Sans prévenir, mais à l'heure, la musique s'arrête, la lumière s'éteint. Un homme s'avance au centre de la scène, classe dans son costume sombre et son t-shirt No Filter. Il lance une boîte à rythmes et prend sa Telecaster :
Callum Easter commence son set, à la fois timide et déterminé. Le chanteur écossais a quelque chose de fascinant qui capte immédiatement l'attention.
Pour son deuxième morceau, il troque sa guitare pour des maracas. C'est audacieux de se produire seul, simplement soutenu par une boîte à rythmes, mais cela met davantage en valeur sa voix et son flow entraînant, à la fois drôle et dramatique. Cette prise de risque s'avère payante : le public est surpris et captivé. Comme après une blague qui ne s'éternise pas, il reprend sa guitare, mais il n'en joue que deux notes sur la dernière corde, introduisant une distorsion et une ligne de basse minimaliste.
Callum Easter a plus d'un tour dans son sac. Il sort un harmonica, ajoutant une touche folk à ses chansons introspectives sur les états d'âme et les sentiments universels. Toutes ses paroles sont à la première personne, et je capte ici et là des fragments reflétant ses pensées et son aspiration à plus de simplicité : « I want an easy time », « Don't confuse me », « How come my feet don't care », « Where did I go wrong », « I don't want to be a billionaire »...
À défaut de musiciens, de lasers, de danseurs ou d'autres artifices, l'artiste concentre l'attention sur ses chansons, surprenant par leurs orchestrations, bien que minimalistes. Pour le dernier titre, il saisit à nouveau ses maracas et confirme, avec son accent écossais, qu'il n'a plus de guitare derrière laquelle se cacher, mais que c'est cool de chanter avec des maracas. Là-dessus, tout le monde est d'accord. Crooner écossais à la Edwyn Collins ou chanteur lo-fi venu du Nord à la The Fall, Callum Easter possède un style unique et un certain charisme qui méritent le détour.
Après une vingtaine de minutes d'entracte, quand la sono diffuse
Straight To Hell de The Clash, je me dis que ce serait un fabuleux morceau d'ouverture pour
Nadine Shah. Fausse alerte : les Étoiles, désormais presque pleines, devront patienter encore un peu. Deux titres plus tard, une lampe torche éclaire la scène comme un signal, et une musique orientale lente et mélancolique retentit. Cette fois, c'est bien pour annoncer l'anglaise. La scène est baignée de rouge. Nadine, ultra-classe dans sa veste de smoking et son mini-short, adopte des poses théâtrales et confirme de sa voix grave que le monde est en feu. Une lumière blanche projetée du fond de la scène éblouit autant que la prestance de la chanteuse. Après des vocalises orientales, son chant devient plus lyrique, et l'atmosphère est encore plus intense que sur album. Après un
Keeping Score magistral, Nadine esquisse un sourire : elle sait que sa prestation est brillante, et le public applaudit avec ferveur.
Plus rythmé,
Fast Food invite à quelques pas de danse, mais dans un style toujours très théâtral, presque comme un ballet contemporain. L'espace confiné de la scène semble à peine suffisant pour deux guitaristes, une basse, une batterie et deux claviers – dont l'un des guitaristes jouera plus tard. Ne jouant pas d'instrument et libre de ses mouvements, Nadine Shah est tout à son chant et mime presque ses chansons. Charismatique et forte, tout en noir, elle pourrait incarner une rebelle dans Barbie 2 si un tel film voyait le jour.
Alors qu'elle captive son audience, j'en oublie presque les musiciens, pourtant impeccables. La sono est parfaite : chaque instrument est clair, même la basse puissante reste sans saturation. Le bassiste, dans l'ombre, assure la colonne vertébrale des morceaux avec la batterie. Nadine est l'âme et les muscles de cette performance, tandis que les guitares et claviers apportent des touches d'ornement. Que ce soit avec les titres de son superbe quatrième album,
Filthy Underneath, ou avec des morceaux plus anciens, les orchestrations sont superbes.
Communiquant principalement par sa musique, ses sourires ou quelques grimaces, Nadine remercie chaleureusement le public avant
Food For Fuel. Après presque
dix ans d'absence dans la capitale, elle est agréablement surprise par l'affluence ce soir. Que l'atmosphère soit lugubre, comme sur
Stealing Cars, avec juste sa voix posée sur une nappe de synthé, ou plus rythmée, comme sur
Twenty Things, où tout le groupe semble s'envoler, chaque chanson dégage une puissance dramatique et mélancolique. Avant
French Exit, Nadine explique, non sans humour, que ce titre n'a rien à voir avec nous : c'est l'art de partir sans se faire remarquer (ndlr : filer à l'anglaise en français).
Le set se termine avec un duo de guitares inspiré sur
Fool, qui s'achève trop vite, suivi du torrent d'énergie de
Out Of The Way, une chanson punk accompagnée de lumières stroboscopiques. Le groupe revient rapidement pour
Holiday Destination et une version bondissante de
Trad. Enfin, Nadine Shah présente ses formidables musiciens avant de conclure avec
Greatest Dancer, l'un des morceaux les plus marquants de son dernier album. Espérons qu'elle ne mettra pas dix ans à revenir nous voir.