Bonjour les enfants, je me présente, je m'appelle Monsieur Sound Of Violence. Je suis votre nouveau professeur de rock anglais en remplacement de Monsieur Praisse-Muzykal, parti en congés maladie à durée indéterminée suite à un sévère burn out. Nous commençons par une sortie de classe au Hasard Ludique pour assister à la performance d'un jeune groupe de Leeds dénommé English Teacher que mon cousin George Abitbol considère comme le groupe le plus classe du monde. Si comme beaucoup vous n'avez pas pu obtenir de billets pour cette soirée, nous allons tenter de vous restituer ci-après la leçon donnée par cette sympathique bande de « common people » devenus en l'espace de quelques mois l'un des plus excitants groupe du Royaume-Uni. Si le concert affiche complet depuis belle lurette, la faute peut incomber au Mercury Prize (ndlr : meilleur album britannique ou irlandais sorti au cours des douze derniers mois) décerné à leur premier album
This Could Be Texas voire à un petit encart dans Télérama mais certainement pas aux Inrockuptibles dont on ne trouve l'album cité qu'une seule fois parmi les dix-huit Top 10 individuels des meilleurs albums du premier semestre 2024 de leurs rédacteurs, contre huit citations pour le dernier disque de Billie Eilish. Nous vous avions prévenus en début d'article, le burn out est si sévère qu'ils ne parviennent même plus à reconnaitre un grand album de pop moderne.
Nous aimons tellement English Teacher chez Sound of Violence qu'on en oublie presque qu'on rate la mythique Kim Gordon qui se produit à l'Élysée Montmartre à seulement quelques centaines de mètres. Sur les coups de vingt-heure, une longue queue piétine impatiemment devant l'entrée de la salle qui tarde à ouvrir. Petit contre-temps technique, la groupe jouant en première partie n'est toujours pas arrivé, bloqué sur l'autoroute A1, la faute à une courroie de transmission défectueuse (ndlr : Les Inrocks ne sont cette fois pour rien dans cette histoire). Pourtant trente minutes plus tard, les belges The Bernadette Maries entament à l'heure prévu leur set. Malgré une balance expéditive, le son demeure excellent tout comme leur musique mêlant post-punk, indie et shoegaze. Quelque part entre Rowland S. Howard et Fontaines D.C., le quatuor de Bruxelles composé de Daria, Charly, David et Guy séduit sans mal une salle déjà pleine à craquer. On notera leur petit clin d'œil au Brat Summer, le nom du groupe étant projeté sur le fond de la scène dans la même typographie que celle de la pochette de
Brat de Charli XCX.
Oublions Bruxelles et Paris, et partons pour Leeds, Texas car English Teacher font leur entrée sur scène. Lewis Whiting (guitare), Douglas Frost (batterie), Nicholas Eden (basse) et Lily Fontaine (chant, divers instruments, voix d'ange, prestance scénique hors pair et charisme ravageur) sont accompagnés pour cette première date de leur tournée européenne par une violoniste qui s'occupera également sur certains titres des claviers. Dès les premières notes de
R&B (ndlr : la chanson, pas le genre musical), le public est embarqué. On se remémore ce concert de février au Point Éphémère où le groupe jouait en première partie de SPRINTS, nous offrant au passage une double affiche destinée à devenir mythique, et on note immédiatement la fulgurante progression du groupe dans sa maîtrise de la scène. Encore un peu timides et dans la retenue à l'époque, les lancastriens font preuve d'une assurance et d'une maitrise de leur art impressionnantes. English Teacher n'ont qu'un EP et un album à leur catalogue pourtant ils nous donnent l'impression d'enchaîner tube sur tube, tous livrés dans des versions subtilement arrangées et revisitées. Nous aurons même droit à un nouveau titre avec
Billboards qui annonce que le groupe est loin d'avoir démontré l'étendu de tous ses talents sur le premier disque.
I'm Not Crying, You're Crying alterne entre mélancolie et sarcasme grinçant, un jeu émotionnel dans lequel le groupe excelle tandis qu'on a du mal à retenir notre petite larme devant le somptueux
You Blister My Paint. Entre professionnalisme et désinvolture, les anglais nous mitraillent avec douceur leurs morceaux parfaitement rodés et désormais taillés pour la scène. S'il fallait élire le grand moment de la soirée, on voterait incontestablement pour l'enchaînement de
Nearly Daffodils et
The World's Biggest Paving Slab, deux classiques instantanés repris en chœur par le public, comme si ces chansons étaient dans nos vies depuis des années.
Sur scène,
Nearly Daffodils devient presque un hymne, une sorte de catharsis collective où le groupe et la foule ne font plus qu'un. Et sur
The World's Biggest Paving Slab, le groupe atteint une intensité rare, avec un son qui fait vibrer jusqu'aux murs du Hasard Ludique. Pas besoin de décor, pas besoin de mise en scène sophistiquée – ici, tout est dans la musique.
English Teacher concluent leur set de quatorze titres avec
Albert Road et ne reviendront pas sur scène, tout simplement car les groupes cool ne font pas de rappel et que de toute façon ils n'ont pas beaucoup d'autres titres en stock. Pas d'artifice, pas de fausse modestie, juste un adieu rapide, comme pour nous laisser sur un dernier accord brut et une démonstration sans appel. Grand groupe et petite salle, une équation idéale dont English Teacher nous ont encore une fois fait la démonstration en livrant un concert presque parfait prenant la forme d'une leçon de rock élégant et de pop fiévreuse.