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Yard Act

Cardiff, Y Plas Cardiff Students' Union - 24 mars 2024

Live-report par Laetitia Mavrel

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Le nouvel album de Yard Act, Where's My Utopia?, sorti le 1er mars continue de cliver : alors que mon collègue qui a porté haut et fort dès les premiers singles le groupe de Leeds trouve plus qu'intéressant ce revirement, mon disquaire favori n'a pas hésité à le qualifier – je cite – de nul, n'étant alors guère peiné d'avoir été oublié par son fournisseur pour mettre en rayon le vinyle incriminé (nous ne lui en voulons pas et attendons patiemment la mise en bacs, n'étant pas revancharde pour un sou. Tiens, j'en entends qui contestent dans la salle de rédaction...).

Ayant pour notre part trouvé audacieuse cette nouvelle direction orientée vers les références hip-hop et électro des quatre anglais, l'inquiétude nous gagnait quant au rendu en live. Yard Act allaient-ils transformer les salles de concerts où il se produisent en succursales du Rex Club ou, pire, en cages d'escalier de la banlieue sud ? Le groupe débutant sa tournée française début avril, votre chroniqueuse n'a pu se résigner à attendre et c'est donc toujours armée de son fidèle baluchon qu'elle s'embarque pour la merveilleuse ville de Cardiff au Pays de Galles afin de pourvoir tester pour Sound Of Violence ce Dream Job Tour 2024 à la sauce britannique.


Le rendez-vous est fixé au sein de l'université de Cardiff à la Students' Union, la tradition pour les facultés britanniques et leurs organisations estudiantines d'accueillir des groupes souvent sur leurs premières tournées étant respectée (on pense avec émotion aux premiers concerts des Smiths dans ce type de lieux tout en souhaitant à Yard Act une fin moins tragique). Initialement prévu dans le grand hall, c'est finalement dans la Y Plas, ou « place en Y », ici le forum de la fac qui offre une capacité maximale de 1000 personnes que le concert est transféré. Un choix raisonnable malgré le fait que Yard Act aient de concert en concert gagné en spectateurs et se soient produits quelques jours plus tôt dans les O2 Apollo de Manchester et de Bristol avant d'atterrir prochainement à la prestigieuse Eventim Apollo de Londres. Nous profitons alors égoïstement de cette petite rétrogradation pour retrouver le groupe dans un espace à taille humaine, presque amateur dans sa logistique car doté d'une estrade montée dans un espace vide, sans arrière-scène pour ranger le matériel, prenant un petit air de salle des fêtes municipale qui nous séduit grandement.

Nous annoncions le renouveau de Yard Act dans notre chronique, cela se voit suivi d'effet sur scène. Avec en fond un grand drap noir orné du logo orange du groupe, un dress code tout en orange lui aussi, enterrant définitivement le look à la Columbo, James Smith et sa bande ont, en plus d'avoir déjà enrichi leur formule il y a un an environ d'un claviériste, convié sur scènes deux choristes actrices des vidéo clips du dernier album qui se muent sur scène en danseuses. La présence des deux jeunes femmes n'apporte que peu s'agissant du chant, les chœurs féminins (hormis sur le titre en duo avec Kathy J Pearson, When The Laughter Stops) n'étant pas spécialement marqués mais leur dynamisme donne un tout autre cachet au spectacle. James Smith, que l'on retrouve comme toujours excité comme une puce, bravant la scène de long en large micro à la main toujours à haranguer la foule, est entouré de deux partenaires de jeu, donnant sur les nouveaux titres comme un petit côté théâtre de boulevard où le chanteur se fait bien malmener par ces demoiselles.


Quid alors des nouveaux morceaux en live ? Les aficionados du premier album peuvent être rassurés, le pogo dans la fosse prévaut toujours grâce au jeu hyper puissant de Sam Shjipstone, envoûté par sa propre guitare et la moustache toujours aussi rutilante. Également, on retrouve le yang de ce ying en la personne de Ryan Needham excentré sur la droite, ne franchissant pas les limites de quelques centimètres dessinées autour de son pied de microphone, toujours aussi stoïque mais dont la basse profonde continue de nous envoûter à notre tour. Reconnaissons cependant que malgré l'affirmation de la sonorité rock, des morceaux tels Fizzy Fish, We Make Hits ou Down By The Stream qui sur le disque trouvent tout leur intérêt dans les nombreuses volutes synthétiques qui y sont accolées, peinent à sortir du lot de la setlist. Et pourtant, James Smith et ses coéquipières mettent toutes leurs forces à nous communiquer leur folie furieuse. Un peu poussif à certain moment, on préfère alors retomber sur nos pieds lors des morceaux devenus des classiques du répertoire de Yard Act comme Land Of The Blind, Witness (Can I Get A ?) , le génialissime Dark Days et ce qui est probablement l'hymne des anglais aujourd'hui, The Overload.

Ce que l'on doit surtout reconnaitre, c'est l'extrême générosité et authenticité de James Smith et ses partenaires. Jamais avare en paroles (certes plus facilement au Royaume-Uni), le show connait un petit interlude avec l'arrivée sur scène d'une roue de la fortune miniature comportant quelques titres du groupe que deux spectateurs font tourner pour ainsi déterminer la suite. Énorme coup de chance pour votre chroniqueuse, Dark Days est tiré au sort et sera suivi de Human Sacrifice. Ces airs de show télé enflamment encore plus les spectateurs, la fosse se transformant alors en un petit océan déchaîné et ce jusqu'aux dernières secondes. James quant à lui ne cessera de remercier Cardiff de les avoir toujours si chaleureusement accueillis ces trois dernières années et le concert se termine sur The Trench Coat Museum, single qui, il y a un an, a marqué la mue du groupe. Ce dernier est rejoint sur scène par les américains de Gustaf, jeune formation new-yorkaise débauchée lors de leur dernier passage aux États-Unis en tant que support et Murkage Dave, auteur-compositeur anglais ayant préalablement fait les premières parties de Young Fathers, pour une chorégraphie à la Thriller digne des flashmobs les plus courus sur internet.

Tout cela en à peine une heure et dix minutes, un concert de Yard Act se vivant telle une échappée de peloton lors du Tour de France. Le Dream Job Tour continue en Europe tout le mois d'avril pour se poursuivre aux États-Unis, au Canada et à Mexico. L'adage qui veut que l'on batte le fer tant qu'il est chaud est toujours appliqué à la lettre par James, Ryan, Sam et Jay, infatigables globe-trotters aux Doc Martens bien ancrées dans une réalité pas si facile pour les groupes de rock indé anglais en 2024. Cette première prestation du Yard Act nouveau millésime à laquelle nous assistons fut une réussite et le cap de la mutation amorcée par Where's My Utopia? s'annonce des plus convaincants. Rendez-vous dans une quinzaine de jours à Paris au Cabaret Sauvage pour la confirmation de ce ressenti et l'occasion pour James de se remettre dans la poche mon disquaire favori.
setlist
    An Illusion
    Dead Horse
    When The Laughter Stops
    Land Of The Blind
    Witness (Can I Get A?)
    Fizzy Fish
    We Make Hits
    Dark Days
    Human Sacrifice
    Petroleum
    Down By The Stream
    Dream Job
    Payday
    The Overload
    A Vineyard From The North
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    100% Endurance
    The Trench Coat Museum
photos du concert
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