logo SOV

Yard Act

Interview publiée par Laetitia Mavrel le 14 septembre 2022

Bookmark and Share
En cette première journée du festival Rock en Seine, nous rencontrons quelques heures avant leur concert d'ouverture sur la scène de la Cascade Ryan Needham et Sam Shjipstone, respectivement bassiste et guitariste à moustache de Yard Act qui, après quelques jours de repos, reviennent pour continuer leur tournée marathon entamée depuis l'été 2021. Nous les retrouvons après un premier entretien découverte en novembre dernier lors d'une soirée Avant-Garde du Pitchfork Music Festival avec quelques miles en plus au compteur mais toujours aussi accueillants et bavards.

J'ai un peu travaillé avant de vous retrouver et en cherchant sur internet, je découvre que vous cumulez sur le site Setlist.fm (ndlr : site collaboratif qui recense les setlists des concerts) quinze pages et quelque chose comme 130 concerts depuis l'été 2021... A quoi est lié ce rythme effréné ? Les fans de plus en plus demandeurs ou vous ayant définitivement lâché vos emplois respectifs depuis cette époque ?

Sam : Je pense que c'est tout simplement le cycle logique des choses : tu enregistres un album, tu donnes des concerts et tu rentres écrire un autre disque. C'est notre boulot à plein temps maintenant, et les gens veulent de nous donc on ferait mieux d'accepter !
Ryan : Tout à fait. Nous n'étions pas aussi sollicités au début, et il y a cette alchimie entre nous et le public qui ne cesse de s'accroître. Nous aurions pu faire moins, mais nous avions aussi la trouille que ça ne dure pas. Aujourd'hui, nous sommes plus assurés d'avoir trouvé notre public, nous pouvons souffler un peu.

En novembre dernier, vous m'aviez confié qu'au début des concerts de Yard Act à l'été 2021, vous n'aviez eu que peu de temps pour vous préparer à jouer ensemble. Depuis cette année de concerts intensifs, vous avez enfin trouvé la bonne formule sur scène, où est-ce que vous vous surprenez encore en live entre vous ?

Sam : Oui, pour moi c'est carré. James (ndlr : James Smith, le chanteur) est celui qui est le plus imprévisible sur scène, qu'est-ce qu'il nous a inventé ces derniers temps ? Ah oui, il s'étale sur scène, il disparaît d'un coup, des choses du genre... Personnellement je joue les mêmes partitions, donc j'aime que ce soit bien clair et précis. Il y a deux approches à cela : on pense que les choses sont plus intéressantes si elles sont improvisées, mais moi je crois que si on veut séduire et convaincre le public, il faut avoir pratiqué sérieusement avant pour maitriser son jeu.
Ryan : Moi aussi je joue le même set tous les soirs, et j'aime le maîtriser de bout en bout, sans surprises. Tout l'inverse de James ! (rires)

J'avoue avoir eu quelques frayeurs à la vue de votre imposante tournée qui ne cesse de se rallonger, en plus de votre pause forcée (ndlr : le groupe a annulé quelques dates en Scandinavie pour des raisons logistiques mais aussi de fatigue au début du mois d'août). Pour un groupe de rock indé comme le vôtre, et du fait qu'il y ait tant de choix, notamment sur Spotify avec ses milliers de nouveautés chaque jour, pensez-vous que cette intensité est primordiale lorsque l'on veut s'imposer, surtout lors de son premier disque ?

Sam : C'est tout à fait ce que je pense. Il faut saisir les opportunités sans hésiter : regarde Glastonbury, où nous devions jouer quatre jours consécutifs, c'est de l'or en barre cette proposition... Certains groupes estiment pouvoir s'en passer, mais nous, nous sommes un pur groupe de live, c'est comme ça que nous captons notre public.
Ryan : C'est le live qui définit notre musique. Tu dois décupler les efforts au début, surtout quand tu n'as pas beaucoup les moyens, et que tu dois en plus vivre en vendant ton propre merchandising et gérer tout ça. Heureusement aujourd'hui nous n'avons plus à le faire, mais ça nous a drôlement appris et consolidé en tant que groupe.
Sam : Je me demande... Dans les années 90, il était logique d'avoir des tournées à rallonge. Regarde Radiohead, ils ont tourné deux ans pour OK Computer, ça ne choquait personne...
Ryan : Et les groupes américains aussi. En même temps ils deviennent plus gros plus rapidement ! Plus ils tournent, plus ils amassent des fans. Ils ne peuvent pas faire autrement. Ils ne s'arrêtent jamais, comme nous ! (rires)

Mais à force de tourner sur un même album aussi longtemps, n'y a-t-il pas un risque pour vous de sentir que vous tournez un peu en rond...

Sam : Ah là, ça peut concerner particulièrement James. C'est un emmerdeur, il peut nous causer des soucis s'il s'ennuie et fait la même chose trop longtemps, et en même temps nous avons été obligés de faire une pause, nous n'avons pas prévu ça mais c'était trop...
Ryan : Et c'était aussi lié aux histoires de transports, aux aéroports... Nous avions des temps de transits impossible à gérer.

A ce propos, en tant que britanniques, au vu des énormes difficultés qu'entrainent le post-Brexit et ses mesures administratives démesurées qui empêchent les artistes de jouer en Europe, est-ce que vous avez été à certains moments impactés par cela, entravés dans vos déplacements ?

Sam : Pas vraiment, nous n'avons pas eu d'empêchements mais ces démarches sont devenues très difficiles et contraignantes. Il y a des heures et des heures de paperasses à remplir, ça prend deux jours entiers à notre tour manager pour remplir les formulaires pour voyager avec notre matériel.
Ryan : Nous sommes bien entourés et pris en charge, et nous ne voyageons plus dans les vans, mais je sais que plein d'autres groupes ont encore plus de difficultés car ils ont moins de moyens.

Nous sommes à Rock en Seine, qui est l'un des plus gros festivals français aujourd'hui. Quel est votre meilleur souvenir en festival ? En tant que festivalier et aussi en tant que musicien sur scène ?

Sam : C'est dur, j'en ai fait tellement ! Et j'ai commencé très jeune. Peut être au début des années 2000, David Bowie.
Ryan : J'ai commencé au milieu des années 90, quand j'avais quinze ans, avec des groupes comme Oasis à Leeds et Reading.
Sam : Moi ce que j'aime en festival, en tant que musicien, c'est être très bien accueilli ! (rires) L'hospitalité en festival en Europe, on n'a pas ça en Angleterre. Ni un public avec tant de jeunes, ils sont tellement à fond...
Ryan : La France est géniale comme pays où jouer en festival. Vous avez un des meilleurs public, vraiment. Mais le festival qui accueille le mieux toute catégorie confondue est Coachella, avec un buffet international et des palmiers. Qu'est-ce qu'on peut demander de plus ?