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IDLES
DITZ

Paris, Zénith - 7 mars 2024

Live-report par Laetitia Mavrel

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En 2024, il y a de fortes probabilités que vous ayez croisé au moins une fois IDLES sur scène. Reconnaissons que la bande à Joe Talbot ne s'est jamais économisée depuis ses débuts en 2017. La claque fut conséquente à l'écoute de Brutalism, brûlot fiévreux où le groupe imposa son style rageux, brut de décoffrage et engagé. Quelques albums plus tard, leur persévérance est récompensée : TANGK nous offre huit ans après une nouvelle mutation, fruit d'une plume qui s'affine et fort de prestigieuses collaborations. On ne se relancera pas dans le débat sur l'album dit « de transition » qui a transformé la salle de réunion de Sound Of Violence en ring de catch, le fait est qu'IDLES s'imposent aujourd'hui comme une formation qui ne fait plus aucun doute sur sa crédibilité et sur sa longévité.

Alors que le tout Versailles envahit le boulevard des Capucines pour Air, le Zénith offre à IDLES son plus grand auditoire jamais eu à Paris, hors festivals. Certains d'entre nous ont émis quelques doutes à l'annonce du concert dans la grande salle de la Villette mais cela n'a pas refroidi les ardeurs des fans, la date affichant complet. À la suite de la prestation privilégiée offerte par France Inter à la Maison de la Radio et de la Musique le mois passé, force est de constater qu'une nouvelle frange de public est venu se joindre aux fans des premiers jours, occupant en majorité les carrés face à la scène. La métamorphose du son IDLES amorcée par les titres parfois lunaires de TANGK placé sous la houlette du mythique Nigel Godrich, ont attiré les faveurs d'auditeurs moins férus de post-punk et il est alors réjouissant de voir ce nouveau mélange des genres parmi les présents.


Pour débuter les hostilités, nous retrouvons DITZ, découverts sur la scène de Petit Bain il y a un an tout juste. Le post-punk brumeux du groupe de Brighton mené par le charismatique Francis Callum dégage d'ordinaire sur scène une énergie primaire et assez hypnotique. Leur leader jouant lui aussi sur l'identité de genre, ce soir vêtu d'une petite blouse sombre, l'univers de DITZ se veut prenant s'il réussit à capter toute l'attention du public. Or, le cadre plutôt austère du Zénith et la délicate position de première partie ne permettent pas l'adhésion attendue. Les titres interprétés resteront assez linéaires et le lightshow plutôt inexistant fera peser quelques lourdeurs sur l'ambiance. Mais le groupe nous prouvera avec les deux derniers titres, Taxi Man et BAAS, qu'il en a sous le coude. Francis Callum invitera à l'issue du set le public à venir le voir dès que DITZ reviendront à Paris, nous laissant deviner qu'eux-mêmes ont hâte de retrouver au plus vite des conditions plus adaptées à leur répertoire exigeant.


Une petite demi-heure d'entracte durant laquelle les derniers mètres carrés de la fosse se remplissent, les gradins étant déjà occupés par les plus allergiques au pogo qui, on le sait avec IDLES, peut vous déclencher quelques troubles musculo-squelettiques. A 21h pétantes les lumières s'éteignent, la fosse s'anime avec les premiers jets de pintes et c'est sous les échos atmosphériques de IDEA 01 que le groupe pénètre sur scène. Ce soir, Mark Bowen nous régalera d'une tenue vaporeuse rouge pétard et IDLES seront accompagné par un saxophoniste sur une bonne partie des morceaux. Pas une minute de perdue et l'enchaînement sera sévère jusqu'à la première petite apothéose Mother, qui reste à ce jour un des morceaux les plus emblématiques du groupe. Et comme à l'accoutumée avec IDLES, pas de pause ni de ventre mou dans le concert. Après une brève introduction en français dans le texte par Joseph Talbot lui-même, ce dernier réclame la scission de la fosse et s'en suit le premier crowd surfing de Lee Kiernan ainsi que la minute où tous les spectateurs s'accroupissent afin de bondir en cœur sur I'm Scum, faisant dès ce moment s'embraser totalement la fosse. Ça n'est plus quelques jets mais bien des averses de pintes qui pleuvent, plusieurs circle pits se formant et s'entrechoquant joyeusement, répandant au sol portables et autres éclats de sourires un peu brisés suite aux chocs.


Cette soirée est placée sous le signe de la générosité. D'une part s'agissant de la setlist, pas moins de vingt-quatre titres et deux heures de show montre en main, sans une pause pipi. D'autre part, Joe aura à cœur de s'adresser à la foule à plusieurs reprises, évoquant le décès de sa mère qui a profondément marqué son écriture, son statut d'ancien alcoolique, exhortant à la compassion et à la bienveillance tout en entrecoupant les titres d'appels à la libération de la Palestine. C'est bien un groupe toujours fermement ancré sur ses positions humanistes qui tient alors dans le creux de sa main toute la salle, l'intégralité des gradins se tenant debout, incluant le sacro-saint carré VIP. Le moment est alors bien choisi pour remettre une couche de TANGK avec POP POP POP, Roy et Grace, qui marquent véritablement la mue des anglais vers quelque chose de nouveau mais tout aussi excitant.
Avec un choix de setlist équilibrée entre les albums, IDLES nous livrent un set intense de bout en bout. Cependant, et malgré un sans-fautes sur le choix des titres, les deux heures non-stop sont un véritable marathon où le rythme est difficilement tenable, même pour les plus aguerris. Les dernières vingt minutes du concert vont tout de même voir les gradins trembler, la salle alors plongée dans un halo rouge opaque où nous assistons aux derniers faits d'arme d'un Mark Bowen en feu, qui verra sa jolie tenue débitée en morceaux à la suite d'un crowd surfing où la foule à bout de bras lui permettra de se dresser tel un jésus marchant sur l'océan de ses fidèles. Un dernier tour de piste pour Joe Talbot qui laissera ses musiciens seuls sur scène à la fin d'un Rotweiller d'anthologie, donnant l'occasion à Mark de justifier les appels du groupe à libérer la Palestine, les anglais refusant tout acte d'oppression et rappelant que tout le monde est le bienvenu à ses concerts.


Au final, l'exclusivité du rappel obtenu à la Maison de la Radio et de la Musique ne se reproduira pas. Après deux heures d'un concert puissant et profondément éreintant, le public ressort comblé, le Roi a bien été conspué et IDLES prouvent à ceux qui en doutaient encore qu'ils font partie des poids lourds de la scène rock britannique, clouant le bec aux pessimistes qui considèrent ce style désuet en 2024, preuve en est leur présence dans de nombreux festivals cet été histoire de n'oublier aucun de leurs fans dans l'Hexagone.
setlist
    DITZ
    Hehe
    Teeth
    Ded Würst
    Space / Smile
    Señor Siniestro
    Taxi Man
    BAAS

    IDLES
    IDEA 01
    Colossus
    Gift Horse
    Mr. Motivator
    Mother
    Car Crash
    I'm Scum
    1049 Gotho
    The Wheel
    The Beachland Ballroom
    Gratitude
    Divide And Conquer
    POP POP POP
    Television
    Roy
    Samaritans
    Grace
    Hall & Oates
    Crawl!
    When The Lights Come On
    Never Fight A Man With A Perm
    Dancer
    Danny Nedelko
    Rottweiler
photos du concert
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