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Razorlight
Muse

Paris, Bercy - 15 décembre 2006

Live-report par Valy

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Fin 2004, Muse, en pleine mue, nous quittait sur un show dégoulinant ressassé sur trop de scènes pour conserver tout ce qui faisait le charme de sa jeunesse. En 2006, avec Black Holes and Revelations, le trio assure le destin qu’il semble vouloir se tracer : il sera le groupe que tout le monde adore détester ou déteste adorer, voire, les deux simultanément. Que devions-nous attendre de Muse sur scène, alors qu’il reste délicat de se prononcer de façon tranchée sur leur dernière production ?

D’entrée de jeu, Muse emmène Bercy sur une autre planète dès la mise en place d’une espèce de cafetière italienne géante dont les grandes facettes diffusent des images vidéo. Le ton est donné, « Knights of Cydonia » ouvre le spectacle en grandes pompes. Les plus clairvoyants joueront le jeu, et passeront une très bonne soirée, laissant les plus réactionnaires ruminer leurs sarcasmes autour du thème « le rock n’roll, c’était mieux avant… ». La cafetière-de-l’espace s’ouvre en deux et laisse entendre le son costaud de la batterie transparente de Dominic Howard, légèrement surélevée, à gauche de la scène. Est-ce l’effet « boîboîte », le jeune batteur semble avoir gagné en consistance, en assurance, le son de ses fûts paraît plus mûr que jamais. C’est lui qui balance la sauce chili en premier, avant que ne débarquent le chanteur-manga et le shérif de la basse. Ce morceau de bravoure burlesque où se battent en duel Morricone et les Shadows atteint le paroxysme du kitsch assumé quand un trompettiste vient se placer discrètement vers le fond de la scène. On y aperçoit aussi un cinquième larron, qui de temps en temps bidouille dans son coin une armoire à bidules électroniques. Ce soir, le public n’assistera pas au concert d’un de ces groupes bon ton produits à la chaîne par l’Angleterre, mais à un spectacle original, qui a au moins le mérite de ne pas vouloir (mal) imiter les aînés porteurs de jeans coupe « cigarette ». Enchaînement sur « Starlight », titre issu lui aussi du dernier album. Typique de la chanson qui agace à la première écoute, mais finalement si bien fichue qu’on peut toujours s’en amuser ensuite. Celle-ci et toutes ses cousines de genre (« Invincible », « Take A Bow », « Bliss »…) prennent un intérêt jouissif en concert, recette miraculeuse de la transformation positive dont Muse a toujours eu le secret. Le tout soutenu par un light show des grands soirs, mais pas si mégalo qu’il pourrait être.

Les vidéos sont très nettes et joliment travaillées, loin du style épileptique épuisant des tournées précédentes. Sur la grande scène, le tout petit Matt Bellamy paraît parfois un peu seul, entre un batteur sous cloche et un bassiste isolé lui aussi sur son promontoire. Fini les grimaces, les tics du timide qui fait le singe sur scène. On s’en étonne d’abord, et on s’en réjouit ensuite, tant ce qui fût un charme du temps de Showbiz, était finalement devenu une mauvaise habitude à partir de 2003. L’ado semble s’être débarrassé de quelques complexes et assume son style sans demie-mesure, contrairement à ce qu’on pouvait lui reprocher sur le mal dégrossi Absolution. On aurait donc préféré que cette nouvelle sagesse profite aux titres les mieux ficelés comme « Showbiz » ou « Ashamed » qu’aux indigestes « Butterflies and Hurricanes » et « Apocalypse Please », mais on se satisfait d’échapper à beaucoup de mollassonneries. L’apparition inattendue de « Citizen erased » sera une des bonnes surprises de la soirée. « Muscle Museum », seule relique des années Showbiz, en sera l’apothéose. Le petit piano droit blanc ne servira qu’à quelques reprises, notamment pour lancer « New Born » sur un rythme particulièrement effréné. Le temps des excès de démonstration technique sur clavier clignotant est révolu. Tout comme semble révolu le temps des pogos et des slams à outrance. Le public aussi a pris du galon, on y observe des tranches d’âge plus variées qu’avant. Hypnotisé sans être assoupi, sa ferveur est mise à contribution pour assurer les chœurs, marquer le rythme, et même participer au light show en agitant, pendant le slow « A Soldier’s Poem », les portables allumés en guise de briquets du XXIème siècle.

Il faut dire que Muse sait toujours tenir en haleine son audience avec des sets ébouriffants. Leurs performances tiennent plus du grand huit plein de loopings balancés à vive allure que de la pêche aux canards, et ça n’a pas changé. Ce qui a évolué, c’est leur façon d’amorcer le virage. Moins fouillis, moins brouillon, et donc aussi moins spontané, Muse en live est aujourd’hui une machine mieux maîtrisée que jamais, et pas seulement d’un point de vue scénique (qu’on peut toujours critiquer), mais surtout d’un point de vue purement musical. Les prouesses vocales de Matthew sont abordées avec plus de sérénité, et donc de précision. Chris est de plus en plus présent. On l’avait déjà vu prendre les chœurs, ce rôle autrefois modeste est désormais développé avec plus d’ampleur, et lui va bien. Dom quant à lui, nous le disions dès le début de ce compte-rendu, a pris une nouvelle carrure, plus adulte. En somme, qu’on aime ou pas les setlists du cru 2006, on ne peut pas nier que Muse joue mieux que jamais, et au-delà de tout le brouhaha scénique, c’est bien l’évènement le plus remarquable qu’on garde à l’esprit après ce retour du groupe à Paris. Parfois, on peut se dire que Muse va trop loin, mais on reste convaincu qu’au moins, ils ne sont pas les Jean-Pierre Pernaud du rock, n’en déplaise aux esprits grincheux.
setlist
    Knights of Cydonia
    Starlight
    Butterflies & Hurricanes
    Map of the problematique
    City of Delusion
    Plug In baby
    Forced In
    Hysteria
    Citizen Erased
    Soldier's Poem
    Invincible
    Supermassive Black Hole
    Time is Running Out
    New Born
    Apocalypse Please
    Bliss
    --------------
    Muscle Museum
    Stockholm Syndrome
    Take A Bow
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