logo SOV

bdrmm

Interview publiée par Emmanuel Stranadica le 29 juin 2023

Bookmark and Share
Forts de l'incroyable Bedroom paru en 2020, bdrmm nous reviennent trois ans plus tard avec leur second album, I Don't Know., loin d'être une copie conforme de leur premier effort. Ryan Smith, chanteur et guitariste, et Joe Vickers, guitariste, se sont livrés à nous sur ce nouveau disque. Ils nous ont notamment parlé de Rock Action Records, de l'enregistrement de leur nouveau disque et de Vic and Bob. Retour sur cette rencontre.

Après Bedroom, vous avez sorti Port, cet EP qui fut pour moi le premier signe de l'évolution de votre musique, dans le sens où celle-ci est devenue davantage électronique. Puis Three est sorti en single et il était également plus électronique. Il y a vraiment une évolution depuis votre premier album. Aviez-vous commencé à travailler sur ce deuxième album avant ces deux singles ?

Ryan Smith : Je pense que certains morceaux existent depuis un moment. Par exemple A Final Movement a dû être composé juste après le premier album, mais elle s'est transformée en quelque chose de complètement différent en raison de ce que nous avons écouté et de ce qui nous influence aujourd'hui. Nous avons longtemps travaillé à l'écriture du disque. Nous sommes allés jusqu'au point où nous étions enfin satisfaits de toutes ces chansons, où nous nous sentions à l'aise avec celles-ci, où nous en avions suffisamment qui allaient bien ensemble et nous les avons réunies sur cet album.
Joe Vickers : Au début, elles avaient une structure vraiment différente dans l'écriture et au fur et à mesure elles ont évolué. Nous avons commencé à les enregistrer après la pandémie du COVID-19. Finalement, il s'est écoulé environ deux ans entre l'enregistrement de ces chansons et celui de l'album.

Vous étiez signés sur Sonic Cathedral. C'était votre label jusqu'à la sortie de Three. Depuis vous avez rejoint Rock Action Records, le label de Mogwai. Pourquoi ce changement ?

Joe Vickers : Sonic Cathedral, c'était génial ! Je suis convaincu qu'aucun d'entre nous ne voulait nécessairement abandonner Sonic Cathedral, car Nat Cramp est une bénédiction absolue. Ce fut vraiment une énorme décision de le quitter. Le passage à Rock Action Records est survenu à l'occasion de la tournée avec Mogwai. Nous nous sommes très bien entendus et tout s'est fait vraiment naturellement.
Ryan Smith : Oui, je pense que « naturellement » est la meilleure façon de décrire comment les choses se sont passées. Je suppose que c'est quelque chose qui survient régulièrement dans le monde de la musique. Il faut parfois prendre des décisions, certaines plus inconfortables que d'autres. Il est vraiment difficile de partir lorsque tu construis des relations aussi étroites avec les gens mais, parfois, tu as l'impression que quelque chose doit se passer, aussi pourquoi lutter contre ce qui doit arriver ?

Vous avez sorti Three en single en vinyle très limité, comme vous l'aviez fait pour Port avant de le décliner en EP avec les remixes au format CD et vinyle. Cependant vous ne l'avez pas fait pour Three. Était-ce quelque chose que vous ne pouviez pas faire ou que vous ne vouliez pas faire ? Ces deux singles ne figurent pas sur l'album car vous considérez qu'ils ne font pas partie de l'album, ou peut-être, était-ce une question de droits car ils sont sortis sur Sonic Cathedral et l'album lui est sur Rock Action Records ?

Joe Vickers : Quelques années sont passées entre l'enregistrement de Three et celui de l'album. Je ne pense pas que l'un d'entre nous ait nécessairement considéré que ce titre faisait partie de notre avancée musicale, en tant que telle. Mais je ne crois pas que nous ayons jamais envisagé de ne pas le faire figurer sur l'album en raison de droits d'auteur.
Ryan Smith : Oui, je pense que Port devait sortir à part. Peut-être était-ce comme le vrai début de ce que serait notre second album ? Pour Three, en effet, nous n'avions pas encore l'ambition de sortir un nouveau disque, puis l'étincelle s'est produite. Nous nous sommes dit : « Merde, on va peut-être bien sortir un nouveau disque ». Tout s'est donc fait tout seul, et il n'y a pas de véritable raison pour son absence sur le deuxième album. Je pense juste que cela ne rentrait pas dans le même package.

L'album démarre avec Alps. Une ouverture qui sonne un peu comme Orbital ou quelque chose dans le genre. C'est très surprenant. J'ai eu du mal à dire si c'était bien bdrmm que j'écoutais quand je l'ai découverte alors que, bien entendu, c'est bien de vous dont il s'agit. C'est un morceau assez désorientant. Vous l'avez volontairement choisi comme ouverture ?

Joe Vickers : C'est vrai qu'il est différent de ce que nous avions fait jusque là. Nous l'avons volontairement positionnée en début d'album. Port et Three furent un peu une forme d'introduction au fait que nous n'étions plus juste un simple groupe à guitares. Nous avons écouté tellement d'artistes différents... Nous sommes vraiment fiers de ce morceau. Nous nous sommes demandés pendant un certain temps si nous ne devions pas le sortir en premier single juste pour avoir un peu d'impact, montrer que nous repoussions nos limites et que nous faisions maintenant des choses différentes. C'est drôle que tu mentionnes Orbital, parce que c'est un groupe que j'aime beaucoup. Ils viennent d'ailleurs de sortir un nouvel album en début d'année.

Sortir Alps en single aurait été vraiment très osé...

Joe Vickers : Oui, c'est vrai, car il a le côté le plus extrême de l'album. Cela aurait peut-être été un peu un faux pas en tant que single, je ne sais pas. Les singles sont toujours difficiles à choisir.

J'ai remarqué que tous les morceaux de l'album durent quatre minutes au minimum, plus que sur l'album précédent donc. Est-ce dû à la progression musicale de votre musique, ou souhaitiez-vous vraiment avoir plus d'espace, plus de temps pour exprimer vos chansons ?

Ryan Smith : Je pense que pour cet album, nous étions beaucoup plus confiants pour essayer des choses nouvelles. Sur le premier album on n'était pas assez bons. J'aime Bedroom, c'est un bon disque mais on n'étions pas aussi bons qu'on ne l'est aujourd'hui. Je pense que nous avons pris la liberté d'essayer différentes choses et de les faire durer plus longtemps que sur notre premier disque. Je pense aussi que nous ne voulions pas de faire quelque chose qui convienne aux radios. Ce fut très agréable de ne pas devoir nous conformer à cela.
Joe Vickers : Oui, je pense qu'en termes de durée des morceaux, je me souviens qu'Alex Greaves, qui a produit I Don't Know, ne voulait pas dépasser les quarante minutes, car sinon je pense que nous aurions pu mettre deux ou trois morceaux supplémentaires, mais nous tenions à ce que le disque ne soit pas trop long.

It's Just A Bit Of Blood est plus proche de ce qu'on trouve dans votre premier album, mais la fin de la chanson est assez inattendue, avec ce redémarrage alors qu'on aurait plutôt imaginé que le fade aurait continué jusqu'à la fin. Tu as parlé de confiance tout à l'heure. Est-ce si vous aviez écrit cette chanson auparavant, la fin aurait été différente ?

Ryan Smith : En effet, la chanson colle davantage avec notre premier album que les autres morceaux. Le premier album est très influencé par The Jesus And Mary Chain mais ce redémarrage, c'est surtout pour la beauté de la chose. C'est venu comme ça, lorsque nous l'avons enregistré et nous avons aimé ça.
Joe Vickers : Cette chanson a toujours bien fonctionné en live, mais l'assembler en studio a été un peu difficile. Je pense que c'est probablement en raison de sa longueur. Ce que je veux dire, c'est qu'il y a environ deux minutes de coupées sur la plupart des morceaux que nous avons terminés car Alex Greaves nous demandait de rendre les choses un peu plus courtes. Ça aurait pu être un album qui dure deux heures au bout du compte (Rires).

Avez-vous changé votre manière de travailler ensemble pour l'enregistrement de cet album par rapport au précédent, ou pas tant que ça ?

Ryan Smith : Nous avons en quelque sorte changé notre façon d'aborder l'album. Ce n'était pas du genre : on pose la batterie, puis la basse, puis les guitares, mais plutôt travaillons le son du synthé et ensuite construisons par-dessus. Il y a eu beaucoup d'arrêts et de redémarrages sur les différents morceaux. Hidden Cinema, qui est probablement l'un de mes préférés sur l'album, a été difficile à interpréter parce que nous n'arrêtions pas de changer des choses dans le studio et que nous ne savions pas vraiment comment l'aborder. Il a donc failli ne pas figurer sur I Don't Know mais c'est au cours de la dernière semaine d'enregistrement que nous nous sommes posés et avons réussi à la terminer.
Joe Vickers : Je pense que cette nouvelle manière de travailler a en quelque sorte commencé avec Port. Je me souviens que c'était le disque pour lequel nous cherchions une base pour travailler à partir d'éléments déjà créés plutôt qu'ajouter des éléments, comme Ryan l'a mentionné, à commencer par la batterie, puis la basse et ainsi de suite. Je pense que lorsque nous avons commencé à travailler des choses un peu plus électroniques et synthétiques, nous avons changé notre façon notre méthode de travail.

Où avez-vous trouvé la ligne de basse de Be Careful? Avez-vous été influencé par une chanson ? Je ne parle pas spécialement du son, mais de la ligne en elle-même...

Ryan Smith : C'est possible. Cette chanson a été écrite il y a tellement longtemps... J'étais au fond d'un hangar et je l'écrivais à moitié coupé du monde. Encore une fois, c'étaient juste des bouts de morceau, comme ça. Les histoires musicales naissent et arrivent parfois simplement. Je pense que c'est le cas pour cette chanson. Je ne veux pas mentir et inventer quelque chose de vraiment prétentieux pour sonner mieux, mais parfois c'est simplement une idée qui vient à l'esprit et tout part de là. Je sais que j'étais moi-même dans une situation de changement. C'est donc probablement un monologue interne qui en est ressorti.

We Fall Apart sonne un peu plus psychédélique. Ça me rappelle un peu le groupe TOY, même dans la façon de chanter et la musique. Êtes-vous d'accord avec cela ?

Ryan Smith : Je suis d'accord. Je n'ai pas écouté TOY depuis un bon moment, mais je les aime bien. Et je suppose qu'il y a certains éléments assez krautrock. Donc je suis donc tout à fait d'accord avec la comparaison. Nous écoutions beaucoup TOY à l'époque.

Advertisement One me semble être un moment clé de l'album, comme une séparation entre la première moitié et la seconde moitié du disque. Ce n'est pas simplement un instrumental, c'est vraiment quelque chose de plus, comme si vous distinguiez tous les différents styles musicaux figurant dans la première partie. D'autant que la seconde est plus homogène, avec les trois morceaux qui suivent ce titre...

Joe Vickers : Advertissement One s'intègre naturellement. Elle ouvre la seconde moitié de l'album et comme Alps elle est située à l'endroit où elle doit figurer pour commencer chaque face de l'album. C'est un peu comme un marque-page de chaque côté. Jordan, qui n'est pas là pour en discuter, en connaît les tenants et les aboutissants. Mais la majorité de la composition a été écrite par lui au cours d'une tournée. Je me souviens qu'il l'a jouée backstage en Allemagne, en Italie. C'était vraiment incroyable ! Ensuite, en studio, il a travaillé à partir de sa démo. C'était juste magnifique.
Ryan Smith : Je me souviens du moment où elle a été enregistrée. Après l'avoir vu l'interpréter au piano, je n'arrivais pas à croire que Jordan faisait partie du groupe, tellement c'était intense. C'est un immense souvenir.

Peut-on la relier à Final Movement? Même s'ils sont différents, ces deux morceaux sont remplis de mélancolie. Comment avez-vous fait pour avoir quelque chose d'aussi émouvant ?

Ryan Smith :En fait, il s'agit d'un morceau qui existe depuis longtemps. Il s'appelait autrefois Drug. Nous avions l'habitude de terminer notre set en tournée avec. Au début c'était une sorte de démo lente, comme une influence, un peu comme Duster. J'ai juste voulu écrire exactement ce que je ressentais et surtout ne pas connaître de l'anxiété à propos de ce que compose et me retrouver rapidement à court d'idées. Avec ces paroles, je me sentais tellement à l'aise pour dire les choses que je les ai laissées telles quelles. Ce fut assez cathartique.

Pourquoi avez-vous appelé l'album I Don't Know? Est-ce parce que personne ne sait à quoi correspond le dernier m de bdrmm ?

Joe Vickers : (Rires) Cela provient d'un vieux sketch britannique de Vic and Bob. Ils jouent des agents immobiliers qui passent leur temps à dire « I don't know » d'une voix vraiment stupide.
Ryan Smith : Ça sonnait tellement bien. Je me souviens l'avoir envoyé à la directrice du label et je pense qu'il lui a fallu pas mal de temps pour l'accepter. « I don't know », je trouve ça très drôle.

Allez-vous tourner en France ?

Joe Vickers : Oui. Je pense que nous viendrons jouer en octobre (ndlr : le groupe jouera au Point Ephémère à Paris le 3 novembre).