logo SOV

Peter Hook & The Light

Paris, Bataclan - 25 mai 2022

Live-report par Laetitia Mavrel

Bookmark and Share
A quoi s'attendre en 2022 lorsque nous nous rendons à un concert de Peter Hook, emblématique (si ce n'est mythique) bassiste fondateur de Joy Division et New Order, formations qui ont laissé leur empreinte sur à peu près 95% des fans de rock toutes générations confondues ? La question est de savoir s'il est possible d'aborder un tel monument sur scène libérés des passions / attentes / frustrations / fantasmes que draine autour de lui le clivant Peter Hook, particulièrement depuis son divorce compliqué d'avec New Order et le climat tendu que cela a entraîné.
La réponse est que quel que soit son relationnel avec tout ce qui touche de près ou de loin à l'univers du mancunien, le but est de se laisser simplement immerger dans l'énergie que sa formation et lui-même dégagent sur scène et ainsi se prendre, à nouveau, une grande leçon de rock administrée par un maître en la matière.

Nous retrouvons Peter Hook & The Light au Bataclan de Paris pour l'avant-dernière date d'une tournée française les ayant menés dans pas moins de douze villes et tout autant de salles plus ou moins intimistes. Et c'est avec l'émotion particulière liée à la salle parisienne que le groupe nous sert une performance de 2h20 minutes, décomposée en quatre sets pour ce millésime 2022, réduisant la part de New Order à une « première partie » de six titres puis laisse la place à l'intégralité des deux albums de Joy Division avec en rappel les quelques singles mythiques qui crantent le groupe comme légendaire.
Comme si Peter Hook, au fil du temps, revendiquait de plus en plus une identité Joy Division, tendant ainsi à prendre un peu ses distances avec le répertoire de son second ancien groupe, toujours en activité, amenant ainsi les fans à devoir se dédoubler pour apprécier dans leur complétude toutes les facettes de New Order que l'on imagine encore dans nos rêves les plus fous réunis.


Autant alors profiter pleinement de la forme olympique du vétéran Hook qui, du haut de ses soixante-six ans, dégage une vigueur et un dynamisme époustouflants. Physiquement, la prestation est à la hauteur de nos attentes, Peter Hook menant les sets avec ses deux basses et son imposante présence sur scène. Force est de constater que tenir le micro oblige Hooky à céder son jeu de basse sur beaucoup de titres, mais nous sommes toutefois gagnants grâce à un chant des plus corrects, ce dernier ne s'étant jamais fait connaître pour ses octaves délicates (nous noterons cependant que cela n'a jamais été le cas pour l'ami Bernard Sumner qui pourtant règne en maitre sur les vocalises New Orderienne).

Arborant son éternel look de punk du dimanche, parcourant sans cesse la scène pour se hisser à son bord, brandissant le manche de sa basse telle une mitraillette vers le public enflammé, le personnage est authentique, généreux, mais guère loquace. Cependant les mots ou autres politesses sont superflus tant le langage corporel et le regard fier et affirmé renvoient aux fans tout ce que Hooky porte d'héritage depuis tant d'années. L'ouverture dédiée à New Order est ainsi restreinte, mais en nous offrant six classiques (les titres changeant de date en date, Paris verra le groupe céder au populaire Crystal plutôt qu'au légendaire Blue Monday. On ne peut pas tout avoir...), Peter Hook confirme que son ombre de géant planera toujours sur le groupe.

Un petit quart d'heure « d'entracte », les musiciens reviennent avec l'intégralité de Unknown Pleasures, puis une nouvelle mini pause et Closer, où l'on se prend pour celles et ceux qui découvrent le bonhomme sur scène une belle claque musicale. Oui, Ian Curtis restera jusqu'à la fin des temps la voix et l'emblème de Joy Division. Mais ses amis honorent tout autant leur patrimoine commun en rejouant ces hymnes qui, pour les spectateurs présents ont littéralement bercé leurs jeunes années, que cela ait eu lieu dans les années 80s ou maintenant, quarante ans après.


Peter Hook est rock, mancunien jusqu'au bout des ongles et de la crête (grise et un peu moins fournie aujourd'hui) et l'interprétation de Joy Division est ce qui lui sied le mieux. Les morceaux, sans perdre une once de leur puissance émotionnelle, se voient apposer cette touche punk qui les illuminent, quitte à décevoir les adeptes de leur nature originelle plus sombre.

La liste est longue, et l'émotion est palpable à l'écoute de Disorder, She's Lost Control, Wilderness ou Shadowplay. Et cela continue avec Isolation, A Means to An End, The Eternal, Decades... Ce qui met tout le monde d'accord, c'est l'honnêteté de Peter Hook et sa volonté sans failles de continuer à porter son héritage par amour pour son ami Ian Curtis (dont on nous lira en français un petit message en son honneur de la part de Peter) et par respect pour les fans qui ne cessent de transmettre le flambeau depuis quatre décennies maintenant.
Le final est littéralement explosif. Warsaw, Transmission et Love Will Tear Us Apart remportent tous les suffrages, preuve en est l'effet rouleau-compresseur dans la fosse, et laissent le public lessivé mais comblé.

Malgré aujourd'hui la dispersion Joy Division / New Order entre officiels et dissidents, la musique et le live remettent toujours les choses à plat. Peter Hook reste le membre de Joy Division continuant de faire vivre la légende sur scène de la façon la plus passionnante possible, et sans pour autant oublier que ses anciens camarades contribuent eux aussi à perpétuer cette transmission. L'âme définitivement punk de Hooky l'emporte dans ce duel fratricide.
setlist
    Ceremony
    Age Of Consent
    Regret
    True Faith
    Crystal
    Temptation
    ---
    Atmosphere
    Disorder
    Day Of The Lords
    Candidate
    Insight
    New Dawn Fades
    She's Lost Control
    Shadowplay
    Wilderness
    Interzone
    I Remember Nothing
    ---
    Atrocity Exhibition
    Isolation
    Passover
    Colony
    A Means To An End
    Heart and Soul
    Twenty Four Hours
    The Eternal
    Decades
    ---
    Failures
    Warsaw
    Transmission
    Love Will Tear Us Apart
photos du concert
    Du même artiste