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Nine Black Alps

Candy For The Clowns

Nine Black Alps - Candy For The Clowns
Chronique Album
Date de sortie : 21.04.2014
Label : Hate Records
3
Rédigé par Hugues Saby, le 23 avril 2014
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L'adolescence est une période difficile pour tout le monde. Les amateurs de rock n'échappent pas à la règle, et la puberté musicale peut être terrible tant les choix qu'elle impose sont cornéliens. Certains d'entre nous ont mis leur plus belle chemise à carreaux, se sont laissés pousser les cheveux, ont pactisé avec le diable et sont tombés corps et âmes dans le grunge, qui exprimait parfaitement leur mal-être, voire dans le lo-fi pour les plus esthètes / intellos / hypersensibles (appelez-les comme vous voulez) d'entre nous. D'autres, à l'oreille un peu plus facile, un peu plus commerciale, ont adopté l'attitude « rebel without a cause » et se sont vautrés dans le teenage / college rock US. Les derniers enfin se sont assis sur le banc défoncé d'un pub anglais et n'en ont plus jamais décollé, noyant leur spleen dans la bière et les douces mélopées de la britpop.

Visiblement, nos amis de Nine Black Alps ont eu du mal à choisir leur camp. Un peu adolescent attardé, leur son s'apparente souvent à l'Albatros de Baudelaire, à la démarche maladroite et honteuse mais tout autant capable de déployer ses grandes ailes. Il oscille constamment entre les trois genres, évoquant tantôt – et très fortement - Nirvana et les Foo Fighters (Patti, Not In My Name) ou Teenage Fanclub (Clown), mais aussi des groupes comme il en existait à la pelle dans les années 2000 (ah, les American Hi-Fi, Good Charlotte et autres New Found Glory, autant de plaisirs coupables, équivalent pour adultes de la masturbation des ados, tiens).
Dans leurs moments les plus pop, Nine Black Alps évoquent parfois les Stereophonics (notamment sur l'excellent Supermarket Clothes). Ça et là, on distingue d'autres influences plus ou moins marquantes – The Kooks, Blood Red Shoes, Black Rebel Motorcycle Club, et surtout Placebo période Without You I'm Nothing et ses guitares lead malsaines et distordues en tous sens.

À titre tout à fait personnel, cet album me fait penser à un autre, que j'affectionnais particulièrement dans mes plus jeunes années : Yesterday Went Too Soon. Mais si, rappelez-vous : la campagne anglaise, un arrière de Citroën DS... Voilà, vous y êtes : Feeder. Les similitudes entre la voix de Grant Nicholas et celle de Sam Forrest sont frappantes, de même que les thèmes abordés, notamment la drogue, l'alcool et leurs conséquences négatives mais aussi positives. Nine Black Alps partagent d'ailleurs avec Feeder les qualités mais aussi les défauts inhérents à ce genre de musique : une véritable énergie garage et une mécanique instrumentale parfaitement huilée (basse, batterie en mode autoroute, déluges de guitare rythmique, solos perçants et millimétrés de guitare lead) contrebalancées par des mélodies de voix souvent en demi-teinte et une tendance récurrente à se rouler dans le cliché du rock stoner pour motards. La grosse cavalerie quoi. Amis de la finesse, passez-votre chemin.

Ne soyons pas chiens : ça déroule, et impeccablement. Tout amateur de gros son qui tordrait le nez sur les morceaux les plus rock'n roll du disque serait de bien mauvaise foi. Comme dirait l'autre : quand ça fonctionne, ça fonctionne. Revers de la médaille : sur les morceaux les moins inspirés de l'opus, tout ceci pêche clairement par manque d'originalité et – disons-le - d'intérêt : de Novokaine, Clown et Destroy Me, plombés par la faiblesse de leurs lignes mélodiques et les stéréotypes de l'écriture pub rock. Le mimétisme des idoles – Nirvana et re-Nirvana - est lui aussi un tantinet énervant. Curieusement, les vraies qualités du groupe se font jour lorsqu'il s'aventure sur des rivages plus pop. Supermarket Clothes et Morning After s'installent par exemple bien au-dessus de la pile par leur franchise mélodique. Ça ne changera pas la face du monde, mais au moins, le groupe ne cache pas ses émotions, apportant un vrai plus à la dynamique d'ensemble. Dommage donc, que la formation ait choisi de terminer l'album par les deux morceaux les plus faiblards, notamment Take Me Underground, qui offre un condensé de ses imperfections.

Sur Clown, Forrest chante « Yeah, you always let me down ». Si à la longue, l'écoute de Candy For Clowns s'avère un poil fatigante – ce disque reste somme toute plutôt quelconque -, les Nine Black Alps, eux ne nous laissent jamais tomber. On peut toujours compter sur ce type de groupes, un peu impersonnels, un peu dispensables, pour nous tenir compagnie dans les moments de disette musicale, entre deux vrais bons disques. Cet album, immédiatement familier une fois la touche play enfoncée, immédiatement oublié une fois pressé le bouton stop, est une parfaite illustration de ce qui relève malgré tout d'un art subtil que peu de groupes maîtrisent : contenter les adolescents du monde entier en leur donnant exactement ce qu'ils attendent, concoctant ainsi la bande son idéale de leur histoire personnelle et émotionnelle à construire dans ces années si décisives. Et j'en connais plus d'un qui va se « palucher » en écoutant ce disque.
tracklisting
    1. Novokaine
  • 2. Blackout
  • 3. Supermarket Clothes
  • 4. Patti
  • 5. Something Else
  • 6. Morning After
  • 7. Come Back Around
  • 8. Not in My Name
  • 9. Destroy Me
  • 10. Take Me Underground
  • 11. Clown
titres conseillés
    Supermarket Clothes - Morning After - Not In My Name
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