2:54

Comme souvent dans la salle parisienne de la Flèche d'Or, l'éclectisme était de mise en ce vendredi 27 avril lors de la soirée Inrocks Indie Club. Quatre formations ou artistes de tous bords étaient à l'affiche pour tenter de satisfaire les quelques cinq-cent personnes ayant fait le déplacement.



Laura Peinetti, alias Lippie, est ainsi la première à tenter sa chance dès 20h30. Dans l'attente de la sortie prochaine de son premier album, la française va ainsi faire la démonstration du meilleur et du pire durant quarante-cinq minutes. Si sa pop ambiante aux relents de Björk et aux accents soul reste des plus agréables d'un point de vue instrumental, son chant en anglais se révèle rapidement indigeste. L'entrain de la jeune femme ne parvient pas à cacher des limites criantes tant et si bien que sa prestation tourne rapidement au calvaire.



Lorsque vient le tour de Half Moon Run, c'est une salle désormais copieusement remplie que le trio canadien originaire de Montréal tente de convaincre pour son premier concert en France. Devant un batteur discret, deux chanteurs/multi-instrumentistes se relayent aux machines et instruments pour interpréter des compositions oscillant entre pop et rock sur fond de sonorités électroniques, non sans lorgner ponctuellement du coté de Radiohead. Dans un genre très convenu dont les radios FM se délectent souvent, les trois jeunes musiciens tirent ce soir leur épingle du jeu avec une certaine simplicité que le public salue chaleureusement. Contrat rempli.



Victime d'un jeu de chaises musicales, celui que beaucoup attendaient comme la tête d'affiche du soir, à savoir Willy Moon, prend à son tour place sur scène. C'est masqués que lui et ses trois musiciens font leur apparition ce soir avant de se découvrir durant le premier titre joué. Doté d'un égo démesuré et habillé d'un impeccable costume blanc, le néo-zélandais de naissance transforme ce concert en un spectacle à mi-chemin entre le karaoké et le one man show. Lui et ses trois accompagnants multiplient les clichés et poses alors que le flow de sons, funk, rock ou plus dance, déversé par le DJ tourne à la bouillie auditive que seuls les plus alcoolisés semblent en mesure d'apprécier. Même le classique I Put A Spell On You de Screamin' Jay Hawkins n'échappe pas au massacre, conclu au bout de vingt-cinq courtes mais pénibles minutes.



La fin du concert se traduit par un exode massif du public. Il est ainsi près de 23h30 lorsque les sœurs Colette et Hannah Thurlow, alias 2:54, et leurs deux musiciens font leur apparition face à un public ne comptant plus qu'une petite centaine d'âmes à cet instant. A l'image de leur musique, l'ambiance créée à base d'éclairages et d'une abondante fumée se veut froide, sombre et propice à l'envoutement. Alex Robins à la batterie et Joel Porter à la basse font ainsi preuve d'une discrétion certaine alors que tous les yeux semblent rivés vers Colette Thurlow dont la présence surpasse celle de sa soeur dont le talent de guitariste va s'avérer plus évident titre après titre. Si le chant semble pâtir d'un important écho tout au long du concert, la salle se laisse volontairement emporter par des mélodies que ne renieraient pas Warpaint, My Bloody Valentine ou Lush et une approche lo-fi alors que le chant évoque sans conteste celui de Polly Jean Harvey.
Les huit titres joués ce soir sont des plus convaincants, en dépit d'une entame timide avec Cold Front. Lorsque le quatuor choisit d'apporter plus de rythme et de tension à son répertoire, notamment à travers les excellents singles You're Early et Scarlet, il devient alors impossible de ne pas se laisser porter par ces guitares aériennes, voire même d'esquiver quelques déhanchements durant un Sugar propice à la danse.

Propulsées en tête d'affiche contre toute attente, 2:54 ont fait fi de l'heure avancée et du faible public ayant fait le choix d'assister à leur prestation pour nous offrir le meilleur concert de la soirée.