bdrmm et moi, y a comme une histoire d'eau. Découverts en live l'été dernier dans le vent et la poussière du Pointu Festival, ce n'est cette fois pas sur une île mais sur une péniche que l'on retrouve le quatuor shoegaze dream rock, celle du Petit Bain, accompagnée de sa gestion horaire toujours des plus aléatoire. Ouverture des portes à 20h30 plutôt qu'à 20h, problème de lecture des billets DICE si on en croit les infos glanées, et c'est donc depuis la passerelle que l'on entendra les débuts de la première partie Marell, des parisiens qui font plutôt bien du post-rock sur la Seine, comme un goût de Post-In Paris avec trois mois d'avance.
Mais si on est là c'est pour brmm brmm, bedroom ou
bdrmm, appelez les comme vous voulez, et le fait est qu'on n'est pas seul, la date ayant déjà, comme au Point Ephémère quelques mois plus tôt, fait complet depuis un bail. C'est donc entourés d'une foule middle age arborant des t-shirts de Mogwai et de Slowdive que l'on assistera à l'entrée en scène du quatuor le plus hipster de Kingston upon Hull, sur fond du
Teardrop de Massive Attack, rapidement enchaînée par la longue déclinaison progressive de
Alps, premier titre du dernier album
I Don't Know. Une entame de concert qui suivra le tracklisting de l'album à promouvoir :
Be Careful et ses airs Radioheadiens nous transportent déjà dans un autre monde, où la lune serait blonde, suivie par le tabassage auditif intermittent de
It's Just A Bit Of Blood. Vraiment peu de sang en effet, mais une première variation de rythme intéressante, et l'occasion de juger d'un Petit Bain au son parfait, proposant une technologie Dolby 5D exceptionnelle, condition sine qua non d'un concert de bdrmm réussi.

Car si
Gush va nous faire sautiller sur sa dynamique dream pop, sorte de chanson de Royel Otis brouillée dans les fumées violettes, comprenez-bien qu'un concert de bdrmm ce n'est pas spécialement une fête, ni une fosse endiablée, ni un concours de qui mettra le plus de taquets dans la gueule de son voisin. Non, un concert de bdrmm c'est plutôt une expérience auditive digne des plus grandes heures du shoegaze scénique, une occasion de fermer les yeux et de se laisser bercer par les remous du fleuve sous nos pieds, quand les vapeurs colorées s'engouffrent dans les voies respiratoires, et que du flou surgit le net, que des fumerolles turquoise se tisse la toile d'un
Hidden Cinema projetant le film d'une vie, produit et réalisé par notre subconscient. Une fin électro comme une vibration atomique, une seconde vitesse passe dans le single
Standard Tuning, une troisième vitesse dans
Is That What You Wanted To Hear? et son riff hypnotisant, son ambiance lourde, grande baleine tourbillonnant dans l'épaisseur des fonds marins, valsant là où dansent les ombres du monde.

Le parfait moment pour qu'un Jean-Louis bien inspiré s'exclame dans le fond du public qu'on se croirait à Roland-Garros, vu l'ambiance. Avec un tel sens de l'à propos, on imagine bien que si le gars a déjà foutu les pieds à Roland-Garros, il s'en est sans doute fait virer, alors qu'on nous laisse vivre tranquille sous l'océan, car tu sais c'est bien mieux, et tout le monde est heureux, sous l'océan. Alors on remet le scaphandre et les bouteilles pour l'envolée sonore de
If..., le calme planant de
Forget The Credits, les sensuels mouvements d'avant en arrière de
Push/Pull, et le superbe tube
Happy, dans la mesure où une chanson de shoegaze peut être considérée comme un tube. Le groupe vit dans les éclats de lumière, les éclats de voix, de guitare réverbérée, ombres mouvantes dépassant par intermittence du nuage blanc éclatant qui emplit la scène, rare occasion d'apercevoir pour un instant les mèches blondes peroxydées surmontées d'un bonnet du guitariste Joe Vickers. L'occasion aussi, pour le chanteur Ryan Smith, d'annoncer que ce soir est le dernier soir de leur tournée européenne dédiée à
I Don't Know, nonobstant une date à la Route du Rock deux jours plus tard. Quand on vous dit que le Bretagne n'est pas en Europe, même les bretons du nord sont d'accord !
Encore un remerciement pour Ruby au stand merchandising, et c'est parti pour une explosion de batterie sur
(Un)happy, suivie d'une explosion de basses et de papillons dans le ventre pour le final
Port, porté par les claps du public et l'entrain d'un groupe livrant ses dernières forces dans la bataille. Enfin, un entrain d'un groupe de shoegaze, donc comprenez que les mecs ont arrêté de regarder leurs chaussures et se sont avancés d'un mètre vers la fosse, ce qui est peut-être un détail pour vous, mais pour moi ça veut dire beaucoup. Un beau coup, comme ce que viennent de réaliser bdrmm lors de leur nouveau passage à Paris : une belle heure et quart de voyage musical transfigurant le Petit Bain en Nautilus, dévoilant dans la jaune lueur de ses phares les constellations qui tapissent la plaine abyssale de leur musique.
bdrmm et moi, une histoire d'eau que l'on espère longue et heureuse, avec dans la tête de se retrouver dans le port de Brighton, au soleil, sous la pluie, à midi ou à minuit, trop occupés à se perdre dans le grand bleu de nos yeux pour voir le temps qui file, qui file, qui file à l'anglaise.