Dans la jungle des brillants « debut albums » britanniques de l'année (Yard Act, Jockstrap, Wet Leg...), le premier opus de Sinead O'Brien,
Time Bend And Break The Bower, n'est peut-être pas le plus commenté ni le plus écouté, mais il figure à coup sûr parmi nos préférés. Son showcase au Cirque d'Hiver lors d'une belle soirée du Culturebox Festival en mai dernier nous avait mis l'eau à la bouche. Nous attendions donc avec une impatience non feinte sa venue au Point Ephémère à Paris, cette petite salle du dixième arrondissement où la température monte souvent très vite. Malgré une subite chute du mercure (y a plus de saison ma p'tite dame), le baromètre du lieu affiche toujours chaud bouillant grâce à Jerk Off, festival multidisciplinaire un brin olé olé se tenant en parallèle du concert et où l'on peut notamment admirer le travail aussi trash que sensible de Romy Alizée, photographe et performeuse militante.
Mais ne nous écartons pas de notre sujet et faisons place à la musique. Les tout-jeunes parisiens de
Sugar Pills, venus avec une bonne partie de leur fan base, jouent à domicile et délivrent un excellent set d'ouverture. Sous haute influence Slowdive, Joy Divison et Boy Harsher, leur dark wave queer distille avec brio son spleen adolescent tout en rage contenue. Si on navigue ici en terrain connu, la qualité d'écriture de leurs morceaux
VHS, Dancefloor Crying et
Baby Love n'a rien de convenu.
Sinead O'Brien, en bottes et robe à froufrou noire, accompagnée de ses musiciens en costume cintré sur t-shirt blanc et veste couture qui pourraient postuler sans peine au titre du groupe le plus stylé du Royaume-Uni, arrivent sur scène au son de
Pain Is The Fashion Of The Spirit et
End Of Days pour un démarrage tout en douceur faisant lentement monter la pression. Très concentrée, presque un peu rigide, l'Irlandaise lâche enfin les chevaux avec
There Are Good Times Coming et
Most Modern Painting. Alternant habilement les ambiances musicales, Sinead offre à mi-concert une phase calme et contemplative avec
The Rarest Kind et
Multitudes avant de se lancer dans une dernière partie tout en crescendo.
Les guitares furibardes sont de sortie sur
GIRLKIND et
Kid Stuff, offrant à ces petits hits un lifting tout en puissance et énergie rock avant d'explorer son versant club avec
Like Culture, sur lequel Sinead ordonne à la foule de se lâcher complètement, scandant des « Dance ! » tel un mantra hypnotique, et surtout
Spare My Size, Me qui s'aventure franchement vers des terres plus électroniques, faisant office de bouquet final et d'apothéose festive.

On aurait bien pris un peu de rab, tant on n'a pas vu passer cette grosse heure de concert, un signe qui ne trompe pas quand vient le temps de juger de la qualité d'un spectacle. Aussi convaincante sur scène que sur disque, Sinead O'Brien confirme largement tout le bien qu'on pensait d'elle et s'impose désormais comme une des voix à suivre de la scène indie rock UK.