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IST IST
October Drift

Paris, Point Éphémère - 12 mars 2024

Live-report par Franck Narquin

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Cette scène se déroule à Paris, 18ème arrondissement, le mardi 12 mars 2024 aux alentours de 18h30. Confortablement installé devant mon ordinateur, je viens de finaliser ma chronique du nouvel album de Vegyn et m'apprête à entamer celle du dernier Mount Kimbie, histoire de patienter jusqu'au coup d'envoi des matchs de Champions League. Un petit mardi soir tranquille s'annonce en perspective dont le seul dilemme est de choisir entre les rencontres Barcelone - Naples et Arsenal - Porto. Je prends mon GSM pour demander aux copains d'acheter un bon tonic afin de le marier avec le gin Coup d'Etat, dernière création de la distillerie La Conspiration qui va permettre aux plus petites bourses d'enfin pouvoir s'offrir un de leurs sublimes spiritueux d'auteur (sortie publique prévue fin avril). Mais la vie c'est comme une pièce de théâtre avec Maria Pacôme, rien ne se passe comme prévu. Le téléphone bippe, c'est Laetitia Mavrel bébé, la stakhanoviste rock de Sound of Violence, qui me demande, je cite, « Wesh alors, ma race, tranquille ou quoi ? Tu peux te pointer au concert d'IST IST et October Drift en deux secondes trois ? ». Ayant perdu sa voix devant Depeche Mode ainsi que quelques points de vie lors du set dantesque d'IDLES au Zénith puis probablement assisté depuis à deux ou trois autres concerts, rédigé sept chroniques et dérushé sept-cent-vingt-trois photos, elle est sur les rotules et ne se sent pas de faire à la fois office de photographe et de chroniqueuse ce soir. Il faut dire que chez Sound of Violence nous sommes à cheval sur la parité et mettons un point d'honneur à ce que les hommes et les femmes soient payés exactement pareil. Pour compenser, naturellement nous faisons travailler les femmes 30% de plus.


Le temps d'enfiler mon costume de corbeau et de garer ma Batmobile (en vrai, un vélo Lime vert pétard mais le code couleur de la soirée est clairement plus « noir Joy Division » ) et j'arrive comme une fleur à 20h26 dans la salle du guilleret quartier de Stalingrad, à 20h29 j'ai ma pinte en main, à 20h30 October Drift lancent un premier hurlement de guitare. Timing parfait. Tant pis pour le foot, mais comme le disait, à peu près, George Best, « j'ai dépensé tout mon argent en concert et en bière, le reste je l'ai juste dilapidé ». Le groupe ne laisse aucun temps d'adaptation et débute son concert pied au plancher avec Lost Without You. Les premiers albums d'October Drift n'avaient pas totalement convaincu les chroniqueurs de Sound of Violence (et moi je ne les avais pas écoutés, mais ne le dis à personne, ça reste entre toi et moi) pourtant leur prestation en première partie d'Archive avait lancé la rumeur que le quatuor venu du Somerset (comme une certaine Polly Jean H.) parvenait à se surpasser sur scène, transformant leurs compositions de power pop sympatoches en véritable brûlots incendiaires. Pour une fois la rumeur disait vrai. En tout juste trente minutes sans la moindre pause ni baisse de régime, le batteur en fond de court et les trois autres membres collés au filet, au plus près du public, October Drift ont délivré un set d'une intensité digne de Carlos Alcaraz et aussi épique qu'un duel McEnroe-Connors.
Alors qu'on s'attendait à voir un groupe de pop pataud, on assistera à une prestation survoltée dans le plus pur style des formation noise 90´s, solos de guitare dissonants à la Dinosaur Jr. et acrobaties à la Zack de la Rocha inclus. Kiran Roy, l'exubérant chanteur-guitariste, nous gratifiera ainsi d'une incursion au milieu de la fosse dès le deuxième titre avant de se lancer dans une séance d'escalade pour interpréter Bleed suspendu à la rambarde de la mezzanine du Point Éphémère. Si la durée du set d'October Drift reste celle d'une première partie, leur prestation égale sans problème celle d'une vraie tête d'affiche. Un nouvel album est attendu pour septembre prochain, on verra alors si le groupe parvient enfin à restituer en studio la contagieuse rage qui l'anime sur scène.


Après cette belle entrée en matière, nous avons droit à un petit quart d'heure de temps libre. On en profite pour changer de salle et passer au bar principal dont les propositions en matière de boissons pétillantes alcoolisées s'avèrent bien plus excitantes que celles de la salle de concert. On aurait bien également goûté un petit burger de la Kazii Family, qui occupe en ce moment la cuisine tournante du lieu, mais déjà les mancuniens de IST IST prennent place sur scène. Tant pis pour la bouffe, mais comme le disait George Best « I spent a lot of money on booze, birds and fast cars. The rest I just squandered ». Citation hors-sujet ? Que nenni l'ami car la soirée sera placée sous l'égide des légendes de Manchester ; et celui que la presse appelait le cinquième Beatles, bien qu'étant nord-irlandais et évoluant à United, est au football romantique ce que Joy Division est au rock torturé, une référence indépassable. Maradona good, Pelé better, George Best (ndlr de Sound of Violence : Stop ! / ndlr de L'Equipe : Encore !).
Prévu à l'origine à l'International (la salle, pas l'emplacement géographique), fermé pour une durée indéterminée suite à des problèmes de structure (c'est la lutte finale), le concert n'affiche pas complet malgré cette alléchante double affiche. Mais à toute chose malheur est bon et nous pouvons ainsi nous faufiler sans trop de peine jusqu'au premier rang pour rejoindre Laetitia Mavrel qui, malgré un état de santé proche de celui de Pierre Arditi, mitraille sans relâche. Si, au Supersonic, on a souvent l'impression de faire office de dinosaures à côté des kids rentrés grâce à des cartes d'identités bidouillées (avis aux parents qui nous lisent, TOUS les adolescents parisiens de quinze à dix-sept ans en ont une), on se sent ce soir comme de véritables petits jeunots. On a rarement vu un premier rang affichant une moyenne d'âge aussi élevée (cinquantenaires et plus, en restant poli). Tu lances un pogo, t'es sûr que CNews lance une alerte attentat dans la foulée vu le nombre de victimes. IST IST ont beau s'être formés en 2014, ils jouent la musique que le public écoutait lorsqu'il avait vingt-ans en 1978.


IST IST ne s'en cachent pas, comment pourraient-ils le faire, ils aiment, ils adorent Joy Division et n'ont pas peur d'en assumer l'influence fusse-t-elle, telle que précité, une référence indépassable. C'est d'ailleurs là que réside tout le charme et peut-être aussi la limite du groupe. Leur post-punk noir, tendu et à couteaux tirés, ne manque pas de panache mais peine à se défaire dans sa version studio de l'ombre tutélaire mais trop écrasante de Joy Division. Pour autant, même sur scène, le groupe de cherche pas une minute à se défaire des codes aussi intemporels que rebattus du gang de Ian Curtis. Tenue noire, mine sévère et jeu de scène minimaliste, on ne décèle aucune faute de goût mais leur criant manque de charisme et de prise de risque les empêche de dépasser leur statut de bons élèves appliqués. Laetitia, dont Jeanne Calment aurait pu dire à l'heure qu'il est « ben dis-donc, elle va pas bien la petite vieille là », me glissera « euh quand même le bassiste est assez stylé ». Etant habillé exactement comme le bassiste, je ne peux qu'acquiescer puis esquisser un clin d'œil complice en lui glissant un petit « oui, ma gâtéée » (ndlr de Sound of Violence : Stop ! / ndlr d'OKLM Radio : Encore !).

Jouant pendant près d'une heure trente et interprétant vingt titres, on ne peut pas reprocher à IST IST de ne pas être généreux, en revanche on pourra trouver leur set bien trop long, plutôt inégal et pas assez incarné. Il faut dire que la fougue brûlante et l'aisance à s'approprier le public d'October Drift desservent quelque peu IST IST dont la posture froide et légèrement janséniste peine à allumer le feu au sein d'un public qui n'est pas venu pour perdre une hanche dans un moshpit. Avec un set plus resserré et une réelle volonté d'affirmer leur identité et de se détacher de leurs prestigieux modèles, on sent que le groupe pourrait livrer une prestation de très haut niveau. Car si parfois on s'ennuie ferme avec la désagréable sensation d'entendre trois fois de suite le même titre, quand la mayonnaise prend, elle prend fort, en mode aïoli de la mère Jacqueline de Nice. Que ce soit avec Lost My Shadow, porté par une basse enivrante à la Hooky, avec la pop noire d'Emily et You're Mine, ou bien encore avec les guitares stridentes de Slowly We Escape, IST IST arrivent par moments à nous faire vibrer et voler en éclat toutes nos réserves.

Sur le carnet de notes de fin de concert on notera l'appréciation suivante : IST IST, élèves studieux et appliqués qui gagneraient à moins bien apprendre leurs leçons et plus fanfaronner en cours de récréation.
setlist
    OCTOBER DRIFT
    Lost Without You
    Losing My Touch
    Intro
    On the Silence
    Waltzer
    Bleed
    Airborne Panic Attack
    Forever Whatever

    IST IST
    Wolves
    Stamp You Out
    Lost My Shadow
    The Kiss
    Night's Arm
    Fat Cats Drown In Milk
    Mary In The Black And White Room
    Something Has To Give
    Nothing More Nothing Less
    The Waves
    Fool's Paradise
    Répercussions
    I Can't Wait For You
    Heads On Spikes
    Watching You Watching Me
    Black
    Trapdoors
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    Emily
    You're Mine
    Slowly We Escape
photos du concert
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