les Marseillais sont assis sur la pelouse du parc Longchamp ce mercredi 24 juillet. Les cigales chantent, le soleil se couche lentement sur la Bonne Mère et l'édifice majestueux du palais Longchamp : tel est le décor rêvé d'un festival, le festival Jazz des Cinq Continents l'a fait. L'affiche est grandiose : The Good, The Bad 2nd The Queen, soit un mélange détonant de l'esprit de Blur, Gorillaz, The Verve, Fela Kuti et The Clash. Rien que ça.

Avant d'accueillir le supergroupe, le public se régale devant le saxophoniste Raphaël Imbert (nouveau directeur du conservatoire de Marseille) et ses acolytes de la compagnie Nine Spirit. Avec humilité et générosité, la formation offre un très beau concert dont le point d'orgue est l'arrivée du grand Eric Bibb, chanteur et guitariste, maître absolu du blues. Sous son chapeau élégant, l'artiste captive l'audience et se fond avec subtilité à la joyeuse troupe dans laquelle la complicité et l'amitié règnent. Le fils de Raphaël Imbert, Timon, a l'opportunité d'accompagner Éric Bibb à la batterie sur un morceau. « C'est une affaire de famille », explique son père.

Nine Spirit s'éclipsent. Sur la pelouse, certains se sont levés pour se rapprocher de la scène. L'excitation monte et résiste tant bien que mal au changement de set très long. Le balais des techniciens semble interminable. Une toile plutôt sinistre est hissée en fond de scène. Batterie, piano, amplis, micros, retours... Tout est scotché, le public va bientôt l'être aussi. Ce n'est qu'à 22h30 que The Good, The Bad And The Queen débarquent sur scène. Les icônes sont réunies : Damon Albarn, leader de Blur et Gorillaz, Tony Allen, batteur de Fela Kuti, Simon Tong, guitariste de The Verve et Paul Simonon, le bassiste emblématique des Clash. Un concentré des meilleurs, des idoles, de ceux qui ont fait la musique du XXème siècle, devant les yeux écarquillés des festivaliers marseillais, sous les pins et les cigales.

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Damon Albarn salue le public comme s'il saluait un copain. Classe et à la fois débrayé. Stricte mais négligé. Soigné mais barré. Le parfait British, en somme. Polo noir, pantalon de costume avec une poche arrière retournée, des bottines marrons aux pieds. Paul Simonon et Tony Allen rivalisent d'élégance. Le bassiste des Clash a peigné proprement sa chevelure grise sous un béret. Sur scène, l'ambiance est à la fois cosy et effrayante. Deux lampes rouges ont été placées de part et d'autres de la scène, comme dans un salon un poil lugubre sous ses airs chaleureux. Une scène de music-hall légèrement freaky.

Le concert s'ouvre sur Merrie Land, titre issu de leur deuxième album du même nom. Quoi de mieux que de chanter le futur de l'Angleterre le jour où le pays connaît le visage de son nouveau premier ministre, Boris Johnson. C'était délicieusement prévisible : Damon Albarn ne résiste pas à parler du Brexit et de la tête blonde qui a poussé la porte du 10, Downing Street. Le public est réceptif. Le groupe accompagné d'un quatuor à cordes berce le public avec ses balades. La basse de Simonon, très forte, martèle les temps d'un groove exceptionnel. Nos coeurs battent à l'unisson avec lui. Damon Albarn se balade, danse, saute, regarde le public dans les yeux, pointe le ciel. Il est incontrôlable, naturel, séduisant. Le backliner a bien du mal à suivre ses mouvements et doit gérer le fil de son micro qui manque à chaque minute de s'enrouler autour d'un ampli, ou, plus grave, des pieds de Paul Simonon. The Good, The Bad And The Queen déroulent un set impeccable entre britpop, folk, punk, afrobeat, dub... De leurs multiples influences jaillit une mixture fiévreuse qui pousse à l'ivresse.

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Si le chanteur de Gorillaz est un spectacle à lui tout seul, Paul Simonon en est un deuxième. Il ne la fracasse pas au sol mais danse avec sa basse blanc cassé, swingue sur les mélodies enivrantes de leurs deux albums. En fond de scène, Tony Allen, 79 ans, est impressionnant de précision. La batterie, nette, sautillante, se fait presque oublier dans l'harmonie de tous les instruments. Elle est pourtant là, et vitale. Chaque ghost-note trouve sa juste place. Simon Tong est plutôt discret, il laisse la place aux deux dingos, Damon et Paul.

Les spectateurs des premiers rangs sont survoltés, ils chantent et dansent avec passion, sans retenue, en fixant leurs idoles. Damon Albarn est en sueur, il sourit souvent au public et semble transporté par ses paroles. Notre Queen souffle de temps à autre dans son melodica, pour le plus grand bonheur des nostalgiques de Gorillaz, se voute parfois sur son piano droit, renverse un verre d'eau, s'agenouille sur scène.
Après un long set aussi merveilleux que hanté, The Good, The Bad And The Queen se retirent, pour mieux revenir. Ils ont beau n'avoir fait « que » deux albums, le groupe offre un rappel de quatre morceaux pour un concert de deux heures : Northern Whale, Kingdom of Doom, Green Fields, The Good, The Bad & The Queen.

Quatre anciens titres qui ont pompé les dernières barres d'énergie du public, lessivé par ce concert fantastique. En cette douce nuit d'été à Marseille, tout fut super : le supergroupe, le superdécor, la supermusique, le superpublic. À eux quatre ils ont 240 ans. Et quand ils tirent leur révérence, nos coeurs battent encore à 240, chavirés par une telle addition d'énergie et de génie.
setlist
    Merrie Land
    Gun To The Head
    Nineteen Seventeen
    The Great Fire
    Lady Boston
    The Truce Of Twilight
    Ribbons
    The Last Man To Leave
    The Poison Tree
    History Song
    80's Life
    Herculean
    The Bunting Song
    Nature Springs
    A Soldier's Tale
    Three Changes
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    Northern Whale
    Kingdom Of Doom
    Green Fields
    The Good, The Bad & The Queen
photos du concert
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