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Tall Ships

Everything Touching

Tall Ships - Everything Touching
Chronique Album
Date de sortie : 08.10.2012
Label : Big Scary Monsters
35
Rédigé par Julien Soullière, le 25 septembre 2012
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Et vas-y donc que je t’invoque Battles, Foals, The XX, tous les groupes pseudo-indés les plus hypes du moment, le tout en un peu moins de deux lignes. Bravo le NME. Il y avait embouteillage, mais vous vous en êtes sortis. Par miracle, ou avec agilité je ne sais guère, mais vous y êtes arrivés. Pour ce que ça vaut, j’en arrive au point ou mes facultés cognitives ont bien du mal à m’apporter le discernement de rigueur face à pareille situation : servir un concentré de comparaisons quatre étoiles pour parler d’un jeune groupe que l’on a apprécié, est-ce vraiment ce qu’il y a de plus valorisant pour celui-ci ? A débattre, mais remettons ça à plus tard si vous le voulez bien. Là, tout de suite, c’est de Tall Ships qu’il faut causer, alors qu'il n’y avait pour ainsi dire pas eu coup de foudre à la Flèche d’Or récemment.

C’était en début d’année. Avril, certainement. Première partie attitrée des Los Campesinos! à l’occasion de leur tournée européenne, le trio venait tout juste de monter sur scène à mon arrivée au 102b de la rue de Bagnolet. C’était ma première fois, une vraie première fois : jamais rien vu, jamais rien entendu. Si d’aventure vous aviez été dans la salle, et que vous m’aviez apostrophé avec la ferveur ô combien candide de celui désire en savoir plus, je serais resté muet, incapable de vous dire quoique ce soit d'intelligent, du moins de concret, sur Tall Ships. Tout juste avais-je cru comprendre qu’ils étaient prometteurs.
Bien, mais en quoi, et pour qui ? Et là, voilà que les enceintes vomissent T=0. Erreur. Ouvrir le feu avec un tel titre, c’est placer la barre trop haut, au point de ne plus être en mesure de la voir. Noyés dans une épouvantable bouillie sonore, incapables d’occuper l’espace qui leur était offert, de transmettre à leur public ce qu’ils étaient venus leur donner, les anglais avaient livré un set exsangue de toute émotion. A tête reposé, c’est un week-end plus tard que je redécouvre Books, Vessels et autres Hit The Floor. Que je comprends le potentiel du groupe. Que je commence à attendre Everything Touching. Accorder une seconde chance, parfois, ça ne coûte rien, et ça rapporte pas mal. C’est bien ça qu’on appelle le math-rock, non ?

Ascenseur émotionnel au menu : l’album débute par T=0. D’abord cet obsédant son de crécelle, puis ce riff nerveux, ce claquement rapide et incessant, pareil à celui qui trahit l’état d’excitation d’un crotale en plein désert, cette batterie sèche et claquante, et enfin, cette immense décharge émotionnelle. T=0, titre plus carré que les faces d'un cube du point de vue de sa construction, est une petite merveille de post-rock lyrique. Oui mais voilà, je repense à cette histoire de concert, et comme certains disent que tout est un éternel recommencement, et que je ne sais pas trop quoi penser de tout ça, j’ai quand même un peu peur que la suite du disque ne soit que déception. C’est à ce moment là qu’arrive Best Ever, aka « le titre qui tombe à pic », soit un concentré de post-rock folklorique naviguant à vue entre violons rigolards et tempêtes sonores. Un morceau qui rassure, qui me rassure, et me conforte désormais dans l’idée que le groupe en a plus sous la semelle que sa piètre prestation du début d’année le laissait supposer. Foutue balance audio, foutus groupes qui ne sont pas (encore) des groupes de scène.

Quoiqu'il en soit, Everything Touching est un objet séduisant. Les exceptions confirmant la règle étant Send News, interlude - attention, pléonasme – superflu au possible, et Oscar qui, s’il ne jouit pas d’une rythmique des plus convaincantes, souffre surtout du chant mal placé de l’ami Ric Phethean. Petite parenthèse, la voix de ce dernier est d’ailleurs bien transparente, sans personnalité, interchangeable. Ce qui ne l’empêche pas de faire le job, voire même, et c’est là qu’on mesure l’intelligence du groupe (faire au mieux avec ce que l’on a) de constituer l’élément central d’une composition. Dans le furieux Gallop, par exemple, le chant caverneux de Phethean se marrie à la perfection avec les chœurs de ses petits camarades, et les mouvements de bras puissants et métronomiques du batteur Jamie Bush ; dans Idolatry, pur moment de grâce, c’est bien le chant qui escalade nos pommettes pour venir nous tirer les larmes des yeux.

Vous l’aurez compris, Tall Ships font comme beaucoup d’autres groupes. Ils alternent, les genres (ici le post-rock, vu et revu jusqu’à lui donner une jolie couleur électronique dans Murmurations) comme les émotions. Ils jouent les gros bras pour mieux vous montrer dans la seconde qu’ils ont la tête perdue quelques part, là-haut, dans les étoiles. Ils sont humains, jouent la fureur comme le rêve, et c’est en livrant une recette aussi simple qu'ils nous parlent autant. La vie est parfois faite de petits plaisirs.
tracklisting
    01. T=0
  • 02. Best Ever
  • 03. Phosphorescence
  • 04. Oscar
  • 05. Ode To Ancestors
  • 06. Gallop
  • 07. Idolatry
  • 08. Send News
  • 09. Books
  • 10. Murmurations
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    Idolatry, Murmurations
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