2:54

Après que Yuck ait revisité toute la diversité de la pop des années 90 en un album, après que les Horrors se soient débarrassés de leur post-punk noisy-dark pour lui préférer les sons synthétiques qui entamèrent cette décennie musicalement sombre, il fallait bien qu'un groupe anglais se charge de réanimer la grunge-pop féminine qu'avaient à l'époque inauguré Hole et Garbage.

Bien que souvent dénigrée pour la récupération commerciale qu'en a fait MTV et les majors au fil du temps, à son apparition, un vent d'inventivité y soufflait. C'est heureusement jusque dans ces premières heures que les deux sœurs Thurlow ont remonté le temps.
Moins brutal que Hole et plus sombre que Garbage, 2:54 ne se contente pas d'imiter le continent américain et ses formations au son saturé trop souvent décevants. Car, dans l'écriture, on retrouve traces de la vieille tradition anglaise et de toute sa noirceur. De plus, pour couronner cette belle formule, les sœurs Thurlow ont la chance de sortir cet EP chez Fiction Records.

Si l'on est vite immergé dans ce son digne d'un énième album et non d'un premier EP, on peut, malgré tout, peiner à accrocher aux compositions souvent ennuyeuses et parfois fades du duo de londoniennes. Si Scarlet ramène de manière correcte la pop américaine des 90s sur le devant de la scène, Got A Hold, malgré la séduisante noirceur de son écriture, ne transmet que le spleen navrant de sa chanteuse.
Dawn a beau rattraper la chose avec, à sa fin, une tentative d'envolée mélancolique, il ne va pas au bout de sa lancée. C'est bien dommage. Ce titre minimaliste est le premier (et le dernier) des quatre morceaux du disque à nous amener ce que l'on attendait : de l'évasion.
Car de cet ensemble correct, on ne retient pas grand chose. Même malgré une tentative de tube prénommée Scarlet. Une profondeur sonore telle celle des arrangements de cet EP a de quoi nous emporter spirituellement. Mais les deux compositrices n'ont pas réussi à y greffer les accords pénétrants qu'il fallait, ni même un chant émotionnellement contagieux.

Sans doute leur premier album sortira-t-il rapidement, un contrat avec un label renommé l'implique. Seulement, si 2:54 se contentent d'imiter la recette de ce premier EP sur une plus longue durée, les deux belles londoniennes ne récolteront qu'un mépris justifié ; justifié par l'ennui palpable de ses auditeurs qui seront restés trop longtemps dans l'attente d'inventivité et dans l'espoir d'être à un moment ou un autre réveillés par un sursaut d'originalité.