Peggy Sue

Suite à leur premier album révélation Fossils And Other Phantoms paru l’an dernier, Peggy Sue sont de retour, en version beaucoup plus énervée. Rassurez-vous, le duo formé par Katy Young et Rosa Slade ne se jette pas encore de guitares au visage, leurs voix restant plus à l’unisson que jamais. Acrobats dévoile cependant des influences plus lourdes en rock 90s dans le son du groupe et donc plus électrique que par un passé plutôt folk malgré tout toujours présent.

L’ambiance se fait inquiétante, voire angoissante, divagant entre passages de guitares lancinants et basses répétitives portées par une voix écorchée. Les compositions ont toujours une base folk ou blues mais Peggy Sue les expriment de manière beaucoup plus rock. Les refrains excitent le tensiomètre même si l’originalité n’est parfois pas au rendez-vous, certainement freinée par l’énergie déployée. Même si la face sombre de Peggy Sue prédomine sur cet album, une certaine fraicheur se retrouve dans le mélange des deux voix féminines. le chant est donc doublé sur la majorité des chansons, partagé entre l’organe aigu et criard de Katy Young et la chaleur plus intimiste de Rosa Slade. L’une apporte un grain de folie assez particulier, s’emportant dans des divagations d’une voix aérienne et détachée, l’autre plus naturelle se force moins. L’hésitation entre ces deux voix qui se complètent peut parfois décontenancer et on aurait parfois préféré que l’une ou l’autre prenne le pas sur certaines compositions.

Il en ressort une complexité rendant cet album moins rapide d’accès que le précédent, malgré la simplicité parfois trop apparente des instrumentations. Se frayer un passage dans Acrobats se révèle donc au départ plutôt... acrobatique. Les amateurs de folk anglais y trouveront leur compte avec des voix rappelant Laura Marling malgré un son invoquant parfois The Breeders.
Funeral Beat et ses rythmes tribaux pour enterrement accéléré surplombant un léger violon est le premier moment où l’on prend prise sur cet album. La guitare se fait plus saccadée sur Changed & Waiting et la voix fait enfin son choix. La tension est décidément impulsée par des percussions plutôt accrocheuses : les morceaux y trouvent leur puissance et permettent à la voix de Katy de se lâcher sur une guitare de plus en plus puissante. Parking Meter Blues renoue finalement avec le Peggy Sue des débuts sur un son plus calme et une introduction à capella laissant libre court à des voix claires. Un xylophone et une légère basse accompagnent un texte que l’on peut percevoir différemment selon la voix sur laquelle on se focalise. Ce mélange vocal nuit néanmoins au caractère intimiste et direct de cette chanson en lui insufflant une multiplicité supplémentaire qui caractérise l’ensemble de l’album. Un son percutant reprend le dessus sur All We'll Keep, les voix se faisant dépasser par une guitare un peu poussive, correspondant moins à la qualité perçue à d’autres moments.

Il convient néanmoins de ne pas s’arrêter en court de route car la fin de l’album est le passage le plus réussi, à commencer par Boxes, marquant un de ses sommets. Le son se fait lourd, tout en tension, et le mélange vocal plus évident que jamais est relevé par un violon tremblotant et une trompette qui jouant à cache-cache avec une guitare orientale. Peggy Sue ne s’arrêtent pas là avec le refrain accrocheur et emporté de Ruthie.
Arrive enfin ce qu’on attendait depuis le début avec la voix grave de Rosa Slade entamant seule la très belle Shadows, Katy restant cette fois dans son ombre. On ressent dans cette chanson l’âme du groupe avec ce chant donnant toute sa contenance aux arrangements précis. Le coté Velvetien de Peggy Sue ressort, on approuve enfin totalement l’orientation prise qui aura mis un peu de temps à trouver son chemin. Un violoncelle parvient à magnifier une tristesse supplémentaire par d’amères variations d’archet. There Always Was conclut sur la même lignée un album diesel qui aura démarré son rythme.

On a pu craindre un temps que Peggy Sue ne se perdent dans cette nouvelle orientation plus électrisante mais après quelques passages transitionnels entre deux périodes du groupe un peu éloignés, Acrobats s’enflamme réellement durant les ultimes minutes. Leur premier album n’est sorti que l’an dernier mais les deux jeunes filles montrent déjà une capacité à explorer un autre son et de casser les barrières entre les genres. Attention toutefois à ne pas se brûler les ailes dans les abimes de la simplicité. Peggy Sue ont su opérer leur mutation et le résultat reste simplement convaincant.