Il est de ces moments où l'on se sent témoins de la naissance de véritables phénomènes musicaux. De ceux qui vont très rapidement remplir les salles les plus prestigieuses, se loger sous la Pyramide de Glastonburry et probablement remplir quelques stades dans les années à venir. Nous n'en sommes que plus humbles en nous disant que nous laisserons alors la place à toute une nouvelle génération de rock lovers pour porter aux nues ces futures idoles populaires.
Ce soir se déroule la première des deux prestations d'Inhaler à Paris. Les jeunes dublinois, avec toujours à leur tête Elijah Hewson, ne cessent de gravir à pas de géants les étapes les menant vers la gloire, très fortement portés par une fanbase de plus en plus extensible, album après album, tous pays confondus.
Ayant eu le privilège de découvrir le groupe à ses débuts, cette soirée dans une Cigale pleine à craquer de spectateurs totalement acquis à sa cause nous fait nous remémorer les premiers pas dans des salles bien plus modestes, dont une Maroquinerie alors déjà remplie mais dont seulement les premiers rangs étaient garnis de jeunes énamourés. Pour cette nouvelle soirée, c'est l'intégralité de la fosse et des premiers balcons qui est occupée par une communauté de fans transis d'adoration pour ces talentueux musiciens et dont le dress code se veut coloré, pailleté, avec moults boas à plumes et Stetsons roses ou blancs, filles et garçons à l'unisson lorsqu'il s'agit de hurler à plein poumons les noms de leurs héros avant, pendant et après le concert.
C'est alors que nous décidons sagement de nous poster en haut du pigeonnier de la belle salle du dix-huitième arrondissement et de nous laisser saisir par l'énergie déployée par le public, relégués que nous sommes au fond avec un nombre incommensurable de parents qui attendent que les festivités débutent, un œil bienveillant mais omniprésent sur leur progéniture située un peu plus bas.
C'est ainsi qu'Inhaler se positionnent en 2023 : suite à la sortie de leur second LP Cuts & Bruises, solide album de pop rock aux mélodies entraînantes et aux refrains fédérateurs, Elijah Hewson, Robert Keating, Josh Jenkinson et Ryan McMahon se font aujourd'hui les porte-drapeaux d'un rock que l'on peut qualifier sans aucune mesquinerie de grand public mais qui trouve ses racines dans la culture punk et bruyante des groupes irlandais, ce qui ne saurait être autre au vu de l'ascendance plus que prestigieuse d'Elijah.
L'ambiance est au maximum dès l'entrée dans la salle, l'attente se fera en mode karaoké au son de Billie Eilish, Katy Perry ou Prince, on sent alors que cette première date complète est très fortement attendue. La pression monte mais toujours dans un climat bienveillant et enfantin, ce qui n'est pas désagréable après la jolie petite série de concerts très sympathiquement rentre-dedans à laquelle à assisté votre chroniqueuse depuis ce début octobre. Alors que nous tentons de nous replonger très rapidement dans les derniers singles de la formation, les lumières s'éteignent et c'est sous une tornade de cris suraigus que le groupe arrive sur scène. En mode hurlements Beatles-esque, le public nous laisse à peine percevoir Elijah Hewson saluer la salle et l'on constate alors que les musiciens ne se laissent pas désarçonner par ce tsunami, enchaînant les titres très concentrés, peu loquaces mais avec tout de même des sourires rayonnants tout du long.
C'est justement ce détail que l'on apprécie chez Inhaler et surtout chez Elijah Hewson qui porte à bout de bras son groupe, cumulant il est vrai tous les éléments pour faire de l'ombre aux autres membres. Look de rock star un peu vintage, petite gueule d'ange, voix très fluide et plume romantique, il est alors difficile de ne pas uniquement se focaliser sur ce dernier, malgré les jeux extrêmement carrés de Josh Jenkinson et Robert Keating qui ne déméritent pas. Mais le cœur a ses raisons que la raison ignore, bien qu'ici pas vraiment car un tel combo ne peut que s'imposer de lui-même. Avec seulement deux albums, le choix de la setlist n'est pas difficile et on apprécie la cadence qui va crescendo. On préfère retenir les titres les plus dynamiques comme Who's Your Money On? (Plastic House), Dublin In Ecstasy, So Far So Good et le très punchy When It Breaks au détriment des morceaux un peu trop sucrés comme Valentine, If You're Gonna Break My Heart et autre Totally.
On se met néanmoins tous d'accord sur les tubes These Are The Days, It Won't Always Be Like This et Love Will Get You There avant le rappel qui fait dépasser la limite autorisée en décibels (du fait des cris de la fosse, non du volume des amplis) avec en toute fin de set My Honest Face, morceau phare du groupe à ce niveau de carrière.
Un concert d'Inhaler qui a tenu ses promesses : une série ininterrompue de titres très dynamiques, interprétés avec beaucoup d'enthousiasme et de sincérité malgré l'ampleur que prend le groupe et face à des fans de plus en plus frénétiques. Cela ne nous empêche pas d'apprécier leur très grand professionnalisme et nous partageons ainsi leur goût d'une pop rock sans fioritures tout en espérant qu'à ce stade encore précoce Inhaler décident pour la suite de s'aventurer sur des chemins un peu moins balisés. Papa approuverait fortement, à n'en pas douter.