Findlay

Natalie Rose poussait les portes du diner. C'était un 14 février. Dans la vie de Natalie Rose, tous les jours étaient des 14 février. On pouvait compter sur les doigts d'un manchot ceux qui ne la remarquaient pas quand elle entrait dans une pièce. Et si vous ne tombiez pas instantanément amoureux, c'est que vous n'étiez tout simplement pas là. C'était le genre de femme qui mettait le miel dans la lune de miel, le jus dans le jus de fruit. Et alors que l'été touchait presque à sa fin, lors d'un autre et banal 14 février du mois d'août, Natalie Rose Findlay poussait les portes du diner, et sa robe en léger satin rose remontait sous une veste en cuir jusqu'au foulard noué à son cou, et ses bottes de cuir rouge à talons remontaient jusqu'à Dieu sait où, et Dieu ne manquait pas d'aller vérifier de temps à autres s'il savait encore où, quand il n'était pas au bordel à fumer des havanes sur un air de rock.

Des bottes faites pour marcher, des bottes comme des lèvres pulpeuses gorgées de sang, alors quitte à être la chaise sur laquelle elle s'assoit, autant être aussi le trottoir sur lequel elles marchent, ces bottes qui marchent et marchent encore. Des bottes qui remontent jusqu'à Natalie Rose Findlay, en général juste Findlay, et dans la poche de son long manteau de velours noir, saisi par une main dépassant d'une large manchette de moumoute rose, un cadeau de Saint-Valentin emballé sous papier glacé sur lequel, de lettres rouges aux formes exubérantes et charnues, s'affiche un nouvel EP surprise au titre des plus évocateurs : Stay Kinky, restez coquins.

Une parfaite date de sortie, une direction musicale avec et sans équivoque, et voici que Findlay revient sans prévenir mettre du sel et du sale sous la couette de tous les amoureux des années 60. Une glissade dans le mauvais trou du lapin de Pâques et voici que le tunnel débouche en pleine année érotique, l'été est presque fini, Summer's Almost Over, et comme l'été de l'amour c'est toujours mieux à deux, Findlay invite Miles Kane à ressusciter les Last Shadow Puppets le temps de remettre le jus dans le jus de fruit, si vous voyez ce que je veux dire. Juicy Fruit, une petite merveille de pop conviviale comme Miles Kane nous en avait proposé sur tout Change The Show, et un hommage musical ultra-référencé au monde tel qu'il était quand De Gaulle présidait encore et que Delon se baladait en slip devant Jane Birkin.

Deux premiers titres en parfaite introduction de l'ambiance joueuse et boudoir devant s'installer à partir de la pop-psychédélique Fishbowl : les pianos électriques se mélangent les fluides, les guitares râpent la langue, et la fin électro-spatiale invoque la sensuelle Barbarella à vivre de passionnantes aventures sans culotte dans l'immensité du cosmos. Findlay déguisée en Barabarella déguisée en Lily Allen pour la pool-party de l'année, la géniale et mutine Eggshells, son piano sauteur, ses guitares pleines de fuzz, et comme toujours chez Natalie, It's A Pleasure. Jamais une chanson n'aura autant mérité d'être titré « la Nancy Sinatra du troisième millénaire », le piano se fait sauter en deux-deux sur le bar par un beat électro dégoulinant de groove, son petit refrain enfantin se retrouve sans savoir comment dans une débauche de stupre et de sexualisation malsaine, et Annie qui voulait simplement faire plaisir ne sait déjà plus quoi faire de toutes ses sucettes à l'anis.

Mais comme on dit, Stay Kinky, alors revoici Findlay sur son canapé en lèvres rouges qui nous fait de l'œil, la tenue ne laisse que ce qu'il faut à l'imagination, Natalie caresse innocemment son énorme basse, ce qu'il nous reste de pudeur s'effondre sur un pont biblique courant jusqu'à Sodome, et la soirée se finit avec quelques jouets et une petite partie de saxo sex. I Always Get What I Want, et en définitive c'est bien ce qu'on retiendra, Natalie Rose Findlay obtient toujours ce qu'elle veut, et ce qu'elle veut c'est un EP de Saint-Valentin comme personne n'en avait encore jamais eu l'idée, un presque parfait d'intentions et de réalisations sur des thématiques et des métaphores aussi casse-gueule que cette chronique.

Ainsi, Stay Kinky se dévoile comme une machine à remonter le temps en forme de lit à baldaquin aux draps de satin pourpre, un cœur moelleux dans lequel s'enfoncer et plus si affinités, une pépite lubrique et luxueuse ointe de l'essence même de la révolution musicale et sexuelle des sixties. Alors pour relancer les dés du désir et remettre le cul dans la culture, restez coquins, restez frais, restez Findlay, et surtout restez respectueux, parce que le consentement, c'est important !