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Findlay

Interview publiée par Olivier Kalousdian le 8 mars 2017

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A quinze ans, Nathalie Rose Findlay a laissé de coté le lycée et les cours pour sa guitare électrique et son stylo bille. A dix-sept ans, Polydor lui fait de l'oeil et miroiter un contrat généreux pour gérer sa carrière. Trop rapide, trop jeune, cette première signature va s'avérer destructrice pour elle, mais lui permettra, également une rencontre primordiale et de construire l'artiste qu'elle est aujourd'hui.

En 2014, son titre, Off & On illustre le spot publicitaire de BMW pour les Jeux Olympiques d'hiver et aujourd'hui, à vingt-cinq ans, la mancunienne sort son premier album, Forgotten Pleasures via l'écurie BMG qui lui laisse les coudées franches. Déjà connue pour des performances live remarquables, la belle Anglaise qui fut biberonnée aux sons de Joy Division et The Smiths (entre autres) et très vite repérée par Carl Barât livre des sons issus d'un melting pot de rock, soul, punk et blues avec des textes crus et parfois féroces parlant d'une jeunesse, sa jeunesse, débridée et un brin paumée.

Même s'il y a quelques années déjà que tu parcours la scène et les studios d'enregistrement, le public français ne te connait pas encore très bien. Comment as tu démarré ta carrière de chanteuse et de musicienne ?

J'ai grandi à Stockport, une banlieue au sud-est de Manchester. J'ai démarré la musique quand j'avais quinze ans et, très vite, à l'age de dix-sept ans j'ai signé mon premier contrat avec une major. Evidemment, cela s'est vite avéré être un mauvais choix et une aventure négative pour moi. Donc, il y a trois ans j'ai créé mon propre label pour m'affranchir de l'industrie du disque qui m'avait beaucoup déçue. J'ai eu quelques notions de solfège à l'école, mais j'ai majoritairement appris la musique seule, que ce soit pour la composition ou les techniques d'enregistrement.

Ta passion et ton désir de carrière dans la musique se sont donc déclenchés très tôt. A partir de quand exactement ?

Je suis naturellement fainéante et me diriger vers la musique plutôt que les études fut, au départ, plus un choix de facilité qu'autre chose. Tout du moins, c'est ce que je pensais.

Pourtant, très vite, une major t'a proposée un vrai contrat pour te produire. N'est-ce pas là le rêve de tout artiste ?

Un rêve qui s'est vite transformé en cauchemar ! Tout est allé trop vite pour moi, et puis, finalement rien n'est vraiment arrivé ! Ils voulaient que je travaille avec des gens que je n'appréciais pas, me faire patienter pour sortir un disque quand eux l'avaient décidé... En fait, j'étais prise en charge par une bande de vieux schnocks qui se sont dits : « Elle est jeune et nous allons gérer sa carrière à sa place ». Cela m'a rendue amère et mené au bord de la dépression. Et puis, tout ce petit monde m'a laissée tomber. J'ai donc changé de fringues, changé de groupe et j'ai laissé passer une année avant de me remettre à écrire et composer. Sauf que, quand une major te largue et te fait mauvaise presse, plus personne ne veut te signer derrière ! J'avais vingt-et-un ans et j'ai décidé à ce moment là qu'il était temps de créer mon propre label, Mint. J'ai auto-produit quelques titres que j'ai sortis sur les réseaux et là, BMG m'ont contactée en me disant : « On aime beaucoup ce que vous faites. Voulez-vous faire un disque avec nous ? ». J'ai réfléchi et je leur ai dit : « A partir du moment où c'est moi qui choisis le producteur, l'arrangeur, où j'ai le final cut et que je choisis mon artwork et que je contrôle mes vidéo clips, OK ! ». C'est ce qui aurait du se passer avec Polydor, mais quand tu as dix-sept ans et qu'on te promet pas mal d'argent pour signer, tu es plus pressée d'impressionner tes potes que de maîtriser ton travail.

Tu as déjà joué de nombreux festivals en Europe et tu as ouvert pour de nombreuses têtes d'affiche comme Jake Bugg ou Miles Kane. Comment décrirais-tu ton style musical et comment ta musique est-elle ressentie par ses artistes ?

C'est une sorte de joyeux bordel, de mash-up de tous les styles de musique que j'ai écoutés dans ma vie. Tu peux y trouver du rock, du hip-hop, de la soul... Mais difficile de trouver une petite boite pour caser mon style musical. Chaque titre que j'écris recèle un style un peu différent. Est-ce que Tame Impala font du psychédélique ? Du rock ? De l'électronique ? Aujourd'hui, nous avons la chance de pouvoir recycler de nombreuses influences et genres musicaux pour en faire, simplement quelque chose de « nouveau ».

Tu restes une artiste très « rock ». Quels genres musicaux écoutais tu étant jeune ?

Un panel assez large, mais toujours assez rock, effectivement avec des groupes comme The Beatles, Janis Joplin, The White Stripes, Captain Beefheart, The Velvet Underground, David Bowie, T Rex... mais également pas mal de jazz avec Billie Holiday ou Louis Armstrong. Je me rends compte, maintenant que tu me le demandes, que je suis quand même assez attachée à la musique des années 70.

Depuis plusieurs années, Carl Barât des Libertines t'apporte son soutien et t'aide dans ta carrière. Travaillez-vous toujours ensemble ? N'avez-vous jamais envisagé de collaboration ensemble ?

J'adore Carl et nous nous voyons dès que nous sommes dans la même ville. Il y a quelques projets de collaboration qui n'ont pas vu le jour, du fait de son agenda, mais je ne désespère pas. Je sais qu'il a un nouveau disque solo qui devrait sortir d'ici peu et qu'il est très pris, également avec The Libertines.

Ton premier album se nomme Forgotten Pleasures et il sort le 3 mars en France. Quel est le sens de ce titre ? A vingt-cinq ans, y a-t-il déjà des plaisirs que tu regrettes ?

C'est un peu ça... Le titre est éponyme d'une chanson sur le disque et qui parle de mes « jeunes » années. Il faut savoir que j'étais, dès mes plus jeunes années, quelqu'un de très instable, fréquentant toutes les fêtes possibles et inimaginables et m'adonnant à toutes les drogues qui passaient sous mon nez.

Aujourd'hui je suis un peu plus sage et moins fofolle.

Tu as stoppé tout cela ?

Pas du tout (rires) ! Mais disons qu'aujourd'hui je suis un peu plus sage et moins fofolle sur ces sujets là. Rester sans dormir pendant trois jours et finir en totale dépression la semaine d'après, j'essaie de ne plus me le permettre pour ne pas nuire à mon travail. Néanmoins, le souvenir de cette période reste en moi et ce titre comme cette chanson sont des réminiscences de moments où, malgré les contre coups, je m'amusais comme, peut-être, plus jamais. D'ailleurs, ce premier album contient des titres qui sont issus de cette période sauvage et d'autres, beaucoup plus récents, comme Waste My Time et on peut noter une certaine différence de tempo et de textes.

Combien de temps a pris la création de ce premier album, sachant qu'il renferme des titres déjà écrits avant qu'il ne soit décidé ?

Les plus anciens titres ont déjà quelques années mais la plupart des chansons du disque ont été écrites en 2015, enregistrées en 2016 et mixées et masterisées fin 2016.

Où s'est déroulé l'enregistrement ?

Au Total Refeshment Centre, à Londres (ndlr : un centre multi-arts qui concentre studio d'enregistrement, salle de concert et de répétition ainsi que salle de projection cinéma). Nous avons produit l'album en famille si je puis dire avec mon petit ami, Jules Apollinaire.

Qui est Jules Apollinaire ?

J'ai rencontré Jules juste après avoir été lâchée par Polydor, dans une période de ma vie très sombre et, en quelque sorte, je pense qu'il a sauvé ma vie, tout du moins artistique. C'est un musicien-producteur français qui vit à Londres et, entre nous, cela a matché dès le départ. Nous nous sommes donc remis au travail ensemble, et au lit par la même occasion (rires). Comme Paul McCartney avec Linda, j'ai trouvé mon âme sœur musicale. Depuis, nous avons crée notre propre home studio à la maison.

Ta musique est principalement taillée pour le live. As-tu enregistré Forgotten Pleasures dans des conditions de live ?

C'est vrai pour la batterie et les percussions. Mais, généralement, je fais la séparation entre les sessions studio et la scène. En studio, je peux paradoxalement devenir assez chiante et méticuleuse et il faut que tout marche au clic près ! Pour les parties vocales, je peux enchaîner jusqu'à cinquante prises avant d'être satisfaite... Pourtant, j'admire les groupes qui enregistrent leur session studio dans les conditions du live, mais parce que mes titres englobent tellement d'instrumentations et de calques, cela aurait du mal à fonctionner avec ma musique.

De ce fait, comment calibres-tu tes concerts avec des titres qui regroupent autant d'instrumentations différentes ?

Même si ce n'est pas vraiment ma tasse de thé, j'utilise des samples et des boucles. De nos jours, cela est devenu assez commun pour qu'on ne te le reproche plus. Avoir autant de musiciens que les titres l'imposent coûterait bien trop cher, et je ne suis pas un cas isolé.

Tes textes sont assez remarquables et, parfois d'une sauvagerie proche du punk rock. D'où vient ton inspiration ? Écris-tu d'abord les textes ou composes tu en priorité la musique ?

C'est souvent aléatoire... Je m'inspire parfois d'une lecture ou d'un poème ; parfois de ma propre vie ou, parfois également, c'est un son ou une mélodie qui va faire naître l'inspiration. Et, si mes textes finissent presque toujours par raconter un pan de ma vie, j'essaie de rester assez floue pour que les auditeurs puissent interpréter cela comme ils le veulent. Je me souviens que pour le dernier titre sur l'album, Sunday Morning In The Afternoon, l'inspiration m'est venue alors que je passais un sale moment, en pleurs dans mon lit juste après ma sortie de chez Polydor. Une journée de déprime composée de junk food et de cigarettes fumées les unes après les autres. Finalement, c'est sûrement le titre le plus sincère de l'album !

Si j'ai un regard sur tout, je ne suis pas assez compétente pour m'occuper de tout.

Tu disais que, dorénavant, tu voulais tout contrôler sur ta carrière. Quel est ton niveau d'implication concernant l'artwork ou les vidéo clips qui sont souvent d'une grande créativité ?

Si j'ai un regard sur tout, je ne suis pas assez compétente pour m'occuper de tout. L'artwork vient d'une jeune graphiste nommée Stéphanie. Je l'ai découverte par hasard via internet et j'ai trouvé son site web et son travail absolument géniaux. Surtout si tu prends en compte qu'elle a dix-neuf ou vingt ans à peine. Je l'ai contactée et je lui ai demandée si elle était d'accord pour créer l'artwork de mon premier album. Je ne l'ai jamais rencontrée ! Elle vit au Canada et nous avons tout fait par mails et internet interposés. Du coup, elle a également travaillé sur les after effects du vidéo clip de Waste My Time. Toujours à distance... J'aime cette idée de valoriser des jeunes talents et d'utiliser les technologies à notre disposition pour y parvenir.

Tu as dit, à propos de Forgotten Pleasures : « Je voulais faire un album qui reflète ce que c'est qu'être jeune, paumée et amoureuse dans une société qui n'a aucun sens ». Je pense que tu es loin d'être la seule à ressentir cela et, encore plus après l'élection de Trump ou le Brexit en Angleterre. Comment vois tu le futur, notamment toi qui travaille et est en couple avec un Français, à Londres ? Quelles vont être les difficultés rencontrées pour vous quand le Brexit sera effectif ?

Mon batteur est Espagnol. Jules est Français. Moi je suis Anglaise... Et c'est tout ce qui faisait la beauté de Londres – personne à Londres ne vient de Londres à la base ! - et de la musique en Angleterre généralement jusqu'à ce putain de vote réac ! Trump, le Brexit, le monde entier semble être attiré par les extrêmes et les pensées les plus réactionnaires ! Mais, reconnaissons aussi que c'est dans des périodes similaires que les meilleurs groupes et les meilleurs créations voient le jour. Quand tout va bien et que tu vis dans une bulle de bonheur, tu ne peux pas écrire ! Ou alors, cela ne va jamais bien loin... Même de ma courte expérience, les meilleurs trucs que j'ai écrits ou composés viennent de périodes merdiques où j'étais déprimée, larguée ou en descente (rires). C'est comme une batterie électrique avec un pôle négatif et un pole positif. Même quand le négatif prend le dessus, il te faut reconnecter avec le positif sans quoi, tu n'as plus qu'à t'éteindre (rires) !

Quels sont tes plans pour 2017 ?

Nous allons jouer au festival SXSW en avril et nous enchaînerons avec quelques dates à New York. Ensuite, retour en Europe pour des concerts en Allemagne. Et, fin avril, nous jouerons à la Maroquinerie à Paris.