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MONEY

The Shadow Of Heaven

MONEY - The Shadow Of Heaven
Chronique Album
Date de sortie : 26.08.2013
Label : Bella Union
5
Rédigé par Emmanuel Stranadica, le 20 août 2013
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Manchester est une ville qui a engendré de nombreux groupes cultes. Que ce soit Joy Division, The Smiths, James ou The Stone Roses... la liste est longue et non exhaustive. Pourtant, depuis quelques années, celle que l’on surnommait « Madchester » est devenue davantage une référence en termes footballistiques que musicaux. La relève, tout au moins en termes de culte musical, est cependant peut-être enfin assurée. En effet, derrière le nom MONEY se cache quatre jeunes mancuniens pour le moins énigmatiques.

En février 2012, ils sortent un premier 45 tours, Who's Going To Love You Now? en édition limitée sur un minuscule label : Sways Records. Celui-ci fait grand bruit, non pas à cause de ses deux chansons, mais de par sa pochette où Jamie Lee, chanteur du groupe, se présente dans le plus simple appareil. On peut peut-être comparer ce petit coup de poker à la pochette de Hand in glove de The Smiths sortit quasiment trente plus tôt, mais où le modèle se contentait de montrer l’envers du décor. Depuis, il est vrai, les temps ont bien changé...
Cependant, avant la sortie de cet album, MONEY pouvaient s’apparenter à un véritable mystère musical. A l’exception d’un second 45 tours sorti par le label français Almost Musique et quelques démos distillées sur des cassettes éditées à un nombre comparable aux élèves d’une classe de 6ème, la carrière discographique de ce quatuor atypique est absolument minuscule. Et si MONEY n'ont jamais sorti l’album live dont il était question au début de l’année 2012, il est possible que suite à cette publication sur le label Bella Union le groupe passe enfin du statut d’invisible à celui de culte.

Car, et c’est bien là que réside le point essentiel de cet article, ce disque est tout bonnement un petit chef d’œuvre. The Shadow Of Heaven est en effet une cérémonie, une célébration, qu’il ne faut surtout pas interrompre. En effet, des premières vocalises de So Long (God Is Dead) aux derniers échos de la voix de Jamie Lee et des notes de piano de Black, cet album forme une unité parfaite tout au long de ses cinquante minutes. Il ne faut donc surtout pas essayer de piocher un morceau par ci ou par là pour tenter de pénétrer dans l’univers mystique du groupe. L’atmosphère de ce disque est sublimée par une parfaite mélancolie, elle-même contrastée par sa pochette, une nouvelle fois en noir et blanc, où le modèle semble vivre un moment de grâce à l’occasion du saut qu’il effectue. Car c’est bien de grâce voire d’extase qu’il nous faut parler lorsqu’on réussit à traverser l’univers généré par ces quatre petits génies.

La musique de MONEY, aussi addictive soit-elle, reste confinée, comme éclairée à la lueur des flammes d’une pléiade de bougies. L’envolée musicale dans toute sa puissance se fait inlassablement attendre mais ne survient pratiquement jamais. Et pourtant, les quatre anglais, en restant dans la retenue, ne nous frustrent pas. Comme s’ils avaient réussi à réinventer une forme de shoegazing tamisée de calme. Hold Me Forever, chanson longue de près de six minutes, en est un formidable exemple. L’envie de communion entre ce désir d’une étreinte éternelle supplié par le leader du groupe et la montée en force des instruments semble si évidente, et pourtant jamais n’arrivera.
Le groupe se sert pour ne pas dire puise une large part de son énergie dans la voix de son leader. Et si le timbre de Jamie Lee pourrait à quelques rares occasions s’apparenter à celui de Jón Þór « Jónsi » Birgisson de Sigur Rós, la comparaison entre les deux groupes s’arrête là. Cold Water restant d’ailleurs la seule chanson où le groupe s’autorise (enfin) à dépasser la limite sonore qu'il s’interdit tout bonnement.
L’album est une parfaite combinaison de perles musicales, très souvent éthérées (Shadow Of Heaven, Bluebell Fields) et parfois même dépouillées d’une instrumentation compliquée (Cruelty Of Godliness). Car si le groupe se cache dans la pénombre, il se met à nu pour le faire.

Essayons toutefois de rester un tant soit peu lucides. Aucun morceau de ce disque ne s’apparente à un tube. Et si le double A-side Hold Me Forever/Bluebell Fields a été choisi par le label de Simon Raymonde pour lancer l’album, il y a un risque de probabilité quasi nul pour que celui-ci inonde la bande FM et fasse de MONEY un futur New Order. Ce n’était toutefois pas le but et cela ne le sera probablement jamais. Il serait toutefois désolant qu’un disque aussi riche et passionnant se perde dans la masse ô combien conséquente des albums de la rentrée.
Alors surtout ne boudons pas notre plaisir en nous replongeons une fois encore dans cette somptueuse invitation musicale qu’est The Shadow Of Heaven et ayons une pensée presque émue pour Mark Knopfler, tant il s’est égaré lorsqu’il chantait accompagné de ses indigestes solos de guitare, Money Is For Nothing.
tracklisting
    1. So Long (God Is Dead)
  • 2. Who's Going To Love You Now
  • 3. Bluebell Fields
  • 4. Goodnight London
  • 5. Letter To Yesterday
  • 6. Hold Me Forever
  • 7. Cold Water
  • 8. The Cruelty Of Godliness
  • 9. The Shadow Of Heaven
  • 10. Black
titres conseillés
    Goodnight London - Hold Me Forever - Black
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