alt-J

Il est 19h15 lorsque nous pénétrons au sein du magnifique Théâtre Gallo Romain de Fourvière. C'est aussi l'heure à laquelle des gouttelettes bientôt semblables à du crachin breton se font sentir. Equipée d'un coupe-vent à capuche, je me fiche bien de cet évènement météo.

C'est sans compter l'intensification du phénomène, qui oblige bientôt toutes les personnes assises dans les gradins à enfiler (pour les mieux préparées) ou à courir acheter (pour ceux qui n'ont pas consulté les prévisions) des ponchos imperméables du plus bel effet. De la barrière, la fresque plastifiée multicolore est digne d'un tableau de la Renaissance. Trois accalmies et averses plus tard, la pluie cesse enfin pour de bon et le jeune lillois Lydsten (ndlr : « pierre sonore » en danois), arrive sur scène vers 21h00, main sur le cœur, humble et l'air sincèrement touché de jouer pour la première fois dans ce cadre splendide, et en première partie du trio anglais.
L'artiste autodidacte joue un set d'électro planant minimaliste plutôt très agréable pour débuter tout en douceur la soirée, avant d'enchaîner avec alt-J. Le chanteur et claviériste de ces derniers se postent d'ailleurs sur le côté de la scène afin d'observer et écouter les premiers morceaux de leur invité. Celui-ci, les bras déployés tel un oiseau, afin de triturer les boutons des machines et claviers l'encadrant, est concentré et absorbé par sa musique. Il conclut le set avec des morceaux aux beats et basses nettement plus fortes et dansantes afin de chauffer l'arène, qui répond favorablement.


Vers 21h30, le trio électro-indie-pop-art-rock-hip-hop (etc...) entre tranquillement sur scène, chaque musicien prend place sur son estrade, et début le set avec Bane, tiré du dernier album, The Dream. Le ton, calme mais puissant et mystérieux, est donné, avec une scénographie épurée mais efficace. Pour le plus grand plaisir du public et du premier rang (quasiment exclusivement féminin !), les anglais enchaînent avec les entraînants Every Other Freckle et In Cold Blood. Puis, un accord de piano répété et de nombreux cris se font entendre, c'est l'heure de Tessallate, extrait de leur premier album qui a soufflé ses dix bougies l'an dernier.

Chaque disque étant bien représenté ce soir, alt-J jouent le plus classique et pop U&ME avant que Joe Newman ne demande au public de chanter le prochain morceau, qui n'est autre que l'émouvant Matilda. Après quelques cris d'enthousiasme, le calme et la douceur reviennent, et le public chante en chœur. Au sein du Grand Théâtre, chaque chanson résonne comme si elles avaient été conçues pour ce lieu.


Le set, bien mené, entre harmonies vocales, basses, guitare et sons électroniques, est construit tout en progression, et l'ambiance menaçante de Chicago envahit l'espace, avant de transformer la fosse en dancefloor. Les percussions répétitives et la délicieuse boucle de piano de Something Good enveloppent alors délicatement les spectateurs, heureux d'être là, loin du grabuge de la ville, et désormais secs. Retour au dernier album, avec le singulier Philadelphia, gentiment dédié à Lydsten. Après un détour par This Is All Yours (qui aura dix ans l'an prochain !), la fin du set est majoritairement consacrée au premier disque, en continuité de la tournée d'anniversaire de 2022.

Comme un hommage au triangle, symbole d'alt-J, ce sont donc trois morceaux de An Awesome Wave qui suivent et réjouissent tout le monde, avant un rappel tubesque : Hard Drive Gold, Left Hand Free et Breezeblocks. Malgré une légère fatigue vocale du côté du chanteur après quatre mois de tournée, et un petit loupé au cours d'un des tubes (accueilli par des sourires du côté du public comme des musiciens), la prestation du trio a mis tout le monde d'accord. Comment ne pas apprécier un set aussi bien construit et varié, des morceaux les plus calmes au plus explosifs ?

Crédit photos : © Quentin Lafont