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Dream Wife
Pillow Queens

Paris, Trabendo - 6 novembre 2023

Live-report par Adonis Didier

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Journaliste média et influences, nous étions vendredi dernier au ARTE Concert Festival, et nous ouvrons ce lundi une nouvelle édition du Pitchfork Music Festival Paris au Trabendo pour une soirée internationale de pop et de rock plutôt chargée.


Une soirée qui commence tôt, puisqu'on retrouve les new-yorkais de Been Stellar dès 19h30, un horaire pas commode en début de semaine pour de la pop-rock de type pop-rock, jouée fort et pleine d'émotions, de ruptures, et de sentiments adolescents que le monde va s'écrouler parce que Coraline de Première SVT vous a mis un râteau en cours de sport. Cinq jeunes américains balançant musicalement entre les Strokes et The Verve, pour un résultat sympathique que l'on verrait plutôt comme un ami, mais qui auront eu le mérite de tout donner dans un Trabendo désert à l'arrière-salle bâchée pour cacher tant bien que mal que la moitié des places étaient encore en vente. On retiendra cependant Ohm, dont la personnalité plus planante et progressive se détache nettement des chansons trop stéréotypées du quintet, une bonne note finale pour un vin encore trop jeune et manquant de caractère. Une date qui n'est sans doute que partie remise, puisqu'on voit bien le groupe passer d'ici un an au Supersonic un samedi soir bruineux et imbibé, afin de pouvoir goûter du vieillissement de la liqueur.

Et puis il y en a d'autres qui n'ont pas besoin de vieillir, de maturer, de s'affiner, ou d'une quelconque mise en cave, et je vais, pour mon bien et pour le vôtre, arrêter toute métaphore sur la nourriture pour maintenant vous parler des divines irlandaises de Pillow Queens. Des dublinoises intégrant tradition catholique et appartenance queer-LGBT dans un indie rock pas venu seul, puisque quelques (très) jeunes et moins jeunes compatriotes ont fait le déplacement pour remplir une fosse que l'on qualifiera d'agréable et aérée, restons positifs. Une foule éparse mais fanatique, qui hurle et connaît toutes les paroles par cœur, car le niveau de pop-rock vient de monter d'un cran dès les premiers couplets de Be By Your Side, extrait introductif de leur dernier album Leave The Light On sorti l'année dernière. Une lumière allumée par la résonance des chœurs électriques des reines des coussins, ouvrant les portes du Trabendo sur les verts pâturages de la pluvieuse Irlande, accueillant les pèlerins égarés et emplis de frissons dans leur abri de pierre grise nimbé des reflets de la brume des landes.
Une musique montée comme une chapelle, bâtie sur de solides fondations d'indie rock, avec une chorale de chanteuses composée de Sarah, Pamela, Cathy, et Rachel en guise de toit, et des vitraux colorant l'air de toutes les subtiles nuances que tradition et modernité savent inventer ensemble. Les airs sombres et menaçants des intros de Holy Show et du nouveau single Suffer, les lumières rouges, et un havre de paix qui se tisse des passages successifs des mélodies, les guitares s'étirent, les voix se fondent et se confondent, et le public reprend en chœur les sublimes HowDoILook, No Good Woman, et Rats pour une expérience 360 degrés immersive du plus bel effet. Le sermon inclusif à se sentir mieux dans sa peau et dans sa vie prend fin sur Liffey, débutée a capella par tous les originaires d'Irlande présents ce soir, shoegaze de marin prenant dans ses voiles le vent salé de la Muir Éireann pour remonter jusqu'au fleuve Liffey. "Un jour tu auras ma tête sur un plateau d'argent" entend-on, mais les Pillow Queens ont déjà notre cœur sur un plateau d'or, et ce alors que la soirée est encore loin d'être finie.


Ainsi, à peine le temps de redescendre de nos envolées lyriques que voici venir sur scène les quatre épouses de rêve au teint pâle, communément connues sous le nom de Dream Wife : Rakel Mjöll au chant, Alice Go à la guitare et à la production, Bella Podpadec à la basse, et Alex Paveley en support batterie, qui ferait sans doute lui aussi une épouse de rêve. Nous sommes en 2023, laissez les gens être ce qu'ils veulent ! Un concert qui n'en fera lui aussi qu'à sa tête, et Social Lubrication, éponyme de l'inégal mais plutôt très bon album sorti en juin dernier, lance la dynamique toute aussi bordélique que joyeuse de l'heure qui va suivre. Rachel chante les paroles qu'elle veut, dans le rythme qui lui sied, de sa voix aigue et nasillarde qui ne plaira sans doute pas à tout le monde, mais qui ne saurait se confondre avec qui que ce soit d'autre dans une Hey Heartbreaker envoyée en seconde lame, énorme tube du groupe avec effet micro-onde sur une fosse spacieuse mais encore une fois pleinement dévouée aux fantastiques showwomen se déhanchant sur l'estrade.
Un micro-onde devenu four nucléaire à partir de la bien nommée Hot (Don't Date A Musician), Alice enlève le haut et dévoile des croix scotchées sur les tétons, donnant quelques idées à quelques jeunes personnes dans la salle, attention donc à où l'on met les mains dans le pogo ! Car oui, pogo il y eut et pogo il y aura, un pogo où l'on apprécie de ne pas craindre pour sa vie qui voit les habituels métalleux de cent-vingt kilos être échangés contre des jeunes indéfinis de soixante kilos, pour le plus grand bonheur de l'inclusivité et de mes vertèbres. Orbit rajoute du fun et du disco à un concert placé sous le signe de la joie et du vivre ensemble, Rachel appelle toutes les bad bitches à se presser vers la scène avant de déclarer : « Est-ce que vous vous sentez en sécurité ? Est-ce que vous prenez soin les uns des autres ? Venez devant, et puis être un.e bad bitch ça n'a rien à voir avec le genre, on s'en ballec' de ça ! ».

Un concert qui partira définitivement en sucette sur la bombinette I Want You, si ce n'est pour le break hypnotique et lancinant de Honestly, déjà une des meilleures chansons de l'album, et une respiration rêvée d'un live qui repart déjà dans le tourbillon de sourires et de cris en enchaînant Curious, Who Do You Wanna Be?, et la reprise All The Things She Said du provocateur et commercial « girl band » russe t.a.T.u. Une chanson parlant de lesbiennes chantée par des jeunes filles russes sélectionnées sur casting au style marketé de A à Z : vous en faites ce que vous voulez niveau interprétation, Dream Wife préfèrent se concentrer sur le positif, et nous on en profite pour sauter partout comme ce n'est pas l'espace qui manque ! Même effet pour un drapeau palestinien et des « tout le monde déteste la police » esquivés avec le sourire, car il y a des sujets et des combats suffisamment complexes et vitaux pour ne pas tomber dans la démagogie de foule gratuite (coucou IDLES). Des combats comme celui du rappel Leech, chanson flippante, glauque, à vomir, violente, malsaine, mais tout cela n'est que le quotidien de personnes harcelées et vampirisées, victimisées, alors on regarde les choses en face, et on tabasse en toute empathie. « Ayez juste de la putain d'empathie ! », message d'intérêt général bienvenu avant de partir en vrille une bonne fois pour toutes (Merde à cette putain de censure, hein !) : Alice monte sur les enceintes en façade, Bella descend dans la fosse, et Rachel hurle F.U.U., comprenez Fuck You Up. N'ayant pas de traduction exacte, je me retiendrai de rajouter des insanités à une chronique en comportant déjà beaucoup.

En conclusion, une belle soirée de pop et de rock injustement délaissée par le public parisien, mais au moins on était entre nous et dans la bonne ambiance pour apprécier au mieux le sublime et le lyrisme des Pillow Queens, ainsi que le bouquet final, cette joie de vivre ensemble sensuelle et scandaleuse projetée tous azimuts par les allumées et désinhibées de Dream Wife.
setlist
    PILLOW QUEENS
    Be By Your Side
    Hearts & Minds
    Like A Lesson
    Friend Of Mine
    Holy Show
    HowDoILook
    No Good Woman
    Suffer
    Rats
    Liffey

    DREAM WIFE
    Social Lubrication
    Hey Heartbreaker
    Love You More
    So When You Gonna...
    Hot (Don't Date A Musician)
    Orbit
    Somebody
    I Want You
    Honestly
    Sports!
    Curious
    Who Do You Wanna Be?
    All The Things She Said (t.A.T.u. cover)
    ---
    Leech
    F.U.U.
photos du concert
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