A 55 ans,
Peter Hook a décidé de ne plus s’embêter. Non pas qu’il ait vraiment été du genre à se laisser marcher sur les pieds par le passé, mais après s’être fait virer de son groupe par les autres membres fondateurs de
New Order après trois décennies de collaborations parfois chaotiques, il a décidé de réunir un petit groupe et de célébrer à sa manière les trente ans de la mort de Ian Curtis en rejouant les chansons de
Joy Division sur scène. A la mort de celui-ci, c’est Bernard Sumner qui avait imposé sa voix, ses comparses pensant de lui qu'il était le meilleur chanteur. A écouter
New Order, on peut imaginer ce que valaient à l’époque les performances des autres.
De l’eau a coulé sous les ponts, Peter Hook a appris à chanter et a monter un groupe qui s’est approprié le répertoire de
Joy Division pour livrer des concerts authentiques et dépouillés qui ne sombrent pas dans les simagrées. Tout cela se passe en famille ou entre amis : deux des membres du groupe ont joué avec Peter dans
Monaco (side project entre 1995 et 2000) et la basse est tenue par
Jack Bates, son propre fils.
Se prenant au jeu, de répétitions en concerts événements, c’est toute une tournée qui prend forme. Ainsi, c’est un Trabendo complet que
Frustration chauffe de son rock post-punk vintage estampillé 1980. Les instruments et leurs effets ont du être acheté dans une brocante tant on croirait franchement entendre
Marquis de Sade,
Siglo XX ou
Stockholm Monsters, tous ces groupes au son froid qui n’ont pas passé le cap des années 90s pour rester dans la face oubliée du mythe.
Peter Hook and The light ont choisi
Trans Europe Express de
Kraftwerk pour monter sur scène. Ils entament le set par
Atmosphere, probablement la chanson de
Joy Division que j’aime le moins. Après cela, il ne pourra y avoir que du bonheur. Dès les premières lignes de chant, on s’aperçoit que Hookie peine à gérer simultanément sa voix et la basse. La plupart du temps, il se contente de jouer les introductions et quelques notes pendant les refrains. Et même s’il l’utilise peu, voire pas du tout sur certains titres, il ne lâchera jamais son instrument qu’il porte autour du coup comme un talisman. C’est le moins que nous sommes en droit d’attendre d’un bassiste à l’origine de nombreuses vocations.
Après ce single un peu mou, le groupe entre dans le vif du sujet avec deux extraits du premier disque de
Joy Division (
An Ideal for Living) et balancent
No Love Lost et
Leaders Of men, des morceaux bruts et lourds. Quitte à sortir des sentiers battus, s’ensuivent
Glass et
Digital apparus sur le premier disque de leur label Factory. Le guitariste a retouché les effets de sa guitare cryogénisée depuis plus de 30 ans, qui a finalement évolué et mûri.
Suffisamment en jambe, le groupe est prêt à attaquer le plat de résistance de son set. Il saute son single
Transmission, joué en rappel, et sa face B,
Novelty, dont l’oubli est le seul regret de ce concert. C’est tout l’album
Unknown Pleasures que le groupe joue, dans l’ordre d’origine. Mais là encore, quelques additions mélodiques tiennent de la surprise : la guitare de
Candidate est plus psyché et plus désemparée. Il y a aussi des classiques qui ne changent pas :
New Dawn Fades, une des chansons les plus touchantes de l’album, est également un des moments forts du concert.
Les titres s’enchaînent, le groupe maîtrise bien mieux son set que lors du concert de
Section 25 il y a quelques années, devenu le sujet de blagues pour fans et amis. Peter Hook échange quelques mots avec son groupe entre les morceaux, mais jamais avec le public. Ce n’est pas une attitude hautaine, le bonhomme est plutôt avenant, mais comme le dit ma grand-mère, quand on n'a rien à dire, on ne dit rien. Peter Hook est là pour chanter et s’éclater, c’est tout et c’est l’essentiel. Tout l’album y passe jusqu’à
I Remember Nothing, les membres du groupe quittant la scène les uns après les autres pendant les dernières notes chaotiques de cette complainte industrielle.
Peter Hook commence le rappel par un « merci beaucoup » en français avant de hurler « 3, 5, 0, 1, 2, 5, Go! », l’introduction de
Warsaw, morceau punk et nom de la première incarnation de Joy Division. S’ensuivent les deux plus gros « hits » du groupe :
Transmission et
Love Will Tear Us Apart. Ce dernier est dédié à leur ami
Michel Duval, cofondateur de Factory Benelux et des Disques du Crépuscules, sans qui Joy Division et New Order n’auraient pas été ce qu’ils sont devenus, dixit Hookie. Ainsi s’achève ce concert, plus long que n’importe quel concert original de Joy Division (qui dépassait rarement l’heure). Il ne reste plus qu’à espérer que le groupe repassera par chez nous pour interpréter
Closer.