La confusion règne en cette fin de semaine chez votre chroniqueuse. Entre le changement d'heure qui lui joue des tours, le printemps qui lui-même semble se chercher, un concert d'Echo And The Bunnymen trop fantasmé dont le résultat lui laisse encore quelques traces de larmes séchées sur les joues... Il n'en fallait pas plus à son égarement qu'un agenda non ajusté avec le staff du groupe s'étonnant de notre présence dès midi pétantes pour une interview prévue avec nos amis, que nous retrouvons fidèlement à chacun de leurs déplacements en France (et quelques extras pour nous et notre iconique baluchon).
Fort heureusement, les étoiles s'alignent et c'est sous une timide éclaircie et avec l'arrivée d'un Sam Shjipstone toujours très souriant que la journée spéciale Yard Act à Paris débute. Nous vous laissons déguster
l'entretien très riche avec la seule et unique moustache swag du moment (désolée de contredire mon collègue et son héros Omar Sharif) pour nous concentrer sur le retour sur scène de Yard Act à Paris, à la suite de leurs deux performances de 2022 au Trabendo et à Rock en Seine. C'est dans le cadre de la tournée
Where's My Utopia?, album décidément passionnant tant pas son contenu que par les réactions qu'il suscite, que le groupe de Leeds, dorénavant accompagné sur scène de deux choristes-danseuses-comédiennes, se produit au Cabaret Sauvage complet à quelques heures du concert. Nous étions restés en 2022 sur une impression de rendez-vous raté avec le public parisien du fait d'un Trabendo à moitié plein et d'une ouverture de scène de la Cascade le jeudi à Rock en Seine sous un cagnard à faire fuir même les plus lézardeux d'entre nous. Nous sommes ainsi ravis d'apprendre que les fans et autres curieux ont enfin synchronisé leurs montres (oui oui, comme Parker Lewis) pour tous se retrouver unis sous le chapiteau de la Villette.
Mais avant cela, tel un amuse-bouche aussi minuscule que succulent, nous assistons en fin d'après-midi avec une vingtaine de spectateurs à une « répétition » privée du groupe. Le concert de ce soir étant sponsorisé par une plateforme de streaming made in France (et sur laquelle vous pouvez dès à présent, comme sur sa concurrente suédoise, retrouver notre excellente dernière playlist
Sound Of April, Yard Act inclus) qui a permis à une poignée de gagnants de pénétrer dans le Cabaret Sauvage vers 17h30, offrant de nombreux goodies à son effigie et un joli bracelet VIP pour assister à un mini concert de chauffe. James Smith, en bon entertainer, accueille les privilégiés, s'assurant avec humour mais aussi un peu d'angoisse qu'ils seront bien là ce soir, nous avouant qu'il redoutait que Yard Act en France n'attirent guère de monde. Ainsi rassurés, James et le groupe jouent quatre morceaux dont deux choisis par les présents incluant
Dark Days, votre chroniqueuse ayant décidément la gagne avec son titre préféré. S'en suit une séance assez burlesque de « meet and greet », avec photos devant le rideau à l'image du sponsor, dédicaces de marchandises dont le stand a été ouvert à cette occasion et enregistrement de jingles par James sous le regard très amusé de ses camarades, bien heureux de le laisser se dépatouiller seul sous les injonctions un brin militaires de l'attachée de communication de la plateforme.

Suite à ce moment cocasse, l'ouverture des portes a lieu et le reste du public pénètre sous le chapiteau. Ce dernier mettra un peu de temps avant de se remplir mais permettra néanmoins à la première partie assurée par
Murkage Dave de se dérouler devant une salle honorablement remplie. Nous retrouvons ainsi pour la seconde fois l'auteur-compositeur anglais que nous avions rapidement aperçu sur scène au concert de Cardiff. Murkage Dave, ou David Lewis dans le civil, vit à Londres et est déjà à l'origine de trois albums
Murkage Dave Changed My Life en 2018,
We Need To Look After Us en 2019 et
The City Needs A Heroe en 2022. Membre d'un collectif réunissant DJs, musiciens, photographes et autres réalisateurs, ce dernier s'est fait connaître au travers de collaborations avec The Streets et plus récemment Young Fathers dont il a assuré quelques premières parties. Seul sur scène, accompagné de sa boîte à samples en forme de radio vintage, le style se veut un doux mix alliant RnB et soul légère, saupoudré de quelques touches de pop dite urbaine aux textes qui évoquent les difficultés tant politiques que sociales en Angleterre. Certain se demanderont alors le lien avec le répertoire de Yard Act et c'est ainsi que l'on reconnaîtra celles et ceux qui n'ont pas écouté attentivement le nouveau disque et qui sont restés scotchés sur l'étiquette post-punk qu'on leur avait alors trop rapidement attribué.
Murkage Dave nous explique être très reconnaissant envers les membres du groupe de l'avoir accepté parmi eux pour cette tournée, celui-ci les ayant littéralement contactés via Instagram et tentant ainsi sa chance pour les accompagner. Le set d'une petite demi-heure est agréable à suivre, Dave se présentant comme un hôte très avenant, évoquant sont véritable amour pour Paris où il y a composé une bonne partie des titres joués ce soir. Son style de "poète urbain" un peu charmeur mais très convaincant remporte alors les suffrages du public. Assurant les shows européens, les lecteurs bordelais, lyonnais et bruxellois auront également tout loisir de le découvrir.

Entre temps, la masse de spectateurs s'est fortement compactée et c'est dans la moiteur dû à un public littéralement collé à la scène que le concert débute. Nous retrouvons le logo orange sur fond noir du second disque en fond de scène, les néons au nom de l'album, le dress code noir et orange découvert au
Pays de Galles, et bien évidement un James Smith remonté comme une pile malgré la fatigue accumulée après avoir sillonné tout le Royaume-Uni le mois précédent.
Comme évoqué ci-dessus, et à l'écoute des hésitations ressenties parmi quelques amis et collaborateurs pourtant fans du premier disque, nous craignions un nouveau rendez-vous manqué. C'est tout l'inverse qui est arrivé tant l'énergie déployée ce soir en particulier par James accompagné de Daisy et Lauren les choristes, et toujours épaulé par le tonitruant jeu de guitare de Sam, irradie la salle jusqu'au fond du bar. Pas de nouveautés s'agissant de la mise en scène mais ici un redoublement d'efforts de la part d'un James Smith venu en conquérant, afin de se réapproprier le public parisien et de démontrer que
Where's My Utopia? et le changement de cap assumé par le groupe valent le détour.
Ainsi, passant des meilleurs morceaux de
The Overload tels
Dead Horse,
Land Of The Blind,
PayDay et le tubissime titre éponyme aux nouveautés définitivement jouées à la sauce rock sur scène telles
Petroleum,
Fizzy Fish,
We Make Hits,
Dream Job et
A Vinyard To The North, ces dernières prennent une toute autre tournure. Le jeu de scène des deux jeunes femmes venant se chamailler avec James jusqu'à le piétiner, le fesser à coup de tambourin ou littéralement s'asseoir sur son dos nous paraît toujours un peu exagéré mais fait plus que mouche sur le public, démultipliant l'excitation à l'écoute des morceaux hyper dynamiques car largement amplifiés, le tout rendant complètement hystérique un James qui occupe toute la scène, le plus souvent au nez du premier rang, toujours en mode harangueur de foule et ne s'économisant pas une seule seconde.

La seule petite pause accordée intervient en milieu de set avec la sortie de la mini roue de la fortune contenant les faces B et autres morceaux du premier EP qu'un spectateur fait tourner. Et ici, ça n'est plus de la chance pour votre chroniqueuse mais littéralement du karma car
Dark Days est à nouveau tiré au sort. La dernière ligne droite du concert continue de voir la température monter, les mouvements de foule se faisant de plus en plus virulents, les spectateurs les plus éloignés dansant tout leur saoul et la buée sur les lunettes de James l'obligeant à nonchalamment descendre ses binocles sur la pointe de son nez. Sam quant à lui continue d'assurer seul la guitare avec la puissance de deux hommes, Jay trône au milieu de la scène et ne dément pas sa qualité de batteur survolté tandis que Ryan reste toujours la caution discrétion du groupe tout en amplifiant également son jeu de basse, décidément de plus en plus sexy. Le final sur
The Trench Coat Museum voit Murkage Dave se joindre à la troupe et la chanson étirée sur de longues minutes avec une fin entre chorégraphie à la
Thriller et déferlante de samples littéralement bidouillés main par James. Le concert se clôture avec un groupe le sourire aux lèvres, profondément touché de l'accueil réservé ce soir par le public parisien définitivement reconquis. De nombreux remerciements, de tendres déclarations d'amour à la capitale et une promesse de revenir rapidement parmi nous mettent fin au concert qui en seulement une petite heure et quart nous a paru le double tant le résultat a dépassé toutes nos espérances.
Ce concert parisien de Yard Act nouvelle mouture a sans hésitation réconcilié avec le groupe les plus récalcitrants au second disque. James Smith et sa bande ont à nouveau su nous prouver que leur formule « 100% Endurance » a définitivement payé aujourd'hui.