Nous retrouvons les fastes du Casino de Paris pour la seconde fois cette semaine, et pour cette nouvelle soirée, c'est une affiche doublement appétissante qui nous est offerte. Nous pourrons ainsi valider deux points importants : le statut de nouveau chouchous de la rédaction de
Westside Cowboy et la mue parfaitement achevée de
Black Country, New Road.
S'agissant des héros de la soirée, cela fait maintenant deux ans que le groupe fondé à Cambridge a entamé sa métamorphose à la suite du départ d'Isaac Wood. Il n'a jamais été question de remplacer le jeune guitariste, mais bien de se repenser complètement, le Black Country, New Road avec Isaac étant une entité propre et inaltérable. Dès lors, et assumant totalement cette transition, Tyler Hyde, Lewis Evans, Georgia Ellery, May Kershaw, Charlie Wayne et Luke Mark ont donné naissance à un nouveau Black Country, New Road, faisant fi du passé sans jamais le renier tout en souhaitant ardemment se construire une nouvelle identité.
Un choix très courageux, surtout considérant le succès connu précédemment. Un choix contesté par nombre de fans se sentant éconduits, mais qui leur permet surtout d'élargir leur communauté d'admirateurs. Nous avons donc écouté attentivement
Forever Howlong, premier album de cette nouvelle version de la formation. Un disque qui clive tout autant les auditeurs, le parti-pris des jeunes anglais de favoriser un cadre orchestral plutôt qu'une simple structure de groupe rock, avec un chanteur ou chanteuse/guitariste en avant, et ses camarades musiciens en retrait, est un sacré coup de poker. Aujourd'hui, Black Country, New Road, assument donc une véritable théâtralité, basée sur leur formation respective de musiciens de conservatoire, et surtout, l'esprit de troupe qui les guide a permis une totale équité dans l'attribution des rôles. Cette non mise en avant de l'un ou de l'autre est voulu, et cela contribue à leur cohésion.

En attendant, nous découvrons sur scène un des lauréats de la dernière session de la Block Party 2025,
Westside Cowboys. Derrière ce patronyme aux senteurs de saloon et de santiags usées, se cache un quatuor mancunien formé de Reuben Haycocks, James Bradbury, Aoife Anson O'Connell et Paddy Murphy. Fort de son premier EP
This Better Be Something Great paru en plein mois d'août, c'est donc seulement avec une dizaine de singles en tout que le groupe a raflé le premier prix du Glastonbury Emerging Talent Competition, trouvant écho dans la presse britannique grand public tel The Guardian. Ce que nous retenons surtout c'est qu'il a signé son premier EP chez les excellent Nice Swan Records, label officiel des talents en devenir.
Westside Comboy n'ont pas attendu qu'on les catalogue dans tel ou tel style, ils ont carrément fondé le leur : voici le « Britainicana », aux antipodes du schéma post-punk actuel. Les influences américaines aux guitares expressives et aux chants féminin / masculin en chœurs sont légion, et il y flotte une très délicieuse odeur de rock lo-fi à la Pavement, la source de leur inspiration provenant en grande partie de l'époque bénie des années 90.
Sur scène, les musiciens offrent le maximum, qu'ils soient engoncés dans un mini placard comme lors de leur prestation épique aux Disquaires en clôture de la Block Party ou à l'aise sur la grande scène d'un des plus beaux théâtres parisiens. Pas impressionné pour un sou, le groupe va nous présenter peu ou prou l'intégralité de son répertoire, soit neuf morceaux dont un inédit qui n'a lui-même pas encore de titre. On tombe ainsi instantanément sous le charme de l'énergie dont ils font preuve et nous sommes également bluffés par la solidité des compositions. Le coup de cœur de la rédactrice de ces lignes allant vers Paddy Murphy aux fûts, petit clone tant dans son visage que dans sa posture et son jeu explosif d'un des batteurs les plus iconiques qui soit, qui plus est mancunien, Stephen Morris. Une ressemblance saisissante et une performance hautement saluée par le public, celui-ci probablement déjà familier avec ces cowboys à l'anglaise. Preuve en est le stand merchandising qui ne désemplira pas à la toute fin de la soirée.
Le moment est venu de retrouver
Black Country, New Road à qui le cadre très classieux du Casino de Paris sied à merveille. Nous l'avons déjà dit, le groupe emprunte de nouveaux sentiers, et comme il nous l'a toujours annoncé, seules sont jouées les compositions post Isaac. C'est un groupe qui a définitivement peaufiné son jeu depuis sa prestation à la Route du Rock cet été, et avant cela, lorsque qu'il a littéralement testé ses nouvelles œuvres en première partie de Nick Cave And The Bad Seeds à l'automne dernier. L'acoustique de la salle étant parfaitement ajustée à leur répertoire, les Anglais nous délivrent une heure et demie d'un set ultra carré, et pour autant remplie d'émotions.
Premier constat, le rajeunissement du public. C'est une belle armada de jeunes, voire très jeunes, spectateurs qui remplit la fosse, aux looks très bohèmes et certains parés de keffiehs, partageant unanimement le soutient à la Palestine de Black Country, New Road. C'est surtout un public très studieux, qui tombe dès les premières notes de
Two Horses, au son de la voix cristalline de Georgia, sous son emprise. C'est enfin un public qui depuis la sortie du disque a retenu les paroles et reprend certains des refrains en chœur.

On retrouve ce qui plaît ou, au contraire, rebute les auditeurs : la grande sobriété du groupe sur scène. C'est un fonctionnement se rapprochant bien plus d'un récital d'orchestre classique que d'un groupe de rock indé dont nous sommes témoins. Chaque entre-deux se fait dans le silence, le temps d'accorder les instruments ou d'en changer, tous les membres étant multi-instrumentistes. Pas de paroles inutiles, mais des remerciements aussi discrets que sincères envers ce public qui les a acceptés tels qu'ils sont maintenant. Le concert déroule les plus belles œuvres de
Forever Howlong, Tyler, Georgia et May se partageant le chant selon les titres, le point d'honneur étant la mini odyssée qu'est
For The Cold Country, exposant le rôle qui s'apparente presque à un chef d'orchestre de May, menant la cadence sur plusieurs morceaux ou communiquant discrètement aux autres d'un simple regard le lancement des titres.
Cela nous renvoie une image presque utopique de la communauté. C'est une très grande générosité qui guide les musiciens, preuve en est le long message de remerciement et d'encouragement adressé à Westside Cowboy par Charlie, évoquant la difficulté d'endosser le rôle de première partie et soulevant sympathiquement le fait que ces derniers devant encore s'entasser dans un van alors qu'eux sont logés dans un tour bus, nous incite à aller faire provision à leur stand merchandising.
Deux morceaux du
Live At Bush Hall interviennent dans la setlist :
Dancers et le majestueux
Turbines/Pigs, deux titres qui vous dressent littéralement les poils sur les bras et qui confirment, pour celles et ceux qui en doutaient encore, que le nouveau répertoire de Black Country, New Road, bien que différent, vaut tout autant les perles alors composées au début de leur carrière. Pas de rappel mais un dernier titre en forme de bouquet final qu'est
Happy Birthday avec Tyler qui remercie sobrement mais avec conviction les présents, rappelant que sans eux, rien ne serait possible puis clôturant la séance sur un « Free Palestine » dont on sent qu'il vient véritablement du cœur.
Avis aux détracteurs du Black Country, New Road version 2025 : la vie est beaucoup plus belle lorsque l'on cesse de ressasser un passé dont on sait qu'il n'est plus d'actualité. Sans jamais le renier, c'est justement en le séparant de leur nouvelle trajectoire que les Anglais le préservent au mieux. Black Country, New Road, avec la virtuosité de leur jeu ainsi que leur amour du collectif, sont devenus tout simplement uniques, et donc très précieux.